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La légende est en marche

La légende est en marche

Publié le 2 mars 2022 Mis à jour le 2 mars 2022 Musique
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La légende est en marche

Le temps des métamorphoses (20)

 

Un projet d'envergure

En 1978, deux ans après l'arrivée de Jean Albany dans le cercle du Royal et un an après la sortie du 45 tours La Rosée si feuilles songe, la collaboration des musiciens et du poète se concrétise enfin avec la cassette Chante Albany. Jusqu'à présent Jean Albany était une sorte d'auditeur libre, une figure dans la galaxie Royal, mais avec cette cassette, lui et Alain Gili intègrent véritablement la bande. En effet, pour la réalisation de cet album, André Chan-Kam-Shu met son studio à la disposition de l'ADER, l'Association Des Écrivains Réunionnais, créée par Alain Gili en 1975 dans le but de donner plus de visibilité aux auteurs. L'ADER élargit ici sa zone d'influence, même s'il s'agit de poésie au départ. Deux grandes figures intellectuelles, qui étaient restées un peu en dehors du monde particulier de la musique, sont donc intégrées à ce projet. Une fois de plus la magie opère à Saint-Joseph. Tout le monde se sent légitime pour intervenir librement à son niveau.

La direction musicale du projet est confiée à Alain Péters qui est mis en avant pour la première fois de sa carrière. L'album compte 16 ou 17 pistes, cela dépend des versions : la cassette comporte une piste de plus que la réédition en CD, un conte de quinze minutes intitulé Le Savon bleu. Huit de ces pistes sont des poèmes mis en musique et chantés par Hervé Imare, Jean-Michel Salmacis, Pierre Vidot et Alain Péters, deux sont des morceaux instrumentaux et les six ou sept dernières sont des textes lus par Jean Albany lui-même, tirés des recueils Bal indigo, Zamal, ou Bleu mascarin.

 

Commandeur

On notera que le poème chanté par Pierre Vidot, Commandeur (en écoté ici), a été sélectionné pour faire partie de la compilation Oté Maloya, permettant ainsi à la cassette Chante Albany d'être représentée. C'est assez naturel au vu de son importance dans l'histoire du maloya, mais cela méritait tout de même d'être souligné. Dans l'histoire de l'esclavage, les commandeurs sont les intermédiaires entre les maîtres et les esclaves, les contremaîtres, petits chefs souvent virulents, abusant du peu d'autorité qui leur a été concédée pour compenser leur frustration. Cette engeance existe encore aujourd'hui mais ils finiront par disparaître à leur tour, d'après les prédictions du poète :

 

« Commandeur oh ! Té commandeur

Attend ein pé nous n'y attend

Va v'nir le temps va v'nir le temps

N'aura pi la race des commandeurs ».

Commandeur, oh ! Toi commandeur

Attend un peu nous on attend

Va venir le temps va venir le temps

Où il n'y aura plus la race des commandeurs

 

Pierre Vidot est un ami de Jean Albany. Il est le premier à avoir travaillé à l'adaptation musicale d'un de ses poèmes. Né en 1934, il trouve naturellement sa place entre Jean Albany (né en 1917) et Alain Péters (né en 1952). Avec Alain Gili et Alain Séraphine, il a servi d'intermédiaire, rendant la réalisation de la cassette possible en organisant la rencontre.

Sur la pochette de l'édition CD, on voit Jean Albany entouré d'Hervé Imare et Alain Péters. Les trois hommes sont détendus, Hervé Imare appuie négligemment la main contre un mur, semblant ainsi donner l'accolade à Jean Albany qui rit à pleine dents derrière ses immenses moustaches. Alain Péters se tient de profil, les cheveux lâchés sur les épaules, il sourit. Alain Gili est l'auteur de cette photographie.

Sur la pochette de la cassette, il y a un dessin stylisé en noir et blanc un peu beige du visage hirsute de Jean Albany, ses cheveux et sa moustache forment des vagues psychédéliques, ses yeux sont grands ouverts. Sur son front, des palmiers et les sommets de La Réunion se découpent devant une lune noire. Il s'agit, d'après le texte inscrit sur le bandeau, de « la première cassette coopérative, préenregistrée, inédite de La Réunion », réalisée d'août à novembre 1978.

Un an après La Rosée si feuille songe, Alain Péters s'est enfin décidé à chanter. C'est un pas de plus dans la construction de sa légende. Il interprète trois titres pour lesquels il a lui-même composé la musique : La Pêche Bernica, Mon joli, mon joli marmaille et Plime la misère.

 

Eric Ausseil signe et soigne les illustrations de cette page, merci à lui.

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