Rico
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Rico
"Ce soir, la chance me sourit !"
Voilà les derniers mots de mon meilleur ami, Rico, avant de quitter notre vieux hangar. Je l'avais regardé attraper les clés de sa bécane, toujours posées sur le comptoir juste sous la vieille enseigne lumineuse, me faire un clin d'œil malicieux puis monter sur son destrier de métal et partir dans un chaos du tonnerre.
Je n'avais pas cherché à l'arrêter. Je n'avais rien dit. Ni même bougé. Malgré ce pressentiment qui me tordait les entrailles, je l'avais laissé s'en aller sans un mot. Quel con ! Alors, lorsque au loin, les sirènes se sont mises à hurler, je savais que c'était pour lui. Qu'une merde lui était tombée dessus.
Rico était un joueur invétéré. Nous l'étions tous. Mais lui, il avait le goût du risque et aucune once d'instinct de survie. Il pouvait défier les pires raclures, les plumer et, jusque-là, il s'en était toujours sorti indemne. Pas ce soir.
Ce soir, Don Leon était de passage en ville pour les affaires. Un enfoiré de première sans aucun sens de l'honneur. La seule forme de respect qu'il connaissait était celui qu'on lui devait. Personne ne gagnait contre lui sans mettre en gage sa propre vie... Et Rico ne l'avait pas compris.
Putain ! Il avait fallu qu'il tombe sur lui. Qu'il s'en approche et qu'il le provoque. Il ne pouvait pas le laisser tranquille. Il avait besoin de nouveauté, las de tous ces culs-terreux incapables de viser une cible même si leur vie en dépendait.
Le bar était sombre. Pas un bruit. Juste les néons qui grésillaient et la poussière qui retombait. Les meubles avaient volé. Les vitres avaient explosé. Les bouteilles derrière le bar étaient en morceaux et l'alcool coulait des étagères sur la moquette grise. Les tabourets étaient brisés sur le sol. Seule cette putain de cible était encore intacte. Cinq flèches au centre. Une un peu plus loin...
Rico avait gagné la partie. Don Léon avait gagné la bataille. Ils étaient à égalité. Pourtant, il n'y avait qu'un seul vainqueur. Je priai juste pour que Rico soit encore de ce monde.
Texte de L. S. Martins (15 minutes chrono, sans relecture).