Bullitt (1968) Peter Yates
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Bullitt (1968) Peter Yates
La dure existence des flics intègres
Le réalisateur Peter Yates est principalement connu pour Bullit, son premier film aux États-Unis après avoir signé quelques réalisations britanniques pour la télévision et pour le cinéma. C'est Steve McQueen qui repère le cinéaste et le fait connaître aux studios de la Warner, avec qui il a signé un contrat et qui envisagent de tourner avec lui l'adaptation d'un roman de Robert L. Pike. C'est sous ce pseudonyme que l'auteur Robert L. Fish avait écrit une série de polars mettant en scène un lieutenant new-yorkais ; l'action se déroulera à San Francisco dans le film. McQueen, qui produit le long-métrage, s'inspirera du policier Dave Toschi, qui avait à l'époque en charge l'affaire qui plus tard occasionnera le Zodiac de David Fincher. Par la suite, Yates pousivra son petit bonhomme de chemin, sans vraiment susciter de nouveau l'attention de public ni de la critique.
Le début
Walter Chalmers, un politicien, se rend au Sénat à l'occassion d'une réunion au sujet du crime organisé qui sévit à San Francisco. Il n'y vient pas sans arrière pensée puisque la chute du parrain Peter Ross pourrait lui offrir une belle promotion, et qu'il a réussi pour ce faire à convaincre son frère Johnny à témoigner. Le week-end précédent son voyage à Washington, il demande au lieutenant Frank Bullit de le rejoindre dans sa villa sur les hauteurs de la ville, pour lui demander d'assurer la protection de son témoin. Tandis que le jeune détective Carl Stanton le relaie, deux hommes se présentent pour parler à Johnny, et la nouvelle recrue appelle Bullit pour savoir quoi faire. Distrait, il ne voit pas le témoin ouvrir la porte et laisser entrer les intrus, qui tirent sur le détective et sur le frère du mafieux.
Analyse
D’abord il y a dans Bullit la musique de Lalo Schifrin, et dès les premières minutes du générique on reconnaît la patte du futur compositeur de L’inspecteur Harry. On rentre alors de plein fouet dans un bon vieux polar bien poisseux et, il faut bien en convenir, un brin manichéen. Et puis c’est l’histoire d’un flic dont la réputation sans faille arrive aux oreilles d’un politicien véreux, Walter Chambers. Celui-ci le charge donc de protéger un témoin capital pour son ascension personnelle, et l'on voit très vite ce qui va bien pouvoir se passer. Car bien sûr tout ne va pas se passer comme prévu et notre lieutenant, chiffonné comme il se doit d’avoir failli à sa mission et, bien entendu, en quête de vérité et d'absolu, va tout faire pour démêler les fils touffus de cette histoire pas aussi claire qu’elle en a l’air.
Ce dont on se souvient le plus souvent de Bullitt, c’est cette formidable poursuite en voiture dans les rues sinueuses de San Francisco. Pour une des premières fois dans le cinéma moderne, Peter Yates utilise pleinement son univers extérieur et met magnifiquement en valeur cette belle ville aux fameux dénivelés. On est souvent embarqué en plein dans la voiture de Bullitt, campé par un formidable Steve McQueen alors en plein boom dans sa carrière, et la longue scène où il poursuit l’assassin dans sa voiture, une scène qui nécessita quand même trois semaines de tournage et pas moins de quatre voitures, restera dans les mémoires. La confrontation savamment mise en scène entre ce policier foncièrement intègre et le politicien arriviste très bien campé par le trop souvent sous-estimé Robert Vaughn donne lieu à des prises de bec assez savoureuses.
Par contre l’amorce d’intrigue intime supposée éclairer le caractère du héros est franchement bâclée. Jacqueline Bisset se retrouve simplement coincée en faire-valoir et les scènes ralentissent le rythme sans rien apporter. Malgré tout, Bullitt reste de bout en bout haletant et recèle quelques surprises qui viennent à point nommé relancer l’intrigue quand une baisse de régime commence à se faire sentir. Bref, on a ici un bon polar des années 1960, précurseur d’une longue série d’avatars plus ou moins bien réussis dans la décennie qui suit. Plusieurs films se réclameront plus ou moins officiellement de sa scène de course-poursuite, de French Connection au Marginal en passant par Drive, sans oublier les parodies telles que l'excellent La Classe Américaine, qui lui laisse une belle part, ou bien Mais qui a tué Pamela Rose ?