Le boucher (1969) Claude Chabrol
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Le boucher (1969) Claude Chabrol
Entre ses mains
En 1969 ça fait dix ans déjà que Claude Chabrol a réalisé son premier film, Le beau Serge. S’éloignant de ses inspirations « nouvelle vague » puis d’une tentative commerciale peu convaincante, il amorce alors avec Le boucher un tournant dans sa carrière : il commence à partir de là une longue suite de films policiers se déroulant la plupart du temps dans des milieux provinciaux. Avant d’en saisir avec cynisme les mœurs typiquement bourgeoises, il capte ici l’ambiance d’un petit village du Périgord et de ses humbles habitants. C’est aussi l’occasion pour le réalisateur de poursuivre avec Jean Yanne une collaboration fructueuse entamée trois avant auparavant et qui se poursuivra notamment avec Que la bête meure.
Le début
Dans le village de Trémolat, en Dordogne, l'instituteur Léon Hamel se marie avec une jeune femme. De nombreux habitants sont invités à la cérémonie, dont la directrice de l’école, Hélène Davile, surnommée « Mademoiselle Hélène », et le boucher Paul Thomas, que tout le monde appelle « Popaul ». Ils discutent durant le banquet, et Paul parle à Hélène de l’armée, il lui raconte pourquoi il a quitté le bourg sans revenir, à part pour assister aux funérailles de ses parents. Il évoque ses années en Indochine et en Algérie, elle accepte son invitation pour aller au cinéma. Le lendemain, les rumeurs se propagent : une femme a été retrouvée morte dans le village voisin, frappée à coups de couteau. Un vagabond est rapidement appréhendé par les gendarmes pour le meurtre.
Analyse
La première moitié du Boucher pose l’intrigue d’une manière tout à fait conventionnelle. Nous suivons les premiers émois, discrets, de ces deux êtres à la sensibilité à fleur de peau, qui commencent à se connaître, à s’apprécier. La découverte des cadavres va doucement faire évoluer l’intrigue, et l’ambiance du long-métrage. Ainsi, le film possède-t-il à la fois une touche classique et un certain caractère d’avant-garde. Son classicisme se retrouve dans sa façon d’amener tranquillement et sans esbroufe l’intrigue policière. Claude Chabrol maîtrise parfaitement son récit et nous décrit un petit village sans prétention et ses habitants modestes. Mais là où il se démarque, c’est dans la liberté de ton qu’il apporte.
Effets de l’atmosphère libertaire environnante, le personnage de Stéphane Audran par exemple est une femme émancipée, qui fume dans la rue, dirige une école et n’a pas besoin d’homme dans sa vie. Liberté de ton également dans la description furtive des horreurs de la guerre qui ont visiblement traumatisé Paul plus que son apparente nonchalance ne laisserait a priori présager. Sans s’appesantir aucunement, « Chacha » dresse le portrait de deux personnages un peu marginaux et arrive à nous les rendre profondément attachants. Et quand petit à petit la tension du Boucher monte on s’en est finalement pas vraiment rendu compte. Ce n’est que par des bribes de dialogues, des situations parfois anodines que l’on réalise la gravité des meurtres qui se sont perpétrés.
On peut saluer ici le talent de Pierre Jansen, compositeur attitré de Claude Chabrol depuis Les bonnes femmes, et qui concocte ici une ambiance musicale particulière ajoutant peu à peu, par de petites touches, à l’angoisse générale. Quant aux acteurs principaux du Boucher, ils sont remarquable, et l’on ne peut que saluer la composition de Jean Yanne, qui est remarquable. Tout en finesse et bien loin des outrances dont il est aussi capable, il incarne un homme taciturne et solitaire, touchant parfois, mais aussi inquiétant. À ses côtés Stéphane Audran réussit à s’imposer et soutient de fort belle manière le personnage principal, laissant petit à petit dévoiler sur son visage cristallin le doute ou la frayeur. Tout ça nous donne un bon petit polar chabrolien somme toute bien ficelé.