Tragique réalité
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Tragique réalité
Il fut un temps, cette même rue était bondée. Les gens se bousculaient. Les marchants jouaient à celui qui criait le plus fort pour attirer les clients. Les étals étaient haut en couleur, pour le plus grand plaisir de nos yeux. Dans l’air, flottait une odeur sucrée de pâtisserie mêlée au doux parfum du café fumant. J’aimais cette ambiance. Perché sur un toit, je regardais pendant des heures ce spectacle incessant. Mais jamais je n’ai osé y descendre. J’ai toujours préféré le calme de ma cachette.
Aujourd’hui, tout me semble différent. Les couleurs sont plus vives. Les odeurs plus tenaces. Les gens plus silencieux. Plus aucun étal. Plus aucun marchant. Seulement des enseignes lumineuses et le ronronnement des drones qui inspectent les rues. Car il faut éviter tout débordement. Il ne faudrait pas qu’il y ait le moindre attroupement, la moindre distraction.
Le changement a été si soudain. Il a fallu une guerre. Une prise de pouvoir éclaire pour voir nos vies basculer. Nous n’avons pas eu le temps de réagir. Et même si nous l’avions eu, aurions-nous résisté ? Je n’en suis pas si sûr… Nos esprits sont devenus malléables grâce à la télévision et autres médias, nous rendant dociles. Obéissants. Il n’y a qu’à regarder ces quelques badauds dans la rue, les épaules voûtées, observants niaisement les jeux de lumières. Ils ont accepté leur sort sans la moindre insurrection. Troquant leur liberté contre un laisser-passer. Quelle tragique réalité…
Texte de L. S. Martins (15 minutes chrono, sans relecture).
D'après Image par gene1970 de Pixabay : Ville Nuit Futuriste - Photo gratuite sur Pixabay