Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait (2020) Emmanuel Mouret
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Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait (2020) Emmanuel Mouret
La raison parle et le sentiment mord
De film en film, Emmanuel Mouret dessine son chemin dans le cinéma français d’auteur. Avec Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, il réalise son dixième long-métrage en vingt ans de carrière, et s’offre pour la première fois l’honneur d’une Sélection officielle au Festival de Cannes, même s’il n’a pas pu défendre son film vu les conditions si particulières de ce Label 2020. Au début des années 2000, il embarquait Marie Gilain dans une comédie estivale avant de découvrir en Frédérique Bel une muse, qu’il va retrouver de film en film. Il faut dire que sa filmographie fait la part belle aux actrices, et il enchaînera les tournages avec Virginie Ledoyen, Ariane Ascaride, Judith Godrèche ou bien Anaïs Demoustier, pour ne citer qu’elles. Ses thématiques principales et récurrentes sont le sentiment amoureux et le marivaudage, et il s'est même permis d’adapter Denis Diderot, offrant un très beau rôle à Cécile de France dans Mademoiselle de Joncquières en 2018.
Sur le quai de la gare d'Avignon, Daphné vient chercher Maxime, le cousin de son compagnon François, qui s'apprête à passer quelques jours dans leur maison de campagne. François a été retenu par son travail à Paris, mais Daphné assure Maxime que ce n'est pas grave : ils auront ainsi l'occasion de faire des visites et d'apprendre à se connaître. Elle lui apprend qu'elle est enceinte de trois mois et s'enquiert de sa situation : François lui a dit qu'il a récemment subi un chagrin d'amour. Alors qu'ils sont dans un site touristique, elle lui demande de lui raconter ce qui lui est arrivé, si cela ne le dérange pas trop. Il lui dit qu'il y a un an il couchait avec une femme mariée, qui ne voulait pas s'attacher. Son mari et elle vivaient une relation de couple fondée sur la raison, qui n'avait pas de fondement passionnel ou amoureux. Lui vivait au Japon, elle allait l'y rejoindre d'ici quelques mois avant de partir ensemble aux États-Unis, où ils comptaient élever leurs futurs enfants.
Le principe narratif des Choses qu’on dit, les choses qu’on fait est distrayant. Par un principe de vases communicants, Emmanuel Mouret nous narre des histoires de couples singulières et attachantes. On se laisse facilement surprendre par la structure des récits dans les récits, parfois interrompus, et auxquels on revient librement. Ce scénario qui pourrait être casse-gueule donne un charme désuet au film : à la manière de La ronde de Max Ophuls, on est emporté par le souffle romanesque qui se dégage de ces aventures. Bien sûr toutes ne sont pas aussi convaincantes les unes que les autres, et l’on va plus facilement s’attacher, qui à cette épouse qui se sacrifie tout en étant machiavélique, qui à cet amoureux transi qui refuse d’être heureux. Les références de Mouret sont toutes là, de la Nouvelle vague à Marivaux, et s’il ne se renouvelle pas vraiment dans le fond au moins l’auteur se modernise-t-il dans la forme de son écriture, qui semble désormais plus libérée de ses carcans.
Cela dit, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait n’entame pas non plus une révolution copernicienne dans le cinéma d’Emmanuel Mouret. Le cadre dans lequel se déroulent les intrigues du réalisateur reste celui de bourgeois bohèmes, parisiens, et qui n’ont pas de véritables problèmes si ce ne sont leurs élans affectifs. Le phrasé de certains de ses interprètes et les longues tirades souvent vides de sens peuvent rebuter certains spectateurs, tout comme les tentatives philosophiques simplistes qui ne sont pas du meilleur effet. C’est lorsqu’il s’extrait de ses habitudes, en inventant une forme ou en s’embarquant dans le romanesque, qu'il parvient à convaincre. On lui pardonne alors ses envolées lyriques trop maladroites pour convaincre, ou bien ses afféteries langagières un peu pompeuses. C’est comme si le cadre dans lequel se déroule son histoire, à savoir Avignon et ses alentours, lui inspirait des élans et modifiait ses perspectives.
Un film comme Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait repose tout de même essentiellement sur ses actrices et sur ses acteurs, et à ce niveau on trouve du bon et du moins bon. Les seconds rôles sont à ce titre beaucoup plus intéressants, et aussi incarnés, que les rôles principaux. On retient en particulier Émilie Dequenne, très loin de ses débuts prolétaires dans Rosetta. Elle donne chair à cette femme trompée et amoureuse, prête à tout pour se sauver d’une situation peu avantageuse. Toute en naturel, elle fait exister ce personnage pourtant loin d’être au premier plan. De même, Julia Piaton, la fille de Charlotte de Turckheim, qui trace un sillage professionnel singulier, illumine les quelques scènes dont elle a la charge. De leur côté, Camélia Jordana et Niels Schneider nous offrent une prestation honnête, sans éclat mais sans fausse note. Quant à Vincent Macaigne et Guillaume Gouix, ils reproduisent un peu les mêmes personnages qu’on leur donne trop souvent à jouer.