Rushmore (1998) Wes Anderson
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Rushmore (1998) Wes Anderson
On est très sérieux quand on a 15 ans
La carrière de Wes Anderson a débuté au milieu des années 1990, après des études de philosophie. Il rencontre durant un cours d’écriture un certain Owen Wilson, qui deviendra son colocataire et bientôt incarnera une pierre angulaire de sa carrière. Car avec son frère Luke, ils vont interpréter les rôles titres de son court-métrage, Bottle Rocket, très vite transformé en long-métrage. Par la suite, Owen va coécrire les scénarios des premiers films de Wes Anderson, et il apparaîtra, parfois avec son frère, dans nombre d’entre eux. Pour son deuxième film, Rushmore, ils décident tous les deux de créer un univers pas très loin de celui de Roald Dahl, qu’ils admirent tous les deux. Leurs diverses expériences amoureuses personnelles ainsi que leurs passages dans des écoles préparatoires où ils ont assez peu acquis le goût des études les ont aussi fortement inspirés. Pour interpréter le rôle-titre ils engagent Jason Schwartzman, le neveu de Francis Ford Coppola, qui fait alors ses premiers pas au cinéma.
Le jeune Max Fischer fait un rêve où se retrouve au fond de sa salle de classe, en train de lire un journal. Le professeur de mathématique développe son cours quand un élève remarque une équation sur le tableau d’à côté, et demande ce qu’elle représente. Le professeur répond aux élèves que c’est une énigme que personne, y compris des professeurs émérites, n’ont encore réussi à résoudre. Il promet alors que si l’un d’entre eux parvient à trouver la solution, il serait exempté de mathématiques pour l’ensemble du reste de sa vie. Il s’adresse alors à Max et lui demande de venir au tableau. Celui-ci s’exécute à contrecœur, récupère une craie et s’essaye à l’exercice. Il parvient à la surprise générale à résoudre le problème, et c’est alors qu’il se réveille au milieu d’une salle de conférence de son collège. Il faut dire que Max est plutôt du genre dilettante, s’adonnant plus facilement à de multiples activités extrascolaires qu’à la révision de ses cours.
Voir ou revoir Rushmore plus de vingt ans après sa création est une expérience assez intéressante. Cela permet de constater combien le cinéma de Wes Anderson est cohérent, ce que l’on avait déjà pu constater au cours de sa filmographie, et que les germes de son style apparaissaient dès ses premiers films. On constate déjà qu’à son casting figurent déjà, en plus des frères Wilson, l’un au scénario l’autre à la distribution, le fameux Bill Murray, et bien sûr Jason Schwartzman, qui deviendra dix ans plus tard récurrent dans les films d’Anderson. Les thématiques de l’enfance seront aussi par la suite prépondérantes dans les histoires que va raconter le réalisateur, de ses films d’animation à Moonrise kingdom. Les familles plus ou moins dysfonctionnelles sont déjà de la partie, une petite référence au comandant Jacques-Yves Cousteau apparaît discrètement, ainsi qu’une scène d’hôtel préfiguratrice de The Grand Budapest Hotel : on est en terrain familier.
Ainsi comme dans la plupart des films de Wes Anderson, le décalage est le propre de Rushmore. Déjà le personnage principal est un jeune homme de 15 ans qui se comporte comme un adulte. Rien dans son attitude ne pourrait nous faire croire qu’il n’est pas majeur, mis à part le fait qu’il est encore en internat. Et le fait que Jason Schwartzman, 18 ans à l’époque, lui prête ses traits, renforce ce sentiment. C’est avec beaucoup de sérieux que Max s’engage dans ses multiples activités extrascolaires, et c’est avec un aplomb considérable qu’il décide de séduire sa professeure, faisant fi des conventions. Cette liberté de ton se retrouve par exemple dans l’amitié qui va se nouer entre cet adolescent ce quadragénaire dépressif. Ainsi se déroule lentement la narration du film, qui il faut bien l’avouer n’est pas bien consistante et peut en déconcerter quelques-uns. On flâne ainsi durant une heure et demi dans un univers fantasmé qui donne la part belle à l’enfance.
Aujourd’hui, le décalage que l’on ressent devant Rushmore est aussi dû à son casting, qui fait la part belle à des figures qu'on ne voit plus forcément beaucoup au cinéma. On retrouve ainsi dans le rôle principal Jason Schwartzman, un acteur qui s’en sort très bien, et pourtant il en était alors à son premier film Ainsi cette prise de risque, qui est dûe au budget modeste du long-métrage, reste tout à l’honneur des producteurs. À ses côtés c’est avec plaisir que l’on observe Olivia Williams, elle aussi au tout début de sa carrière, et qui interprète une évanescente femme fatale malgré elle. La troupe se complète avec un Seymour Cassel craquant dans le rôle du père de Max, ou bien l’excellent Brian Cox qui peut s’éclater dans une fantasque démesure. Tous mettent en cohérence cette douce fantaisie pas forcément très facile à rendre crédible quand on lit le scénario. Le film est foutraque, mais ne manque pas de charme. On sent que de de nombreuses séquences mériteraient d’être retravaillées mais avec le recul, on reconnait sans nul doute la patte d’un réalisateur talentueux.