J’ai tué ma mère (2009) Xavier Dolan
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J’ai tué ma mère (2009) Xavier Dolan
Portrait d’un écorché vif
Les premiers films sont souvent autobiographiques, ou tout du moins en partie. Pour Xavier Dolan, c’est même une grande partie de sa vie personnelle qu’il a mis dans J’ai tué ma mère. En même temps, comme ça il l’aura fait : s’il y a bien un sujet que les plus grands réalisateurs (et même auteurs en général, il n’y a qu’à voir ces sublimes citations de Guy de Maupassant ou d'Alfred de Musset qu’il met en exergue) évoque au moins une fois dans leur carrière c’est leur mère. Ici, c’est à vingt ans, en sortant tout juste de sa période adolescente, que Dolan décide de battre le fer tant qu’il est encore chaud : autant mettre les choses à plat tout de suite et régler des comptes pas encore tout à fait soldés.
Une confession débute le film : Hubert, jeune homme de 16 ans aux cheveux ébouriffés, nous avoue qu‘il n‘aime pas sa mère. Il l’a aimé pourtant, mais il n’y arrive plus, ne la supporte plus. Dès le matin au petit déjeuner, il est exaspéré par sa façon de manger, sa façon de s’habiller, tout. La moindre conversation entre les deux personnages à fleur de peau finit systématiquement en querelle. C’est que Chantal élève seul son fils : le père les a abandonné quand Hubert avait 7 ans, et il ne le revoit que quelques rares fois par ans. Non, ce qu’il préfère, Hubert, c’est passer son temps chez son copain Antonin : là, avec sa mère cool et son appartement sympa il peut enfin être lui-même. Et consommer son amour avec Antonin.
Pour un film d’écorché vif, J’ai tué ma mère se tient bien là. Le spectateur se prend en pleine tronche les engueulades pas piquées des hannetons que se livrent sans cesse Hubert et sa mère. Au début on ne comprend pas très bien d’ailleurs ce désamour : Chantal a l’air d’être une femme bien, on s’imagine qu’Hubert fait sa petite crise d’ado. Puis petit à petit des éléments de réponse nous apparaissent : l’homosexualité du fils qu’il n’a toujours pas révélée à sa mère, le père absent qui a tout délégué, un quotidien lourd à porter quand on cherche à s’émanciper… tous ces petits détails,
Et Xavier Dolan a tenu à incorporer tous ces éléments par petites touches. Ce faisant, il humanise parfaitement cette relation œdipienne qui ne dit pas son nom. Il y a beaucoup de morgue dans J‘ai tué ma mère : on aime ou on déteste mais ça pose un personnage. Xavier Dolan s’aime bien, voire beaucoup, en tous les cas il aime se filmer, en gros plans de préférence. La mise en scène est d’ailleurs très intéressante : ces personnages limite hors cadre, ces quelques ralentis, ces clichés d’objets qui se succèdent, tous ces détails seront présents dans les films à venir du réalisateur.
L’ambiance générale du long-métrage est très bien rendue, mise en évidence par les décors des différents appartements qui dénotent parfaitement. Anne Dorval, qu’on avait pu voir dans la cultissime série Le cœur a ses raisons, interprète très justement cette mère par défaut mais ô combien aimante et désemparée. Ultra référencé (d'Arthur Rimbaud à Jean Cocteau en passant par Wong Kar Waï ou James Dean), J’ai tué ma mère a bien entendu les défauts d’un premier film, mais laissait déjà présager (et Les amours imaginaires l’ont bien confirmé) d’une belle carrière au beau Xavier Dolan.