Gilda (1946) Charles Vidor
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Gilda (1946) Charles Vidor
Don’t put the blame on her
Quand en 1945 Rita Hayworth se voit proposer le rôle principal de Gilda, elle a déjà une sérieuse réputation auprès des studios et sa relation avec Orson Welles (qui bat pourtant de l’aile) est fortement médiatisée. Elle n’imagine sans doute pas combien ce film va faire d’elle une icône. Ce sera d’ailleurs le plus grand succès de son réalisateur Charles Vidor dont la filmographie aurait pu passer à la trappe sans ce film. Le scénario alambiqué, qui a été écrit au jour le jour durant le tournage, n’est pourtant pas transcendant, loin s'en faut. Il me en scène une femme fatale qui déchaîne les passions sur un fond on ne peut plus brouillon de loi antitrust en Argentine. Seulement voilà, la sensualité débordante de l’actrice principale et les relations troubles entre les personnages font toute l’originalité de ce film atypique.
Un habitué des maisons de jeux nommé Johnny Farrell arrive à Buenos Aires et devient l'ami du propriétaire d'un casino, Ballin Mundson, qui le sauve d'une tentative de vol. Alors que Ballin lui déconseille fortement de fréquenter, et surtout d'y tricher, un établissement luxueux et néammoins illégal, Johnny s'y fait prendre et rencontre le directeur, qui n'est autre que Ballin. Ils y deviennent finalement associés, et Johnny rencontre bientôt la nouvelle épouse de Ballin, la belle Gilda, qui fut il y a des années sa fiancée. Alors qu'il est censé la protéger, Johnny va la voir traîner avec des hommes tous les soirs, ce qui ne fait qu'entretenir sa jalousie maladie. De son côté, Ballin, assoiffé de pouvoir, cherche à conquérir le monopole du tungstène, s'entourant d'hommes d'affaires louches qu'il tente de manipuler.
Qu’est-ce qu’elle est belle, Rita Hayworth, dans Gilda, comme d'ailleurs dans la plupart de ses films ! Dès la première scène où on la voit, elle crève l’écran : à la question de son mari : « Gilda, es-tu décente ? », on la voit relever la tête, ses cheveux volant au vent pour répondre : « Moi ? » d’un adorable air mutin… Après on aura l’occasion de la voir se déhancher lascivement en montrant ses belles gambettes, sans parler bien sûr de la fameuse scène où elle enlève délicatement ses gants, faisant bien comprendre quels autres morceaux de tissus seraient susceptibles de tomber, en chantant le désormais célèbre « Put the blame on Mame ». C’est sans doute une des premières fois où le public américain aura l’occasion de voir une femme aussi débordante de sensualité, qui plus est dans un rôle de femme maîtresse et décidée.
Et, Gilda cette femme fatale, va semer le trouble dans la relation qui unit son mari Ballin Mundson (George MacReady, excellent d’ambiguïté dans un rôle plus complexe qu'il n'y paraît) et son ancien amant Johnny Farrell, incarné par Glenn Ford. Cette relation était déjà assez équivoque à la base, mais quand se pointe la belle donzelle, les jalousies vont aller bon train et faire joyeusement exploser les conventions. Tous les sous-entendus qui émaillent le film sont d'ailleurs savamment entretenus alors que le code Hays était en vigueur depuis plus de dix ans, ce qui les rend encore plus savoureux . Les dialogues sont très raffinés, toujours au second degré et pleins d’un humour qu'on peut éton nammentqualifier de « british ». Quant à l’arrière plan scénaristique, il plombe un peu Gilda mais bon…
C’est ce que lui ont reproché la plupart des critiques, qualifiant Gilda de long-métrage mineur voire d’inutile, et ce qui a sans doute ruiné ses espoirs de récompenses lors du premier Festival de Cannes, où il était présenté. On peut pourtant trouver que la finesse de la peinture des personnages et des relations qui les unissent rattrapent largement le tout. C’est ce qui en fait l'un des films incontournables de l’époque, à savourer délicieusement en rêvassant doucement devant les décolletés plongeants de Rita Hayworth bien sûr. L'impact de son sex-appeal a été d'ailleurs énorme à sa sortie, engendrant un fort succès au box-office. Sa notoriété n'a fait que croître, de façon malheureuse, quand l'armée américaine décida de mettre sur une bombe atomique destinée à des tests le nom et la photo de Gilda : finesse, quand tu nous tient...