Épisode 3 : Rapprochement
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Épisode 3 : Rapprochement
- Je ne veux pas te faire de mal. Vois, je dépose mon épée sur le sol. Je viens en paix.
Siegfried joint le geste à la parole, et il lui semble percevoir un sanglot dans la voix de Mélusine quand elle lui répond :
- Tu ne peux pas rester ici.
- Pourquoi ? Es-tu en danger ? Si tu l'es, je suis armé pour te défendre.
Mélusine ne répond pas, mais il semble à Siegfried qu'il entend un sanglot.
- Es-tu en train de pleurer ?... Si tu es triste que je sois revenu, je partirai et je te jure que tu ne me reverras plus jamais.
À ces mots, le cœur de Mélusine se serre. Même si la présence si proche de Siegfried lui fait un peu peur, elle ne peut pas se résoudre à le laisser partir pour ne jamais le revoir.
- Non, non, pas du tout... ce n'est pas ça.
- Alors c'est quoi ?
Mélusine hésite à répondre.
- C'est que... en fait, c'est que j'ai besoin de temps.
Siegfried est perplexe.
- De temps pour quoi ?
- Pour... pour m'habituer. Tout ceci... est nouveau pour moi.
Siegfried marque un temps de réflexion.
- D'accord. Si tu préfères rester dans l'ombre, il n'y a pas de problème. Moi, je resterai ici. Nous serons chacun de notre côté. Ça te va ?
Mélusine marque un temps d'arrêt à son tour.
- Si tu veux.
Siegfried s'assied alors précautionneusement sur le sol de la grotte.
- Ça fait longtemps que tu es ici ?
Mélusine se demande ce qu'elle doit répondre.
- Assez, oui.
- Tu viens souvent ici ?
Mélusine réfléchit encore, mais elle ne voit pas ce qu'elle pourrait inventer.
- En fait, j'habite ici.
Elle frissonne - de peur, pas de froid, le froid elle connaît - mais elle se dit qu'en cas de danger, elle peut toujours plonger dans la rivière et s'enfuir en nageant. Elle nage vite.
- C'est un drôle d'endroit pour habiter, non ?
- Pourquoi ?
- Eh bien, il fait froid ici. Et ce n'est pas très confortable.
- Pourquoi ce ne le serait pas ?
- Ça ne te dérange pas de dormir sur de la pierre ? Un lit, c'est quand même beaucoup mieux.
Et hop, voilà, premier problème. Elle ne va tout de même pas demander à Siegfried ce que c'est qu'un lit, même si à vrai dire elle n'en a pas la moindre idée. Il y a des choses qu'il vaut mieux que Siegfried ignore.
- J'ai l'habitude.
- Tu mènes une vie bien rude pour une jeune fille.
- Je me débrouille.
- Et pour manger, comment tu fais ?
- Il y a tout dans la forêt.
- Tu es toute seule ici ?
Et hop, second problème. Est-ce bien prudent de lui dire la vérité ? Après tout, même s'il garde ses distances et s'il lui parle avec douceur - et sa voix est si douce ! - il a tout de même une arme. Qui sait comment il pourrait s'en servir ?
- Il y a les animaux de la forêt.
- Justement. Ils peuvent être dangereux.
Elle le sait. Mais les humains ?... Un humain avec une arme peut être aussi dangereux qu'un animal de la forêt. Peut-être même pire.
- Il faut les connaître, c'est tout.
Siegfried rectifie son assise et s'installe les jambes fléchies vers le haut et les bras sur les genoux. Visiblement, il a l'intention de rester un moment.
- Tu n'es pas très bavarde, dis donc.
Mélusine ne voit pas très bien quoi répondre à ça. Ce qui n'a pas l'air de désarçonner Siegfried.
- C'est dommage. Tu as une jolie voix.
- Tu trouves ?
- Oui, pourquoi ? Personne ne te l'a jamais dit ?
- Je... Je n'ai pas l'habitude de parler à des gens.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il n'en passe jamais par ici.
- Vraiment ?
- Oui, vraiment. Pourquoi, ça t'étonne ?
Mélusine, elle, s'étonne elle-même d'avoir eu l'audace de poser une question. Pour tout dire, elle ignorait même qu'elle en était capable. Mais ça n'a pas l'air d'étonner Siegfried, comme s'il était habitué à ce qu'on lui pose des questions. Il enchaîne comme si de rien n'était.
- D'habitude, il y a des gens qui chassent dans la forêt.
- Ben ici, il n'y a personne.
- Ça fait longtemps que tu es toute seule comme ça ?
- Je te l'ai dit, je ne suis pas toute seule. Il y a les animaux de la forêt. Ils ne sont pas tous dangereux.
- Oui, mais je ne parle pas des animaux de la forêt. Je parle des gens. Des humains.
Si ça fait longtemps... La dernière fois qu'un humain est passé dans son champ visuel remonte si longtemps en arrière qu'elle ne saurait même plus dire à combien de temps. Et à cette époque-là, quand elle en voyait, elle préférait éviter. Le contact avec un humain, pour elle, c'est toujours compliqué. Il y a des choses que les humains ont du mal à comprendre. Et ce qu'ils ne comprennent pas, ça leur fait peur. Et quand ils ont peur, ils peuvent devenir très dangereux.
- Dis, Mélusine... Ça fait longtemps que tu n'as pas parlé à un être humain ?
Celui-ci a une voix si douce... et il a l'air si lumineux... Il n'a pas l'air hostile de ceux qu'elle a fuis autrefois. Est-il vraiment à craindre ?
- Euh... Assez longtemps, oui.
- Et... ça ne te manque pas ?...
Cette conversation prend un tour dangereux. Si entrer en contact avec un humain n'était pas aussi compliqué pour elle, elle se manifesterait à Siegfried. Mais elle ne le peut pas... Les larmes commencent à couler sur ses joues, silencieusement.
- Il faut que tu t'en ailles maintenant, Siegfried.
Siegfried, il est perplexe. Mélusine vient bien de lui dire de s'en aller... mais ce n'est pas du tout ce que dit la façon dont elle vient de prononcer son nom. Il décide de l'ignorer - ou de faire semblant.
- Tu ne veux plus me parler ? Si c'est ça, je m'en vais et je ne reviendrai plus jamais te déranger.
- Si si, j'aime bien parler avec toi, tu ne me déranges pas... mais pas maintenant s'il te plaît.
Siegfried réfléchit un instant.
- Je vois. Préfères-tu que je revienne plus tard ?
- Oui - s'il te plaît. Mais...
- Mais ?
- Promets-moi que tu reviendras.
Siegfried marque un temps d'arrêt.
- Je te le promets. Mais si je ne peux pas te voir, permets-moi au moins de t'entendre... J'aimerais t'entendre chanter.
Alors Mélusine fait à nouveau entendre son chant de gouttes d'eau - mais cette fois-ci, même s'il est toujours aussi enchanteur, son chant paraît si triste... si triste qu'il étreint le cœur de Siegfried.
Musique : This Mortal Coil -Song to the Siren
Épisode 4 : Les lois de la Nature
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos