8 femmes 1/2 (1999) Peter Greenaway
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8 femmes 1/2 (1999) Peter Greenaway
Let’s talk about sex baby
On sent que le facétieux Peter Greenaway, qui a étudié la peinture et a aussi dans sa carrière été peintre et commissaire d'exposition, a voulu se faire plaisir avec 8 femmes ½. Truffé de références, le film déroute et/ou ennuie bon nombre de spectateurs, ne suscitant peu d'indifférence, à l'instar de nombreuses œuvre du réalisateur. L’inspiration première et avouée du film, tout du moins au travers de son titre, c'est bien sûr le Huit et demi de Federico Fellini, ce qui au passage n'a pu qu'accroître l'agacement de certains, y voyant une pointe de mégalomanie de la part de Greenaway. Quant aux similarités entre les deux longs-métrages, elles sont tout de même relativement lointaines : ils ont une portée autobiographique, parlent de cinéma, de femmes et de fantasmes. Et ici, du point de vue des fantasmes masculins traditionnels, voire un tantinet rétrogrades, rien ne nous est épargné : on passe de la bonne sœur à la femme de chambre, de la femme d’affaire à la femme enceinte… même un cochon vient faire un tour dans l'histoire.
L'homme d'affaires Philip Emmenthal reçoit, après avoir conclu un contrat qui lui est très favorable, quelques salles de jeux au Japon, ces lieux de plaisir dont les néons éclairent de nombreuses rues dans les villes du pays. Il délègue la direction de ces salons de pachinko à son fils Storey, passionné par la culture japonaise et les tremblements de terre, qui s'en réjouit sans hésiter. Lorsqu’il apprend la mort soudaine de sa mère, Storey part rejoindre son riche père dans son manoir de Genève. Afin de lui changer les idées, de le consoler mais aussi de contribuer à son éducation sexuelle, il lui propose de transformer sa demeure en espèce de maison close privée destinée à leur seul usage. Le recrutement de huit femmes « et demi » (une cul de jatte est de la partie) va pouvoir commencer. Il invite donc plusieurs femmes de sa connaissance, dont une bonne partie provient des établissements qu'il gère, afin de contribuer à leurs plaisirs charnels et à leurs fantaisies sexuelles diverses et variées.
La lecture du résumé de 8 femmes ½ nous donne déjà un aperçu de la misogynie potentielle d’un tel sujet, qui peut sans aucun problème passer pour un sommet de la provocation gratuite doublée, bien entendu, d'une bonne dose de phallocentrisme. Rien que le fait de recruter ces femmes pour le simple divertissement de deux hommes riches et oisifs, qui n'ont d'autre objectifs que de les utiliser pour leur simple plaisir, qui plus est majoritairement charnel, puisque ce n'est pas vraiement sur leur intellect qu'elles sont recrutées, a, à juste titre, de quoi faire frissonner plus d’une féministe. Si vous rajoutez le fait que ces deux machos vont sans vergogne qualifier de « demie femme » une cul-de-jatte qui, pour couronner le tout, s'avère être une femme-enfant, c’est le pompon, comme dirait plus d'un boomer. Heureusement diront certains, prétexte inutile diront les autres, Peter Greenaway a, et il en a d'ailleurs l'habitude, saupoudré son film d’une bonne dose d’humour distancié comme les anglais en sont férus.
Il n’empêche que 8 femmes ½, volontairement provocateur, et que l'on peut de façon tout à fait légitime qualifier d'esbrouffe cinématographique, en déstabilisera plus d’un (et plus d'une). Les sujets abordés sont divers et variés, puisque l'on y parle d'homosexualité, d'inceste, de relation de maître à esclave, mais aussi de travestissement, et le ton global est celui d'une certaine forme d'élégance d’esthète, où l'on parle beaucoup mais on ne montre rien bien sûr. Et c’est peut-être là que le bât blesse pourrait-on dire : la vacuité de la mise en scène touche ici sans doute les limites d'un système bien rôdé que le réalisateur britannique a mis en place depuis des années. Reste que Peter Greenaway, en bon peintre qu’il est, construit comme souvent un film à dominante picturale, où quasiment chaque scène pourrait tout à fait figurer comme un tableau en soi. Ainsi l’attention prise à l’image est en cela très louable, et le travail de son chef opérateur fétiche, Sacha Vierny, qui a aussi travaillé avec Alain Resnais et Luis Buñuel, est tout à fait remarquable..
Dans cet univers les très british, John Standing et Matthew Delamere, que l'on ne connaît pas bien en France, s’en donnent à cœur joie pour essayer de briser la prétendue réserve britannique, à force de vulgarités et autres jurons. Les femmes sont traitées de façon tellement caricaturales et sans profondeur qu’il est malheureusement difficile d’en voir émerger une. On notera tout de même au passage la surprenante prestation de Natacha Amal ou les apparitions des excellentes Toni Collette et Amanda Plummer. Ce patchwork que constitue 8 femmes ½ est, on l’aura compris, avant tout un exercice de style certes périlleux mais qui peux, à la limite, se voir comme un divertissement sympathique, bien que très, voire trop, élitiste. On pourrait ainsi tout aussi bien passer son chemin et lui préférer d’autres œuvres du réalisateur, que ce soient Meurtre dans un jardin anglais, qui l'a consacré, ou Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant ainsi que The pillow book.