Épisode 71 : Folie
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Épisode 71 : Folie
Mélusine a toujours été une comtesse très occupée. C'est sans doute cela qui lui a permis d'encaisser les hauts et les bas de son mariage et de sa relation avec Siegfried, et de continuer quand même sa route envers et contre tout. Elle a une place à occuper et un rôle à jouer, une fonction à remplir. Qui sont tous les siens quoi qu'on en dise. Son existence ne perdrait pas tout son sens si un jour Siegfried devait en sortir. Même si c'est bien lui qui lui a donné ce sens au départ. C'est peut-être ça, après tout, avoir un destin. C'est peut-être ça, être guidé d'en haut, comme disent les humains ?
Mais destin ou pas, guidance ou pas, libre ou pas, apte à survivre ou pas, quoi que qui que ce soit en dise, quand Siegfried souffre, Mélusine souffre aussi. Malgré elle parfois. Malgré elle souvent.
Ils ont renoué, certes. Mais les choses ne sont pas redevenues comme avant. Rien ne redevient jamais vraiment comme avant. Elle le sait à présent.
Siegfried n'a jamais arrêté de se torturer physiquement. Si les choses ont changé en la matière, c'est plutôt pour le pire. Toujours cette même histoire d'expiation à laquelle elle ne comprend rien et sur laquelle il ne s'explique pas.
Mais maintenant, les choses montent encore d'un cran en gravité. Peut-être même de deux.
Elle retrouve de plus en plus souvent Siegfried étendu tout habillé sur le lit, inconscient plutôt qu'endormi, à n'importe quelle heure du jour. Inconscient plutôt qu'endormi, parce qu'elle a beau lui caresser doucement la joue ou bien y déposer quelques baisers, il reste de marbre, sans réaction. C'est elle qui le change, qui le met à l'aise en vêtements de nuit, en douceur, qui ramène sur lui des couvertures pour lui tenir chaud. Autant changer une poupée de chiffons. Elle sait que ce sont deux domestiques qui le ramènent sur un brancard. Elle a des échos de crises de rage, de hurlements, d'objets cassés. Parfois - de plus en plus souvent - elle aussi remarque des blessures sur ses mains et sur sa tête, qu'elle soigne et panse. Personne ne sait au juste ce qui se passe, mais personne n'ose entrer dans la pièce où il se trouve quand ces crises ont lieu. Tout le monde a peur. On l'entend crier, mais personne ne comprend au juste ce qu'il crie. Personne ne sait même s'il s'agit ou non de propos intelligibles. Elle a déjà consulté le physicien, qui n'y comprend rien mais qui, juste pour dire quelque chose et pour tenter de rassurer son monde plus ou moins comme il le peut, met ces crises sur le compte d'un quelconque surmenage. Elle a aussi relevé au passage, en mode espionnage ou juste en surprenant occasionnellement les conversations du personnel, ce surnom de "Siggi le Fou" qui commence apparemment à circuler sur son compte. Elle n'a encore jamais eu l'occasion d'être témoin de ces scènes ni même de les entendre de loin, mais elle en voit les effets et ils sont loin d'être rassurants.
Jusqu'au jour où le hasard lui fait parcourir les couloirs du château au bon endroit au bon moment...
Musique : The Gathering of the Clouds - Howard Shore
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos