Une sombre affaire
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Une sombre affaire
Foutue ville. Foutue époque. Les meurtres s’accumulaient. Les violences se répétaient. Et personne ne semblait vouloir y faire quelque chose. Les forces de l’ordre étaient dépassées et les détectives, comme moi, ne travaillaient que pour l’argent. Pas de client, pas d’enquête. C’est comme ça que ça marche ici.
Pourtant, depuis quelques jours, je ne pouvais m’empêcher de repenser à cette sombre affaire. Au corps de cette pauvre femme retrouvée dans les rues de Paris. Une anonyme qui avait eu le malheur de croiser le chemin d’un fou. D’un psychopathe qui aimait jouer de la lame. Elle avait été mutilée post-mortem d’après l’article : on lui avait rasé les cheveux, dessiné un sourire d’ange à l’aide d’un scalpel et fait de multiples lacérations sur le torse et les jambes. Puis il l’avait déposé sur les pavés et allumé quelques bougies de cire noires qu’il avait disposées tout autour d’elle. Une mise en scène macabre et audacieuse. Le tueur avait pris son temps, soigné son travail, au risque d’être surpris.
Je faisais les cent pas dans mon misérable bureau, jouant avec ce pistolet antique dont j’avais hérité de mon grand-père. Une vieille pétoire qui faisait office de décoration depuis des années sur mon unique étagère et qui un jour me sauverait la vie – mais ceci est une autre histoire !
Je connaissais parfaitement ce genre de type. Le tueur n’en était pas à son premier coup d’essai et n’allait certainement pas s’arrêter là. Un coup de fil à mon ami journaliste et je détenais enfin ma réponse : trois autres corps avaient été retrouvés dans les villes voisines. Même mode opératoire. Même mise en scène. C’était lui, aucun doute possible.
- Toc, toc.
Alex. Après mon appel, il avait rassemblé toutes ses notes et avait couru jusqu’ici. Il n’avait pu s’en empêcher. Il jeta son dossier sur mon bureau, un sourire aux lèvres, fier de lui.
- Hors de question de confier mon travail à un coursier ! Et je veux être aux premières loges quand tu vas coincer ce taré !
J’aurais dû m’en douter. Alex n’avait jamais résisté à un mystère. Déjà enfant, sa curiosité lui avait causé pas mal de problème, mais heureusement pour lui, j’étais toujours là pour couvrir ses arrières.
- Bon, c’est qui ton client ? Un mari ? Un père ?
- Personne.
- Personne ? Arrête tes conneries, t’as jamais bossé gratuitement ! Merde, je t’apporte toutes les informations sur cette enquête et toi, tu ne me donnes rien à ronger. Tu déconnes ?
- Je t’assure, Alex. Je ne plaisante pas. Je sais pas… Cette dernière victime m’a touché. J’ai besoin de résoudre cette affaire pour elle. Je dois arrêter ce psychopathe.
Alex me regardait fixement, comme si je venais de révéler un truc improbable. Et je ne lui en voulais pas. Je n’avais jamais été du genre altruiste ni même sentimental.
- Ok, je n’insiste pas. Mais à partir d’aujourd’hui, je ne te quitte pas d’une semelle. Cette affaire me vaudra le Pulitzer !
Je m’enfonçai dans mon fauteuil et tirai sur ma pipe. Le Pulitzer… Alex savait pertinemment que ce prix n’existait pas en France. Que jamais il sera récompensé pour son talent. Au mieux, il aura une tape dans le dos de son rédacteur en chef, mais il s’en fichait. Il ne cherchait pas la reconnaissance. Lui, il ne vivait que pour l’aventure. Le grand frisson. Et cette affaire allait lui procurer exactement ce qu’il attendait.
Texte de L. S. Martins (25 minutes chrono, sans relecture).
D'après Image par Sam Williams de Pixabay : Mystérieux Mafia Gangster - Photo gratuite sur Pixabay