Promising young woman (2021) Emerald Fennell
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Promising young woman (2021) Emerald Fennell
La revanche d’une blonde
On a commencé à entendre parler d’Emerald Fennell dans la série Call the midwife, où elle interprète une infirmière. Puis on retrouve son visage dans les saisons 3 et 4 de The crown, où elle campe une savoureuse Camilla Shand, future Parker-Bowles. Entre temps, l’autrice est engagée pour scénariser la deuxième saison de Killing Eve, série qui a pour particularité de changer de show-runneuse à chacune de ses saisons. Elle s’attelle ensuite à l’écriture du scénario de Promising young woman, qu’elle envoie à la société de production dirigée par Margot Robbie. D’ailleurs, la protagoniste du film y porte lors d’une scène mémorable une tenue qui rappelle celle d’Harley Quinn dans Suicide Squad. Le film trouve rapidement son héroïne en la personne de Carey Mulligan et fait parler de lui dès sa présentation au Festival du film de Sundance. Les Bafa, récompenses britanniques, lui décerneront deux prix tandis qu'aux Oscars, le long-métrage décroche la statuette du meilleur scénario original.
Trois hommes, passablement éméchés, discutent dans une discothèque, et se moquent d’une de leurs collègues qui ne parvient pas à conclure un contrat avec un client qu’ils ont emmené jouer au golf dans un club refusant l’accès aux membres de la gent féminine. Ils remarquent une jeune femme complètement soûle dans un coin, à qui ils reprochent de se mettre en danger, sous-entendant que s’il lui arrive quelque chose elle l’aura cherché. L’un d’entre eux, Jerry, s’approche d’elle et lui demande si elle a besoin d’aide. Il lui propose de la raccompagner, voyant bien qu’elle n’est pas en état de trouver son téléphone pour appeler un taxi. Au milieu du chemin, il lui propose de rentrer chez lui pour boire un verre avant de dormir. Arrivé chez lui, il lui verse un verre rempli à ras-bord d’une liqueur et l’embrasse. Elle exprime le besoin de s’allonger et il saute sur le lit, lui enjoignant de ne pas s’endormir. Il commence à la déshabiller et tente maladroitement de la rassurer tandis qu’elle exprime clairement sa confusion et son désarroi.
Dès son début, Promising young woman donne le ton, et il paraît clair qu’Emerald Fennell ne fera pas dans la demi-mesure. Les hommes y sont, à l’image de la citation d’Alfred de Musset, lâches, menteurs ou orgueilleux, surtout lorsqu’ils sont en groupe. Et dans le film il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, y compris lorsqu’on les croit inoffensifs ou bienveillants. Les scènes qu’elle dépeints sont d’ailleurs tout à fait réalistes, le reproche que l’on pourrait presque lui faire serait de les accumuler pour forcer le trait, mais ça fonctionne assez bien. Car le ton que va adopter la réalisatrice durant tout son long-métrage est volontairement sarcastique et ne cherche pas la finesse : peut-être est-ce selon elle la meilleure façon de transmettre son message. Elle le fait en mettant en scène une femme puissante, déterminée à prendre sa revanche sur tous les hommes qui l’ont trahie. Comme plusieurs œuvres contemporaines, le film défend ainsi la thèse de l’empowerment féminin.
Afin de dérouler son propos résolument féministe, Promising young woman se mue petit à petit en thriller parfois déstabilisant. On se rend compte bien vite que l’héroïne cache beaucoup de choses et qu’elle est non seulement beaucoup plus maligne qu’elle n’en a l’air, mais aussi dangereuse sous tous rapports. Son caractère se dessine un peu à l’image du film, qui prend les allures d’une comédie romantique pour ensuite amener une violence qui peut surprendre. Car durant toute une partie du récit, nous allons suivre la romance entre cette jeune femme et un prétendant qui pour une fois balaye tous les stéréotypes masculins, parfois éculés mais souvent pertinents, qui nous ont été présentés. La manière qu’a Emerald Fennell de faire évoluer cette histoire d’amour est d’ailleurs assez séduisante, faisant mine de nous faire croire que l’intrigue se déploie alors qu’elle recule, puis l’inverse. Les deux protagonistes ont d’ailleurs tous les atours des classiques romantiques, et pourtant.
Pourtant ces deux-là cachent des secrets, se dérobant l’un à l’autre sous une façade lisse et proprette. C’est aussi ce que semble afficher Promising young woman, avec ses couleurs criardes et son côté pop. Le film ne cesse de faire référence à des figures enfantines ambiguës, telle Lolita, et cultive une fraîcheur apparente. Ainsi la bande originale va-t-elle mélanger du Britney Spears et du Paris Hilton, It’s raining men ou les Spice girls. On revendique un peu de guimauve pour faire passer la violence du propos et la radicalité de séquences qu’il ne faudrait pas divulgâcher. C’est habile, et l’on reconnaît bien là la patte d’Emerald Fennell, qui dans Killing Eve n’hésite pas à faire exploser pas mal de codes. Carey Mulligan elle-même joue de cette ambivalence, elle qu’on a connu dans des rôles de filles bien plus rangées s’amuse à déconcerter. Elle croise des figures que l’on a plaisir à revoir, comme Laverne Cox, vue dans Orange is the new black ou Max Greenfield, vu dans The neighborhood, lui aussi dans un rôle à contre-emploi par rapport à la série, et qui lui sied.