Panodyssey - Le Prince Noir

Le Prince Noir

Pubblicato 23 giu 2025 Aggiornato 23 giu 2025 Paranormal romance

4 min

Ce soir, je savourais mes derniers instants de liberté et peut-être même de joie, d'une certaine façon. Non pas que j'ai déjà été aimée et choyée, mais jusqu'ici, j'avais toujours eu une certaine autonomie. À travers le silence et l'indifférence. Unique enfant du couple royal, il aurait été juste de présumer que je serais gâtée, couvée, mais la réalité est tout autre...

Depuis ma naissance, j'étais maudite et détestée. Abominée pour la mort prématurée de mon jumeau. Exécrée pour la douleur de ma mère qui ne pourra plus jamais enfanter. Abhorrée pour mon sexe et mon inutilité au pouvoir. Mon père ne m'avait jamais serrée dans ses bras, jamais câlinée, incapable de me regarder sans ressentir le besoin de me faire souffrir. Simplement parce que j'avais survécu et pas mon frère, son héritier. Sa fierté.

Mon enfance n'avait été qu'une succession de nourrices, bien trop occupées à satisfaire leur Roi, pendant que leur Reine sombrait chaque jour un peu plus dans l'obscurité de sa chambre. Ne sortant que pour de rarissimes occasions. Aucun de mes parents ne s'était jamais soucié de moi, sauf pour mon éducation. En tant que princesse, je me devais d'être cultivée. Peu importe que je ne parlais à personne en dehors des serviteurs du château. Que je ne sortais pas de cette prison et que je mourrais probablement ici sans avoir eu la chance de goûter à la liberté.

— Que faites-vous ici, jeune Iria ? Ils vous attendent dans la grande salle.

John. Le chef de la garde de mon père. Un homme impressionnant qui, sous ses airs d'ours mal léché, cachait un cœur en or. Il était la figure paternelle que je n'avais jamais eue. D'aussi loin que je me souvienne, il avait toujours été attentionné avec moi. Veillant à ce que je ne manque de rien. Dès l'âge de 6 ans, alors que je me faufilais chaque matin dans les jardins pour espionner les guerriers qui s'entraînaient, il gardait un œil sur moi pour que personne ne me fasse de mal. Et chaque soir, alors que je répétais les mouvements devant un miroir, il m'aidait et me conseillait.

J'étais assise sur le bord d'une fenêtre, aspirant à pouvoir m'échapper. Bercée par le chant des oiseaux, je n'avais pas vu le temps passer. Mes parents devaient probablement me chercher. Lorsque je levais les yeux vers John, je pus lire toute sa tristesse sur son visage marqué par le temps et les batailles.

— C'est l'heure ?

Ma voix était lasse. Un simple murmure, mais je savais qu'il m'avait entendu. Il acquiesça d'un simple hochement de tête avant de me proposer son bras. Je me levais, lissais le jupon de ma longue robe verte avant d'accepter son soutien. Le courage me manquait. Je n'étais pas prête pour ce qu'il m'attendait derrière l'imposante porte. Mon avenir. Mon destin...

Depuis quelques années, nous étions en guerre contre le Sud. Les combats faisaient rage aux frontières, décimant des villages entiers. L'ennemi ne faisait preuve d'aucune pitié. D'après John, nous avions perdu beaucoup de nos gens et de nos soldats. Notre territoire s'appauvrissait et, sans un accord de paix et une promesse d'alliance, nous n'avions aucune chance.

Une promesse d'alliance avec le Prince Noir. Un homme cruel et froid qui n'avait pas hésité une seconde avant de trahir son propre père pour monter sur le trône. Les rumeurs affirment qu'il avait tué sa première compagne pour lui avoir donné une fille comme premier enfant. J'ignorais si je devais le croire. Mon cœur s'y refusait, mais mon esprit... Je luttais contre l'angoisse qui me coupait la respiration. Même l'odeur de John, un mélange cuir et fumée qui n'appartenait qu'à lui, ne me calmait pas.

Ma première rencontre avec le Prince Noir remonte à plusieurs années déjà. Peu de temps avant le début de la guerre. Je venais d'avoir 18 ans. Un bal avait été organisé. L'occasion pour mes parents de me vendre au plus offrant. Je me souviens avoir dansé avec lui. Je pouvais encore sentir sa main posée sur ma taille, son souffle chaud sur ma joue. Et son parfum... vanille et bergamote. Épicé et viril. Je m'étais laissé aller entre ses bras puissants, le cœur battant la chamade.

J'avais appris plus tard qu'il avait proposé quelques terres en échange de ma main, mais mon père avait refusé. Il en voulait davantage, prétextant que son unique héritière valait plus qu'une centaine d'hectares de forêt. Même si cette forêt enchantée regorgeait de nombreux trésors.

— Enfin !

Le père s'approcha de moi et attrapa par le poignet pour me tirer derrière lui. Il m'entraîna au centre de la pièce sans un regard pour moi.

— Elle est ta responsabilité à présent, vociféra-t-il en me poussa devant le Prince Noir. Tu peux en faire ce que tu veux, tant que tu me promets de ne plus franchir nos frontières et d'attaquer mes terres.

À genoux sur le sol froid, la tête baissée, je ne m'avisais de dire mot. Je savais d'expérience que riposter quand mon père était dans un tel état de colère ne servait à rien. J'en avais déjà fait les frais plus d'une fois et je ne souhaitais pas tenter ma chance aujourd'hui. Pas avec un second monstre dans la pièce.

Contre toute attente, je sentis deux mains puissantes me saisir la taille et me redresser. Je levai les yeux et ne pus retenir un hoquet de peur lorsque je vis la colère sur le visage du Prince Noir. Les sourcils froncés, les mâchoires serrées et les narines dilatées. Il se retenait pour ne pas exploser, pour ne pas libérer la bête qui sommeillait en lui. J'aurais dû être effrayée, mais étrangement, je me sentais en sécurité. Plus que je ne l'avais jamais été. Et alors, je me mis à espérer. À rêver d'un futur lumineux. Un avenir où je pourrais être aimée. Être désirée...

Texte de L. S. Martins (30 minutes chrono, sans relecture).

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