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Ça tourne à Manhattan (1994) Tom Dicillo

Ça tourne à Manhattan (1994) Tom Dicillo

Veröffentlicht am 15, Nov., 2022 Aktualisiert am 15, Nov., 2022 Kultur
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Ça tourne à Manhattan (1994) Tom Dicillo

Ceci n’est pas un film

Pour son deuxième long-métrage, Tom Dicillo réalise un film sur le cinéma. L’ancien chef opérateur, notamment de Jim Jarmusch, réalise avec Ça tourne à Manhattan un film racontant les péripéties d’une petite équipe réalisant un film indépendant. On voit d’ailleurs que son ancien métier a marqué le réalisateur puisque la photographie du film est extrêmement soignée, en particulier dans les scènes tournées en noir en blanc, relatant le tournage. Le reste du film, soit les scènes qui retranscrivent le long-métrage en cours de production, sont en couleurs. Présenté au Festival du film américain de Deauville, le film y décroche le Grand prix, ainsi que le Prix du public, tandis qu’il avait obtenu un prix pour son scénario au Festival de Sundance.

Le début

Le réalisateur Nick Reve tourne un film indépendant à petit budget à New York. L’équipe de restauration, sous-payée, décide de ne pas remplacer un carton de lait qui est sur la table de tournage depuis une semaine. La scène, difficile à tourner, met en scène une jeune femme, Ellen, qui reproche à sa vieille mère de ne pas être intervenue lorsque son père l’a battue quand elle était enfant. Sur le plateau, à peu près tout ce qui peut mal se passer intervient : les plans sont gâchés parce que l’on voit le micro à l’écran, l’assistante caméra ne parvient pas à faire le point, Cora, l’actrice jouant la mère, oublie ses lignes de dialogue et Nicole, l’actrice jouant Ellen, devient de plus en plus floue et négligente. Nick, déprimé, demande une répétition sans caméra pour rafraîchir les acteurs.

Analyse

Récapitulons : Ça tourne à Manhattan, Living in Oblivion dans son titre original, est un film indépendant à petit budget nous racontant une journée de tournage d’un film indépendant à petit budget nommé Living in Oblivion. On va suivre les déboires techniques et sentimentaux du réalisateur, des acteurs et des techniciens du film, leurs rêves de gloire et leurs difficultés à différencier la réalité de la fiction. Tout ça entremêlé avec les séquences du film qu’ils sont en train de tourner, dont l’histoire trouve un écho parfois saisissant avec leurs expériences personnelles. C’est ainsi avec un malin plaisir que Tom Dicillo brouille les pistes. En cela, le film est remarquablement réussi : le but est de nous faire ressentir ce que peuvent éprouver les protagonistes d’un plateau de cinéma lorsqu’ils concoctent un film. 

Le spectateur amateur de cinéma se prend pour une petite souris et ressent tour à tour à quel point sont utiles un ingénieur son, une assistante à la réalisation ou un cameraman. Plein de dérision sur lui-même et sur son art, Tom Dicillo filme avec amour cette petite bande, entre les egos surdimensionnés de certains acteurs, tel James LeGros, à fond dans son rôle, et les propositions d’un technicien qu’on ne prend pas au sérieux, en l’occurrence Dermot Mulroney, méconnaissable. C’est souvent très drôle et le rythme ne faiblit jamais, malgré un script qui tient sur quelques lignes. Les acteurs de Ça tourne à Manhattan, des habitués des productions indépendantes américaines, sont évidemment formidables. Ainsi on ne présente plus Steve Buscemi, l’un des plus talentueux acteurs de sa génération. 

Il apporte une touche de férocité non négligeable à son rôle de réalisateur, et on n’oublie pas la scène hilarante où il pète un câble et menace de tout arrêter. Catherine Keener, une fidèle de Tom Dicillo à ses débuts, crève l’écran dans ce personnage névrosé d’actrice quasiment sur le retour. Les aller-retours entre fiction et réalité font la force du film bien sûr, mais il ne se résume pas qu’à ça. Car Ça tourne à Manhattan est aussi une galerie de personnages très bien dépeints, avec leurs rêves et leurs désillusions ainsi qu’une description sans concession des relations humaines, des petites mesquineries entre amants aux grandes trahisons et autres flagorneries entre acteurs et réalisateur. Rien que la séquence finale nous montrant le tournage d’une « prise de 30 secondes sans ambiance sonore » mérite le détour.

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