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La Grande Faucheuse

La Grande Faucheuse

Veröffentlicht am 19, Jan., 2021 Aktualisiert am 19, Jan., 2021 Kultur
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La Grande Faucheuse

Encore et toujours ce foutu chien ! Un roquet minuscule et pourtant si bruyant… Chacun de ses aboiements résonnait dans ma tête, accentuant mon malaise. Et cette odeur nauséabonde qui me brûlait la gorge. D’où pouvait-elle venir ? J’avais l’horrible impression de dormir dans les égouts…

Lorsque j’ouvris enfin les yeux, je compris que quelque chose clochait. Je me trouvais dans une pièce crasseuse, allongée sur un vieux matelas taché de sueur, de sang et d’urine… Posé à même le sol. À côté de mon lit de fortune, une tasse rongée par la rouille remplie d’une eau verdâtre. Même un rat n’aurait jamais osé s’aventurer dans une piaule aussi crade ! Les murs étaient couverts d’une couche de moisissures noires dans lesquelles apparaissaient des visages fantomatiques et angoissants. Mes compagnons de galère…

Où étais-je ? J’essayais de me remémorer les événements de la veille pour comprendre, mais c’était très confus. Je me souvenais être rentrée directement chez moi après le boulot, malgré les supplications de mes collègues masculins pour aller boire un verre. La seule femme du commissariat… Et gradée qui plus est ! De quoi faire jaser les cons…

Lorsque j’avais été promue commissaire, j’avais demandé à choisir mon équipe. On m’accorda cette faveur à la seule condition que ce soient uniquement des hommes. Aucun souci pour moi… La compagnie des femmes m’ennuyait profondément. Je n’avais sélectionné que les meilleurs et ils avaient tous accepté ! C’était il y a de cela à peine quelques semaines, et pourtant, j’avais l’impression que cela faisait déjà des années…

Hier, c’était l’anniversaire de l’officier Trislan. 30 ans… Le bleu de notre fine bande. Ça me revenait à présent ! C’était pour ça qu’ils avaient autant insisté… Mais j’avais refusé, comme chaque soir, et étais rentrée en courant. Mon rituel de fin de journée… Cela me permettait d’évacuer toute ma colère et ma frustration avant une bonne douche chaude, un verre de Chardonnay et un bon livre… Mais alors comment étais-je arrivée ici ?

Je voulus bouger, mais mon corps ne répondait pas. La bouche sèche, les maux de tête et cette paralysie totale… Mais bien sûr ! Les effets secondaires de la drogue en vogue en ce moment ! Celle responsable des morts abominables qui peuplaient mon bureau et hantaient mes nuits. La Grande Faucheuse… Très vendeur comme nom !

Je devais absolument me rappeler de ce qu’il s’était passé… Un détail… Pour comprendre. Soudain, un klaxon résonna dans la rue et me fit sursauter. Et brusquement, tout me revint ! Ma porte fracturée, mon appartement saccagé… J’avais sorti mon arme de service et étais rentrée. Quelle idiote ! Ils étaient encore là et semblaient m’attendre dans la pénombre de la nuit.

Je reçus un coup sur la tête et puis plus rien… Seulement ces jappements incessants, cette odeur saisissante et le froid mordant ma peau nue. Un vent glacé s’engouffrait par les deux seules fenêtres, brisées malgré les barreaux.

Je devais me lever et sortir. Lutter contre cette douleur et cette peur qui refusaient de me quitter depuis mon réveil. Recouvrer mes esprits et trouver une solution… Sinon il en était fini de moi. Le commissaire Brigitte Forge décédée d’une overdose, seule, dans une planque pour junkies… Je voyais déjà les gros titres avec la photo de mon cadavre en première page. Impossible… Cela ne pouvait pas se terminer ainsi.

Les premières lueurs du jour inondaient la pièce teintant l’atmosphère d’une couleur chaude. Quel magnifique contraste…Quand soudain, la porte s’ouvrit avec fracas, me sortant de mes pensées si chaotiques ! Je fermais les yeux, simulant un sommeil profond. Peut-être qu’il ne se méfierait pas et me donnerait un indice… J’entendis des pas lourds se rapprocher de moi et reçus un coup de pied dans le ventre.

- Debout salope !

À bout de souffle, le corps meurtri, j’osai regarder mon agresseur. Quelle ne fut pas ma surprise… L’officier Grojean, dans son uniforme de travail.

- Tu as vraiment cru qu’on voulait d’une bonne femme comme chef ?

Il partit dans un fou rire qui le fit tousser… Debout devant moi, les mains posées sur ses genoux, il reprenait doucement son souffle tout en me fixant avec un regard pervers…

- Tu as mis ton nez dans une affaire bien trop grosse pour toi ! Tu n’aurais pas dû… Mais ne t’inquiète pas, tu vas partir en beauté ! Et tu vas même être épinglée sur le mur, avec tous les autres cadavres… Victime de la Grande Faucheuse !

C’était donc ça… Une simple histoire de flics corrompus.

Il sortit une seringue, joua avec quelques instants et me la planta entre les orteils.

- Bon voyage salope !

Son visage fut la dernière chose que j’aperçus avant de tomber dans un délire macabre. Je me fis alors la promesse que je les retrouverais tous et qu’ils me le payeront ! Une larme coula le long de ma joue et dans un dernier soupir, je partis…

 

Texte de L.S.Martins

Image par Arek Socha de Pixabay

 

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