Clément, Alex et tous les autres (2019) Cheng-Chui Kuo
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Clément, Alex et tous les autres (2019) Cheng-Chui Kuo
Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça ?
Avant d'être présenté au festival Chéries-chéris, puis de sortir directement en DVD, Clément, Alex et tous les autres était une pièce. D'origine taïwanaise, Cheng-Chui Kuo a écrit cette œuvre, qui s'est joué dans un petit théâtre parisien durant un mois au milieu des années 2000. Puis le réalisateur s’est attellé à deux court-métrages, dont le premier, Séance familiale, a reçu un écho favorable. Jouant avec le concept de télé-réalité, il était clairement inspiré de la vie personnelle du metteur en scène. Puis il a réalisé un long-métrage, produit à Taïwan et inédit en France. C'est le désir de porter à l'écran sa pièce de théâtre qui l'amèna à lancer une campagne de financement participatif. Selon lui, les thématiques du film ne passeraient pas le cap des commissions, et il souhaitait à tout prix garder la liberté artistique qui guide son travail. C'est aussi cette idée qui a guidé sa volonté de travailler dans l'urgence, et en deux semaines le film était bouclé.
Des jeunes gens passent des entretiens pour devenir colocataires avec Clément, scénariste, et son amie Alexandra. Ils choisissent finalement Léo, qui débarque avec sa copine Maéva. Elle s'étonne dès son arriver de se retrouver dans un « appart de gay » : un des critère que Clément avait exigé était que les candidat-e-s à la collocation soient homosexuel-le-s. Léo rassure ses nouveaux colocataires en leur disant que Maéva est lesbienne et vient de faire son coming out. Or elle est hétérosexuelle et ne se sent pas très à l'aise dans un tel univers. Anne, la sœur de Clément, débarque alors à l'improviste : elle ne lui a pas encore rendue le double des clés de l'appartement. Elle s'étonne de ne pas voir David, ce qui est l'occasion pour son frère de lui annoncer qu'il s'est séparé avec lui quand il a appris qu'il voulait aller vivre à Nantes. Anne s'étonne de ne pas voir été prévenue plus tôt et reproche à Clément de ne pas avoir suivi David.
Dès les premières répliques de Clément, Alex et tous les autres, on est dans le bain. Une succession de poncifs s'enchaînent, censés être drôles mais qui tombent à plat. Le but affiché est clair : inverser l'hétéronormativité. Cette note d'intention, qui ne sera jamais dépassé durant tout le film, est lourdement assénée dans des dialogues d'une rare pauvreté. Le scénario ne dépassera jamais sa dimension lesbienne et gay, vaguement bisexuelle mais encore une fois avec une grande maladresse. Si le message du film est de dénoncer le mécanisme de rejeter les hétérosexuels au nom de la défense d'une communauté repliée sur elle-même, il est complètement daté. Pire, la vacuité du scénario nous fait croire que les homosexuel-le-s sont d'une rare futilité, entre la différence d'âge lourdement assénée alors que le personnage principal a un peu plus de trente ans, quand sa seule obsession est de trouver l'amour alors qu'il jette son compagnon uniquement parce qu'il déménage dans une autre ville.
Justement, parlons des protagonistes de Clément, Alex et tous les autres. Si le scénario du film, dont le seul avantage est sa courte durée, tient sur une note d'intention, elle-même ne dépassant pas la longueur d'un post-it, on ne peut pas dire que la caractérisation des personnages soit plus intéressante. On ne sait rien d'eux, mis à part qu'ils sont homosexuel-le-s et qu'ils vivent dans un grand appartement parisien. Prenons Clément : on nous assène lourdement qu'il a été abandonné par tous, ce qui est censé avoir construit son désir d'être aimé et ses difficultés à s'attacher. Alex n'est pas mieux traitée, encore moins la sœur de Clément ou le couple de jeunes gens qu'on ne verrait même pas interagir de la sorte dans une mauvaise pièce de boulevard. Quand à la construction du récit, elle est inutilement tarabiscotée, et l'insertion d'un court-métrage digne d'un film de fin d'étude n'apporte rien à l'intrigue.
La dimension théâtrale de Clément, Alex et tous les autres et bien présente, et autrement moins bien utilisée que chez Rainer Werner Fassbinder ou chez François Ozon. On ne quitte pas ce fameux appartement, qui dès la première scène acquiert le statut de personnage à part entière. Sauf que le réalisateur n'en fait rien, à part nous montrer des plans fixes sur les protagoniste qui s'échangent des banalités. D'ailleurs on nous dit qu'il est superbe mais mis à part sa terrasse, dont on nous montre qu'un petit bout, on ne voit pas trop l'intérêt de ce décor.La mise en scène ne s'envole jamais et l'impression de pièce filmée ne nous quitte pas. Le jeu des acteurs ne rattrape rien, entre David Mora qui ne parvient pas à se départir de son jeu dans Scènes de ménages et le jeune Bellamine Abdelmalek, qui ne vaut que pour son minois et son corps brièvement mis en avant. On ne retiendra donc pas grand chose de ce film, vite vu vite oublié.