L’infirmière (2020) Kôji Fukada
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L’infirmière (2020) Kôji Fukada
Quand la rumeur enfle
En dix ans de carrière Kôji Fukada a réalisé sept long-métrages, dont le petit dernier, Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis, sortira a priori en mai 2021 et fait partie de la Sélection Officielle du Festival de Cannes 2020. Son premier film, Hospitalité, avait été projeté lors du Festival Paris Cinéma puis Au revoir l'été avait reçu un prix lors du Festival des trois continents à Nantes. La notoriété du réalisateur progresse en 2016 lorsqu’il reçoit le Prix du jury à la section Un certain regard du Festival de Cannes. Le film avait pour actrice principale Mariko Tsutsui, avec qui Fukada avait envie de travailler à nouveau. Il écrit donc le scénario de L’infirmière en souhaitant dresser le portrait d’une femme à multiple facettes, dont la personnalité peut sembler pour certains ambiguë. Le titre original du film, Yokogao, signifie littéralement Visage vu de profil : ce que voulait mettre en avant le réalisateur est la multiplicité des facettes que peut révéler la vision d’une figure. Selon que l’on regarde d’un côté ou de l’autre, le profil d’une personne peut changer, et l’on ne peut jamais voir les deux en même temps.
Chez le coiffeur, Risa demande une teinture, au grand dam du professionnel qui lui rétorque qu’elle a de très beaux cheveux. Elle lui raconte qu’elle aide à domicile des personnes âgées, ce qu’il trouve tout à fait admirable. Nous la retrouvons chez Tōko Oishi, qui habite avec sa fille et ses deux petites-filles, Motoko et Sachi. Ele perd peu à peu la mémoire et a besoin de l’infirmière, nommée alors Ichiko, pour l’aider avec les gestes du quotidien. Dans le cabinet, qu’elle partage avec d’autres femmes, Ichiko se détend et se voit refuser de sortir pour aller boire un verre : ce soir elle doit aider Motoko et Sachi avec leurs devoirs. Elles se retrouvent dans un restaurant et Sachi les quitte au bout d’un moment. Entre temps, le neveu d’Ichiko les rejoint pour leur donner des ouvrages, et ils se croisent brièvement. Quelques temps plus tard, Ichiko apprend à la télévision qu’une jeune fille, qui n’est autre que Sachi, est portée disparue. Elle se rend dans la famille, où la mère, bouleversée, tente par tous les moyens de retrouver sa fille. Elle finit par revenir à la maison, au grand bonheur de ses habitants.
La mécanique de la déchéance est assez bien décrite dans L’infirmière. Le début du film nous plonge dans le quotidien de cette femme douce et élégante. Nous suivons ses gestes qui accompagnent avec tendresse sa patiente, n’hésitant pas à user d’humour pour la rassurer et pour détendre l’atmosphère familiale. Elle est tellement bien intégrée dans cet univers qu’on ne voit pas venir tout de suite le point de basculement. On sent bien que l’enlèvement de l’adolescente a créé un malaise, redoublé par l’implication supposée d’un proche d’Ichiko. Puis les événements se succèdent et un mélange de malchance et de malveillance s’abat sur elle. On ne comprendra que plus tard sa réaction, et la raison de son geste. À ce moment du récit, le mécanisme est arrivé à un point de non-retour. La conclusion boucle alors, de façon un peu maladroite, cette histoire qui s’avère finalement plus complexe que ce que l’on pourrait croire au premier regard. Chaque personnage possède sa part d’ombre et de lumière, et l’absence de manichéisme est à mettre au crédit du réalisateur.
La façon dont L’infirmière fait avancer son récit est tout de même un peu trop superficielle. Certaines scènes aux temporalités différentes s’intercalent les unes entre les autres, sans que l’on ait vraiment de repère pour les distinguer, si ce n’est la coiffure de la protagoniste. On se retrouve avec un fourre-tout que l’on doit démêler sans que cela apporte grand-chose au final. Certes, cela nous dit un peu trop grossièrement que la personnalité d’Ichida et ses actions sont complexes, et doivent être appréhender sous plusieurs angles. Mais la forme est assez indigeste, et la mise en scène manque de fluidité. On a l’impression que certaines séquences n’apportent pas grand-chose à l’intrigue et ne sont là que par pur coquetterie. Pourtant Mariko Tsutsui parvient à rendre son personnage attachant, et l’on éprouve de l’empathie envers cette femme que l’on apprend à connaître. Le principe de la montrer sous plusieurs facettes ne manque pas d’intérêt, mais le suspens un peu fictif qui entoure sa culpabilité demeure quand même superfétatoire.
Par contre ce que nous dit L’infirmière de la société est tout à fait passionnant. La façon dont une rumeur prend le pas sur toute forme d’enquête ou de procès nous est très bien montrée. La horde de journalistes qui traque quasiment au quotidien Ichiko, allant jusqu’à exercer du harcèlement sur elle et sur ses proches fait assez peur à voir. On comprend ainsi aisément comment des faits supposés, provenant d’une seule parole, déformée et amplifiée, peuvent ruiner la carrière et la vie d’une femme. Sa volonté de réhabilitation nous semble d’autant plus justifiée que ses projets ont été brisés et l’on souhaite qu’elle retrouve une part de sa dignité. D’autres éléments, plus ténus, auraient pu être exploités un peu mieux, que ce soient l’homosexualité de Motoko et sa difficulté à s’intégrer dans un schéma traditionnel, ou bien la relation qu’entretient Ichiko avec le docteur Totsuka, qui n’est qu’esquissée. On sent que Kôji Fukada veut travailler par petites touches pointillistes, mais on ne peut s’empêcher de ressentir un peu de frustration pour une histoire qui mériterait d’être retravaillée.