Épisode 4 : Les lois de la Nature
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Épisode 4 : Les lois de la Nature
Pendant que Siegfried, intrigué par cette entrevue, s'en retourne une fois encore au château de Koerich, Mélusine met à profit le sursis qu'elle a gagné pour demander conseil auprès de Mère Nature.
Celle-ci ne lui mâche pas ses mots.
- Un humain. Vraiment. Tu ne cherches pas les complications, toi, hein. Avoue quand même qu'une queue de poisson, ce n'est pas très pratique quand il s'agit d'aimer un humain.
- C'est justement ça mon problème. Comment va-t-il réagir quand il saura que je suis une sirène ? Comment vais-je bien pouvoir le lui dire ? Comment vais-je faire s'il s'enfuit ?
Mère Nature la regarde de côté tout en touillant dans son chaudron.
- Tout ce que tu me racontes là, c'était à prévoir dès le départ, non ?
- Je n'ai jamais prévu qu'un jour, je rencontrerais un humain. D'aussi près, je veux dire. Et encore moins que...
- Que ?
- ..Qu'il me plairait... et qu'il toucherait mon cœur. Que je serais malheureuse de le voir triste et déçu. Ni non plus que lui, il aurait envie de me revoir.
Mère Nature a un sourire un peu ironique.
- Je vois que tu n'as jamais entendu parler de l'attrait pourtant bien connu que la voix des sirènes exerce sur les humains. Si tu avais su, tu aurais été plus attentive et plus prudente avant de faire entendre ton chant. Ça t'aurait évité le problème où tu te retrouves maintenant.
- Peut-être, mais en attendant, je suis dedans. Et tout ce que tu me dis là, ça ne m'aide pas.
- Sans doute, mais je ne vois pas très bien ce que je peux faire pour toi. Lui, il est un humain. Toi, tu es une sirène. Moi, je suis la Nature. Et la Nature ne peut pas faire autre chose que suivre ses propres lois. Ce qui inclut, comme tu t'en doutes, respecter la nature des choses telles qu'elles sont. Tu t'attendais à quoi ? À ce que je fasse de toi une humaine ?
Mélusine se tait.
- Aurais-tu vraiment envie de devenir humaine d'ailleurs ? Vu que tout ce qui l'a attiré chez toi, ta grâce, ta fluidité, ta chevelure, ton chant, tout cela vient du fait que tu es une sirène ? Voudrais-tu perdre tout cela et ne plus lui plaire ? Ça serait encore pire pour toi que lui révéler ce que tu es.
- Et pour lui ?
- Lui ?
Mère Nature regarde Mélusine de haut en bas.
- S'il ne trouve plus chez toi tout ce qui lui a plu, il se détournera de toi et il le cherchera ailleurs. C'est aussi simple que ça.
- Mais s'il est... repoussé... dégoûté par ma queue de poisson ?
Mère Nature prend une profonde inspiration, lève les bras au ciel, laisse retomber sa grande cuillère dans son chaudron, puis pousse un grand soupir.
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Hein ?... Et puis surtout... euh, comment dire... comment allez-vous faire... ?
Elle recommence à touiller dans son chaudron.
- Je te l'ai dit : en t'amourachant d'un humain, tu es allée chercher les complications.
Elle touille encore.
- Le plus simple, c'est de lui dire clairement ce qu'il en est. Quitte à ce qu'il s'en aille. Ce qui est probablement le mieux pour vous deux.
- Ne dis pas ça !
À ce cri, Mère Nature s'arrête de touiller et se tourne vers Mélusine.
- Et pourquoi pas ?
Les larmes de Mélusine débordent de ses yeux et coulent.
- Quand je l'ai vu la première fois, j'ai cru qu'il ne reviendrait jamais et que je pourrais l'oublier. Et continuer à vivre comme avant. Mais il est revenu. Et il reviendra encore. Et...
La voix de Mélusine devient murmure et sanglot.
- Avec lui, je me rappelle que je suis à moitié humaine, moi aussi. Il me donne envie de l'être totalement. C'est la première fois que je n'ai plus envie d'être seule. La vie, ça peut être autre chose. Les humains ne sont pas tous mauvais. Je l'aime. Je crois qu'il m'aime aussi. Je ne veux pas renoncer à lui. De toute façon, je ne le peux pas.
Mère Nature pousse un gros soupir.
- Alors je ne peux rien faire pour toi, ma fille.
Et elle retourne à son chaudron.
Au-delà de ses larmes, Mélusine retrouve un peu de voix.
- Je pensais que tu allais m'aider. Que tu me dirais quoi faire.
- Je t'ai dit quoi faire. Je t'ai donné des conseils. C'est toi qui ne veux pas m'écouter.
- Parce que rien de ce que tu me dis ne m'aide à le rejoindre. Au contraire, tout ce que tu me conseilles ne ferait que l'éloigner de moi.
Mère Nature plante sa cuillère dans son chaudron et se retourne encore une fois vers Mélusine.
- Que veux-tu que je te dise si ce que tu veux est impossible ?...
Mélusine se tait, mais ne détourne pas son regard de Mère Nature. Cette dernière se calme un peu et réfléchit un moment.
- Il y a peut-être un moyen. Après tout, il paraît que tu es fée - en plus d'être sirène. Mais c'est risqué.
- C'est-à-dire ? Dis-moi.
Mère Nature regarde Mélusine très intensément.
- Si tu es une fée, comme cela se murmure, tu connais sans doute quelques sortilèges. Il en existe sûrement auxquels tu peux avoir recours. Mais rappelle-toi qu'ils ne pourront jamais changer ta vraie nature, et souviens-toi que sa vraie nature, on n'y échappe pas. Sache aussi qu'il y a toujours un prix à payer quand on transgresse les lois de la nature. Et sache qu'il est toujours risqué de faire illusion - car c'est tout ce que tu arriveras à faire en vérité. Parce que tôt ou tard, tout finit toujours par se savoir. Les masques finissent toujours par tomber, et les illusions finissent toujours par s'envoler. Reste alors la réalité de la nature des choses, qui s'avère toujours décevante. Et la déception est lourde de conséquences quand quelqu'un s'estime trompé.
Mélusine, elle aussi, regarde attentivement Mère Nature. Elle se tait un moment, le temps d'absorber ce qui vient d'être dit.
- Ce n'est pas tout à fait ce que je voulais entendre. Ce n'est pas vraiment ce que j'étais venue chercher. Mais s'il y a un moyen pour moi de devenir ce qu'il faut que je sois pour Siegfried, fais-moi confiance, je le trouverai. Ne t'en fais pas pour moi. Je le fais par amour, mon cœur est pur et je ne souhaite rien de mal, donc je ne risque rien.
Mélusine se retourne et repart en nageant pour retrouver ce bras de l'Alzette qui mène jusqu'au Bockfiels. Mais juste avant de partir, elle se retourne une dernière fois vers Mère Nature.
- Et n'oublie pas qu'après tout, je suis à moitié humaine. Ne t'en fais pas. Je ne risque rien.
Mère Nature la regarde s'éloigner.
- Je l'espère, ma fille. Je l'espère pour toi.
Musique : Yonder Dale - The Wisdom of Trees
Épisode 5 : Retrouvailles avec soi-même
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos