Lui (2021) Guillaume Canet
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Lui (2021) Guillaume Canet
Île flottante
Début mars 2020, Guillaume Canet prépare la réalisation du prochain volet des aventures cinématographiques d’Astérix, et doit soudainement mettre en pause le projet. Il commence alors à écrire, au fil de l’eau, les premières ébauches de ce qui deviendra Lui. Il ne cherche pas à organiser ses réflexions et souhaite travailler vite, réussissant à convaincre le producteur Alain Attal, qui l’épaule depuis ses débuts en tant que metteur en scène, à tourner le film dès le mois de septembre. La rapidité s’impose alors, à la fois dans l’écriture du scénario, qui a duré trois semaines, et dans le tournage en lui-même, qui s’est étalé sur un mois seulement à Belle-Île-en-Mer. Peu de techniciens sont mis à contribution, principalement une partie de ceux qui travailleront par la suite sur Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu, et peu d’interprètes interviennent, en grande partie des actrices et des acteurs avec lesquels Canet n’a que peu collaboré jusqu’à présent.
Un homme arrive sur une île bretonne et découvre la maison isolée en flanc de falaise qu'il a louée. La personne qui lui fait visiter les lieux le prévient : il n'y a pas de réseau et il n’y a rien à l’étage, d’ailleurs il ne faut pas y monter. Il lui demande si le piano est accordé, elle n'en sait rien, pourtant c’était une des priorités de ce compositeur, venu là pour trouver l’inspiration. Il parvient à appeler son épouse en s'éloignant un peu, lui dit qu'il va bien, que l'endroit est beau et qu’il pense à elle. Les quelques phrases qu’elle prononce sont évasives et laconiques, et quand il demande à parler à leurs enfants, elle lui dit qu'ils sont chez les voisins. Quand il lui reproche de ne pas être bavarde, elle lui rétorque qu'il l'a bien cherché, à partir sans prévenir personne et sans laisser d'adresse, comme il en a l’habitude. Rentrant dans la maison, il cherche une bouteille d’alcool, en vain, et décide d’aller dans la seule coopérative du coin, où il croise des autochtones qui ne semble pas vraiment ravis de sa visite.
On se retrouve avec Lui en territoire connu : un homme seul dans une île où apparaissent des phénomènes patibulaires mais presque. Ajoutons à cela le statut du protagoniste, un artiste en panne d’inspiration, et des figures insulaires bourrues, voire inquiétantes. Rien qu’à lire ce cahier des charges, on pense à toutes les œuvres de la littérature et du cinéma qui ont mis en scènes ce genre de procédés. Sans compter l’apparition d’une épouse et d’une maîtresse, qui vont former avec le personnage principal, et son meilleur ami, le quatuor amoureux le plus rabâché de l’histoire du cinéma. Bien entendu, on n’oublie pas des relations filiales compliquées, en particulier avec le père du héros et son propre fils, où le fantôme de la reproduction des schémas éducatifs vient s’insinuer. Dire que tout ceci manque d’originalité serait un euphémisme, d’autant plus que les dialogues sont redondants et que les personnages manquent singulièrement de chair.
Pourtant, au début de Lui, le spectateur est vaguement intrigué. Les bruits étranges qui proviennent du grenier nous promettent un mystère à élucider, le caractère brut de décoffrage de celle qu’on croit être la propriétaire des lieux laissent à penser une évolution intéressante de leurs rapports. Même plus tard, on entend des bruits inquiétants et l’on nous parle d’une vieille folle qui a habité la maison. Et puis la mise en scène surprend, quand on se rend compte, très vite, que certains des personnages qui apparaissent ne proviennent que de l’imaginaire du protagoniste. Ainsi le dispositif est amusant : on assiste à des dialogues supposés, où notre compositeur fait dire à son épouse, à sa maîtresse, à ses parents, des phrases sorties de son inconscient. Sauf que rapidement on se lasse de ce système, qui se répète et ne fait pas beaucoup avancer l’intrigue. D’ailleurs Guillaume Canet ne fait rien de l’ensemble des éléments potentiellement surnaturels qu’il a installés.
Et puis dans le fond, Lui n’a rien à raconter. On se retrouve avec des canevas traditionnels éculés, entre le mari, son épouse et sa maîtresse, ou un rapport conflictuel avec des parents qui n’apparaissent que brièvement et n’ont pas le temps d’exister. C’est une fois de plus la représentation d’un mâle blanc hétérosexuel, artiste proche de la cinquantaine en panne d’inspiration. Tout ceci est d’un cliché et ne fait que reproduire des situations que l’on a déjà vues et revues. Si Guillaume Canet nous proposait une once de réflexion, cela pourrait éveiller notre intérêt, mais même pas, et la résolution du conflit déçoit singulièrement. Ainsi se demande-t-on en permanence où le réalisateur veut nous emmener, et pourquoi, par exemple, il convoque Nathalie Baye, si c’est pour lui donner quelques dialogues si peu intéressants. L’ensemble du casting a beau se démener, ils ont du mal à faire vivre des personnages qui flottent comme des pantins dans les mains d’un démiurge un peu paumé.