La dernière vie de Simon (2020) Léo Karmann
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La dernière vie de Simon (2020) Léo Karmann
Du sang nouveau dans le cinéma français
À n'en pas douter, on assiste avec La dernière vie de Simon à la naissance d'un réalisateur. Le fils de Sam Karmann, qui fait jouer à son frère Martin l'un des rôles principaux de son film, fait clairement partie de la jeune garde actuelle du cinéma français. On peut y inclure une palette d'artistes tout aussi talentueuses et talentueux les unes et les uns que les autres. Elles et ils sont, pour ne pas les nommer, Thomas Cailley ou Justine Triet, Vincent Mariette ou Jeanne Herry, Julia Ducournau ou Stéphane Demoustier. On en oublie beaucoup bien sûr, et le terme de « jeune » est discutable puisqu'ils ont entre 30 et 40 ans, mais toutes ces personnalités qui émergent dans le paysage apporte leur univers, leur histoire et osent aborder des thématiques ou des genres que beaucoup de cinéastes français ont laissé en friche. Doit-on parler de « nouvelle nouvelle vague », en tout cas on à voir bien de belles œuvres sur les écrans.
Le début
Dans une fête foraine vide, un jeune homme demande à acheter de la barbe à papa dans un stand qui s'apprête à fermer. À contrecœur, le marchand la lui vend et le jeune homme s'en va avant même de récupérer sa monnaie. Après avoir dévoré sa friandise, il rentre par effraction dans un foyer de l'Aide Sociale à l'Enfance. Puis il monte dans sa chambre, se couche, et rajeunit en petit garçon. Le lendemain, ce même Simon se prépare pour une sortie quand l'un de ses camarades lui fait remarquer qu'il n'a pas besoin de se donner tant de peine puisqu'il ne sera jamais adopté. Arrivé dans une fête de village, il se lie d'amitié et se cache avec deux enfants de son âge, Thomas et Madeleine, qui sont frère et sœur. Leurs parents finissent par les retrouver, et Simon les quitte tristement. Quand il rentre au foyer, la directrice de l'établissement lui dit que Thomas a insister pour l'inviter à passer le week-end chez eux.
Analyse
L'une des grandes qualités de La dernière vie de Simon est son sens du romanesque. Son histoire est captivante et le film nous emporte tout du long. La clé de cette petite prouesse tient dans la confiance qui se noue entre le réalisateur et les spectateurs. Dès la première scène, Léo Karmann ne nous ment pas : il va falloir que l'on accepte le postulat de base, qui relève complètement du fantastique, pour pouvoir s'embarquer dans cette aventure. Dès lors, les fragilités scénaristiques comme cette ellipse de dix ans, qui du point de vue de la narration est nécessaire mais qui posent quelques problèmes de crédibilité, passe sans aucun problème. Hormis cela, le scénario du film est épatant, alors même que devant certains passages on se dit que c'est casse-gueule, quand soudain le réalisateur s'en sort avec une pirouette. Sans la révéler, même la fin est complètement cohérente avec toujours cette volonté jubilatoire de romanesque.
Formellement, La dernière vie de Simon est tout aussi remarquable. Le film ose tout, des effets spéciaux numériques aux plans séquences par drones interposés. Comme quoi l'absence de moyen n'est pas une excuse, on parvient toujours à donner une belle cohérence esthétique en s'appuyant sur des collaborateurs motivés et talentueux. Léo Karmann a souhaité faire participer à son projet des techniciens et des artistes issus de la jeune garde du cinéma français et ça lui réussit. Outre sa coscénariste Sabrina B. Karine, qui a fait ses gammes sur Fais pas ci, fais pas ça ou bien Dix pour cent, il s'adjoint les services du chef-opérateur Julien Poupard qui a travaillé sur Les misérables, Divines ou Les ogres, et qui collabore régulièrement avec Claire Burger. Quant à la musique, essentielle pour un film de genre, elle est signée par Erwann Chandon, qui mérite tout autant d'être cité pour une partition originale sans fausse note.
Les différents genres dans lesquels s'embarque La dernière vie de Simon sont tout autant un atout. Le film ne se refuse pas grand chose à ce niveau là non plus. Il navigue aisément entre le fantastique et la chronique sociale, entre la romance et le thriller, papillonnant entre tous ces différents styles sans que cela ne paraisse affecté. Léo Karmann assume cette hybridation, lui qui s'est nourri des films des années 1980, de Steven Spielberg à Robert Zemeckis. Il s'entoure pour son casting de jeunes acteurs prometteurs, à la tête desquels on trouve un certain choupinou nommé Benjamin Voisin, qui fait bien parler de lui, après ses prestations dans Fiertés, The happy prince ou bien Un vrai bonhomme, sans compter Été 85 et Les illusions perdues. Après un premier film aussi réussi, il va être difficile à Léo Karmann de continuer sur cette lancée, mais on espère que l'on pourra compter sur son talent pour nous surprendre en bien.