

Disparaître pour oublier
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Disparaître pour oublier
Enveloppée par un parfum riche et boisé, je reste immobile et pensive. Les yeux perdus dans la ramée verte de cette sylve abandonnée. Les doigts jouant avec la mousse fraîche et humide de rosée. Les cheveux virevoltants au gré de la douce brise matinale. Les premiers rayons du soleil caressant mon visage. Des perles salées inondent mes joues et des sanglots silencieux secouent ma poitrine. L'envie de crier, de hurler, monte, me serre la gorge pourtant, je reste muette. Incapable de partager ma douleur, d'évacuer ma colère.
Peut-être est-ce la fatigue qui me laisse coite. J'ai couru des heures durant, m'enfonçant chaque seconde un peu plus dans cette forêt mystérieuse. J'ignore ce que je m'efforçais de fuir. Moi ou eux ? Les deux, très certainement. Je refusais de faire face à la réalité. À leur vérité. À ma destinée. Fatiguée de leurs secrets et de mes oublis. Depuis toute petite, ma mémoire me fait défaut. Je pensais l'avoir accepté, mais je ne l'ai jamais assumé. À 21 ans, je me souviens à peine de la moitié de ces années. Le reste appartenant à une autre. À cet animal qui vit en moi dont je ne connais rien.
Nous partageons un corps, une âme, mais elle me repousse. Dès notre première rencontre. Dès ma première transformation — tardive et douloureuse —, à l'âge de 17 ans. Certains prétendent qu'elle ne souhaite qu'une chose : me protéger. D'autres sont plus incertains quant à ses motivations, ne jugeant que ses actes. Son attitude violente et cruelle ne joue pas en sa faveur. Je suis une meurtrière à temps partiel. Un démon aux allures d'ange et aux griffes acérées. Je ne peux plus le nier. Pas quand je me réveille chaque matin, tachée de sang et de terre, les muscles endoloris et le cœur lourd.
Ce retour aux sources est salvateur. Lénifiant. Après toute cette agitation, ce désordre sans précédent. Je suis exténuée. Lasse de tant de violence. Je suis née ici par une nuit de lune rouge. M'extirpant du corps sans vie de ma génitrice à la seule force de mon esprit. Poussant mon premier cri en réponse aux hurlements de la meute de la Griffe de Minuit. Sous le regard bienveillant de Mère Nature. J'ai grandi parmi les métamorphes, me croyant simple humaine. Brisée et défaillante. Rejetée et inapte à être aimée.
Il s'est avéré que j'avais tort. Ils se sont tous joués de moi. M'abreuvant de mensonges. Empoisonnant chacun de mes repas. Ils m'ont affaibli. Aliénée cette autre part de moi pour que jamais je ne sois complète. Pour que jamais je ne sache qui je suis réellement. Par peur de ma différence. De mon pouvoir. Mais j'en ai fini. Je devrais réfléchir à ma vengeance. À leur châtiment pour leur trahison, mais je ne rêve que de liberté et de paix. Y retourner pour les affronter ne m'apporterait rien, si ce n'est une courte satisfaction entachée de brutalité et de bassesse. Je préfère simplement disparaître. Quitter ces terres maudites et oublier, si elle me le permet, pour ne jamais revenir.
Texte de L. S. Martins (20 minutes chrono, sans relecture).
Photo disponible sur Pixabay : Nature Arbre Châtaigne - Photo gratuite sur Pixabay

