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Gertrud (1964) Carl Th. Dreyer

Gertrud (1964) Carl Th. Dreyer

Veröffentlicht am 21, Jan., 2022 Aktualisiert am 21, Jan., 2022 Kultur
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Gertrud (1964) Carl Th. Dreyer

Brûlure de la passion dans la froideur scandinave

L'ultime film de Carl Theodor Dreyer est une tragédie dans la plus pure acception du mot, sans concession aucune, distante et rigide dans sa forme mais incandescente et bouillonnante dans son propos. Le réalisateur danois qui admet, même si aucun de ses films ne se ressemble, s’être peu à peu rapproché du genre le plus pur de la dramaturgie jusqu’à cet aboutissement qu’est Gertrud, un film qui n’a pas été accueilli à sa juste valeur à l’époque. Du reste, le réalisateur qui jusqu'alors usait régulièrement de la métaphysique ou du surnaturel brode ici un drame bourgeois qui n'a de spectaculaire que les élans de la passion amoureuse.

Gertrud est une femme du monde, comme on dit. Belle et passionnée, c'est une ancienne diva, mariée à un avocat, un homme de pouvoir qui va bientôt devenir ministre. Elle lui reproche de l’avoir peu à peu délaissée au profit de son travail, et lui rappelle les promesses qu'ils se sont faites au début de leur relation, de se quitter quand l'un de deux ne se retrouverait pas dans leur couple. La mère de Gustav arrive alors à l'impromptu et rappelle à son fils combien Gertrud est une bonne épouse. Or elle est bien décidée à le quitter pour partir avec son jeune amant Erland. Celui-ci ne croit pourtant pas vraiment à ses élans, elle qui ne s'est jusqu'alors jamais abandonnée à lui.

La beauté de Gertrud frappe dès les premières images du film. La photographie de Henning Bendtsen, célèbre chef opérateur danois, est absolument magnifique et fait jouer les personnages au gré des ombres et des lumières d’un noir et blanc impeccable. La mise en scène de Carl Theodor Dreyer est épurée, et alterne judicieusement de nombreux plans séquence. Les acteurs ont une rigidité assez fascinante qui a de quoi décontenancer. Mais l'on peut tout aussi bien apprécier ces postures héritées du théâtre qui mettent en scène deux personnages conversant non en face à face comme à l’accoutumée, mais un personnage face caméra et l’autre, juste derrière, de profil par exemple.

Cette mise en scène toute nordique sera d'ailleurs reprise par Ingmar Bergman et peut facilement porter à la caricature, mais elle permet de resserrer la tension dramatique sur l’essentiel, à savoir le discours. Car, malgré sa beauté, Gertrud n’est pas un film où l’image, même si elle est très bien léchée, est prépondérante. Ce qui compte, ce sont les discours révélant tous les tourments affectifs que ressentent les personnages, et en particulier celui incarné par la belle Nina Pens Rode, hiératique et assez fascinante. C'est d'ailleurs bien elle qui mène la danse, et ses collègues masculins, s'ils ne déméritent pas, peinent à être à sa hauteur.

Elle incarne une femme qui rêve d’absolu, qui a cherché toute sa vie durant un amour qui la transcende et qui est inexorablement déçue par les hommes. Sans doute trop orgueilleuse, le personnage principal de Gertrud refuse toute concession et préfère vivre seule, et libre, que mal accompagnée. De longs monologues nous font comprendre les pensées de cette femme, qui essaye de raisonner des sentiments qui parfois l'emporte un peu trop. Le film est ainsi un portrait de femme libre, guidée par ses actions, quitte à les regretter, mais qui se veut moderne et indépendante. Serait-ce un message subliminal que voulait nous faire passer le maître danois  pour sa dernière réalisation ?

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