Épisode 36 : Chair à canon
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Épisode 36 : Chair à canon
Deux jours plus tard, Geerty revient encore une fois avec un message.
- Madame la Comtesse, je suis désolée de vous déranger, mais Monsieur le Comte insiste vraiment pour que vous alliez le voir.
Mélusine n'ose même pas imaginer l'accueil qu'il a dû réserver à cette pauvre Geerty. Il est capable de se montrer vraiment odieux avec le personnel. Et il pique des colères homériques pour un oui pour un non. Apparemment, même malade, même affaibli, il parvient encore à se faire craindre. Elle en arrive presque à plaindre ses deux remplaçants : ils ne doivent pas rigoler tous les jours.
Peut-être en ont-ils déjà marre ? Peut-être ont-ils demandé à être relevés de leurs fonctions ? Peut-être est-il bien embêté et a-t-il besoin qu'elle revienne à son poste parce que les amateurs, euh, ne se bousculent pas au portillon ? L'idée la fait sourire et elle a bien du mal à le cacher. Mais, non, désolée : elle n'est pas un bouche-trou. Elle n'est pas une solution de remplacement. Elle n'est pas un moindre mal. Elle n'est pas ce dont on se contente parce qu'on ne peut pas trouver mieux. Elle n'est pas un outil pendu à un clou, que l'on décroche quand on en a besoin puis qu'on raccroche, qu'on abandonne sur le côté ou même qu'on jette quand on n'en a plus besoin ou quand on estime pour une raison ou une autre qu'il n'est plus bon à rien (et puis, franchement parlé, a-t-elle jamais été si mauvaise que ça ?).
Il a décidé de se passer d'elle ? Très bien, c'est son choix, c'est son droit, mais alors, désolée : qu'il assume. Qu'il se débrouille. Et qu'il aille se faire voir.
- Eh bien, ma chère Geerty, je regrette de ne pas avoir de meilleures nouvelles à transmettre, mais vous direz à Monsieur le Comte que Madame la Comtesse est vraiment désolée, mais qu'elle n'a pas de temps à lui consacrer. Elle a largement de quoi s'occuper. Transmettez-lui les meilleurs vœux de rétablissement de Madame la Comtesse.
Elle est sur le point d'ajouter : et dites-lui bien qu'elle a entière confiance dans l'entourage qu'il s'est choisi, mais elle se retient juste à temps. L'allusion est trop directe, et elle ne veut pas lui faire ce plaisir. Ce n'est pas de simple jalousie qu'il s'agit ici.
Ce n'est pas un problème de rivalité qui, en fait, n'existe même pas. Ses deux remplaçants ne se sont jamais posés en concurrents vis-à-vis d'elle. Ils n'ont jamais eu l'intention de démontrer à qui que ce soit qu'ils valaient mieux qu'elle dans leur domaine. Ils ne se sont même jamais manifestés - s'ils l'avaient fait, elle l'aurait immanquablement su. Ils étaient, tout comme elle, surpris par la décision qu'il venait de prendre. Ils en étaient même consternés. Elle l'a bien vu sur leurs visages. Ils pensaient, tout comme elle, que certaines prérogatives lui étaient naturellement réservées. Personne ne s'attendait à ce qui s'est passé - ni eux, ni elle, ni qui que ce soit d'autre.
Non. Il ne s'agit ni de jalousie, ni de rivalité, ni de concurrence. Toutes déplacées, de toute façon.
Il s'agit d'autre chose, et de bien plus grave.
Elle ne le laissera pas dégrader la chose en simple jalousie - probablement "féminine" de surcroît.
Avant de quitter l'arène proprement et la tête haute, elle lui fera rentrer son affront dans la gorge, à ce renégat.
Geerty affiche une mine désolée, mais Mélusine lit de l'admiration et du respect dans son regard. Mais cette pauvre Geerty n'en soupire pas moins, car elle se prépare à être une fois encore la messagère qui va se faire tuer. Monsieur le Comte, celle qui va mourir te salue bien bas. Mais tu devras t'y faire : tuer le messager ne rend pas les nouvelles meilleures.
Musique : Intrepidus - Steven Ceballos
Épisode 37 : Alliance objective
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos