La sociologue et l'ourson (2016) Étienne Chaillou et Mathias Théry
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La sociologue et l'ourson (2016) Étienne Chaillou et Mathias Théry
Pour mémoire
Si beaucoup ont entendu parler d'Étienne Chaillou et de Mathias Théry avec La sociologue et l'ourson, ce n'était pourtant pas leur première collaboration. Les deux réalisateurs, qui se sont rencontrés aux Arts décoratifs, travaillent le documentaire depuis le milieu des années 2000. Pour La sociologue et l'ourson, ils choisissent de s'intéresser au travail d'Irène Théry, qui a fait de la famille le sujet principal de ses travaux. Quand à la rentrée scolaire 2012 le parti socialiste démarre les travaux préparatoires qui aboutiront au projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, elle est auditionnée pour apporter sa voix au débat parlementaire. Son fils Mathias décide alors de s'emparer de ce sujet via l'outil du documentaire. Mais avec son fidèle collaborateur ils choisissent un parti-pris original, celui d'incarner les voix des protagonistes en la personne de peluches et de marionnettes.
En novembre 2012, le président François Hollande entérine le projet de loi annoncé au travers de la promesse qu'il avait faite durant sa campagne présidentielle, et qui ouvrait la possibilité aux couples de même sexe de se marier. Deux mois plus tôt, Mathias appelle sa mère, Irène Théry, pour le demander de l’accompagner au rendez-vous qu'elle bientôt à l'Élysée. Il souhaite la filmer avant l'entretien, durant son trajet et dans sa vie quotidienne dans les prochains mois. Dans le métro, Irène s'indigne du fait que son fils porte des chaussures trouées, puis en arrivant au Palais, elle traverse plusieurs salons avant de s'installer autour d'une table ronde où figurent aussi d’autres intellectuels. Le lendemain, Mathias appelle sa mère pour qu'elle lui résume les échanges avec ces psychanalystes, philosophes et juristes qui chacune et chacun donnent leur point de vue sur le prochain débat parlementaire autour de la loi sur le mariage pour tous.
Si La sociologue et l'ourson a fait parler de lui à sa sortie, c'est sans doute dû à son sujet. Quasiment trois ans après sa promulgation, le film revient sur la façon dont s'est instaurée une loi qui a occasionné quelques remous dans l'actualité française durant quelques mois. On a longtemps dit que le mariage pour tous a été une étape pour la gauche française, à l'image de l'abolition de la peine de mort. C'est en tout cas une évolution sociétale majeure qu'Étienne Chaillou et Mathias Théry documentent durant neuf mois, ce qui est assez ironique vu le sujet. A posteriori, le film nous permet de nous rappeler combien les propos qui s'exprimaient alors manquaient de nuance, et combien toutes ces figures qui faisaient alors la une des journaux, de Frigide Barjot à Hervé Mariton, ont aujourd'hui disparu du débat public. Un débat en entraîne un autre, et le film sert de traceur mémoriel pour une loi qu'aujourd'hui quasiment plus personne ne remet en question.
Ce qui a pu porter l'attention de La sociologue et l'ourson à sa sortie, c'est aussi son dispositif, tout comme d'ailleurs à l'occasion du film suivant d'Étienne Chaillou et de Mathias Théry, La cravate. Ici on ne regarde pas un documentaire en tant que tel, mais plutôt la mise en scène et le montage de propos au travers d'un film d'animation. Des nounours et des poupées prennent la place des personnes interrogées, et l'on assiste un peu à un théâtre de marionnettes gesticulant sur des débats sérieux. Ce contraste permet de prendre de la distance par rapport aux dialogues, d'apporter une touche de fraîcheur et d'humour qui ne manque pas d'intérêt. Loin d'infantiliser le sujet, il ouvre une porte à une approche un peu moins technocratique, et permet d'envisager la lecture d'un débat politique pourquoi pas auprès de jeunes publics. L'idée n'est pas déplaisante et offre une touche d'originalité significative.
Au-delà de la portée historique du Sociologue et l'ourson, le film nous présente aussi un portrait intime qui ne manque pas de piquant. Dès la première scène, Mathias Théry pose le cadre, en diffusant l'entièreté de la conversation qu'il tient avec sa mère, et qui débute par une parenthèse culinaire. Ainsi Irène Théry, en plus de la figure intellectuelle brillante que l'on connaît, apparaît ici en tant que mère et épouse. Plusieurs scènes de famille nous présentent des fragments de vie quotidienne, mais nous offre aussi à voir les débats qui animent parfois cette famille. C'est d'ailleurs le défaut, et en même temps la qualité, du documentaire. En tant que « fils de », Mathias Théry a très logiquement à cœur de mettre en avant les travaux de sa mère, et choisit parfois de la montrer sous ses bon côtés. Mais c'est aussi ce qui distingue le film d'un simple document d'archive, lui apportant son parti-pris, engagé de façon assumée.