Un spectacle irréel
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Un spectacle irréel
Après tout ce que je venais de vivre, ce spectacle me semblait bien irréel. Allongée dans l’herbe fraîche, je tentais de recouvrer mes esprits. De donner un sens à ces événements qui s’étaient enchaînés ces dernières vingt-quatre heures… Par où commencer ?
Lundi matin, je n’étais encore qu’une jeune instit préparant sa première rentrée des classes. Des CM1. Mon unique préoccupation ? Être à la hauteur. La boule au ventre et la gorge serrée, je m’étais rendu dans ma classe une heure avant l’accueil des élèves pour faire mes dernières photocopies, écrire sur le tableau noir un message de bienvenue et ranger mon bureau. Tout devait être impeccable.
9 heures. Les enfants rentraient dans la salle en silence, un peu surpris de découvrir une nouvelle tête. Je les entendais chuchoter et se demander qui j’étais.
9 heures 10. Tout le monde était installé. Les trousses sur les tables. Les sacs dans les casiers. Les yeux rivés sur moi. D’une voix tremblante, je pris enfin la parole pour me présenter et leur annoncer ce que nous allions faire cette année. Les projets prévus, les sorties, le programme. Ils semblaient assez satisfaits. Les questions fusaient : « Est-ce qu’on va faire de la piscine ? » , « On va avoir le droit de monter une chorale ? » , « Quel est le jour allons-nous nous rendre à la bibliothèque ? » , etc.
Je m’apprêtais à leur répondre, lorsque la porte s’ouvrit avec fracas. Un inconnu déboula dans la classe, suivit par le directeur. L’étranger se posta devant moi pour me demander :
- Mademoiselle Froya ?
- Euh… oui…
- Bien. Suivez-moi !
- Mais… et les élèves ? Je ne peux pas les laisser seuls…
- Je vais m’en occuper, Stéphanie. Ne vous inquiétez pas, bredouilla le directeur.
Je n’avais eu guère le choix. L’homme me prit par la main m’incitant à le suivre à travers les couloirs de l’école. Arrivé dehors, il ouvrit la porte de sa voiture, plaqua sa main sur ma tête et m’obligea à m’y asseoir. Qui était-il ? Que me voulait-il ?
Il prit place devant le volant et démarra sans attendre. Après quelques minutes de mutisme, malgré mes incessantes réclamations, il me lança un regard indéchiffrable avant de m’annoncer :
- Désolé pour ces manières quelque peu rustres, Mademoiselle Froya. Vous étiez en danger.
- En danger. Moi ? Je sais bien que les gamins de cet âge ne font pas de cadeaux, mais de là à dire que j’étais en danger…
- Je suis extrêmement sérieux…
Une violente explosion souffla la moitié du quartier, dont l’école dans laquelle nous nous trouvions, il y avait encore quelques minutes.
- Les … les enfants… mes collègues…
- Vous ne pouvez plus rien pour eux. C’est fini. Nous devons vous mettre à l’abri le plus rapidement possible.
- Mais pourquoi ? Que se passe-t-il ?
- Vous souvenez-vous avoir donné votre sang en janvier dernier ?
- Oui. Bien sûr… Mais quel est le rapport ? Je ne comprends rien…
- Eh bien… Nos scientifiques ont découvert une mutation extrêmement rare chez vous. Vous pourrez bien être la clé de notre survie.
- De notre survie ?
- Ce serait trop long à expliquer, mais voilà ce que je peux vous dire : d’ici quelques semaines, un virus va se propager sur la planète. Un virus mortel. Seules quelques personnes survivront, dont vous. Et nous pensons que c’est grâce à cette mutation.
- Attendez. Je ne comprends pas. Comment savez-vous pour le virus ? Et pourquoi chercher à me tuer si grâce à cette anomalie génétique, je suis immunisée ?
- Justement, parce que vous être immunisé… Je ne peux pas vous expliquer comment nous avons obtenu cette information…
- Alors, vous m’enlevez et vous me demandez de vous croire sur parole ?
- Je viens de vous sauver la vie, Mademoiselle Froya !
- Ah oui ? Vraiment ? Et qui me dit que ce n’est pas vous qui avez posé cette bombe ? Je veux sortir. Arrêtez-vous !
- Impossible ! Pardonnez-moi…
Je compris ces derniers mots lorsque je sentis une terrible brûlure se diffuser dans mon épaule. Un anesthésiant…
Lorsque je revins à moi, la tête me tournait. Une envie de vomir me tordait les tripes et un besoin pressant m’indiquait que j’étais restée dans les vapes un bon moment. Je me trouvais dans une pièce blanche totalement aseptisée, équipée d’un lit sur lequel j’étais allongée et des instruments étranges. Un bloc opératoire, peut-être. Les néons renvoyaient une lumière blafarde qui me brûlait les yeux. Et pas un bruit. Le silence absolu.
Je me levais pour prendre la direction de la sortie. La porte était entrouverte donnant sur un long couloir sombre. J’avançais à tâtons. J’étais totalement perdue. Que s’était-il passé ? Où étais-je ?
Je perçus un vent frais me caresser le visage. Un courant d’air chargé d’une odeur agréable de printemps. Un espoir me submergea. Je me précipitai vers l’extérieur et ce que je découvris me fit froid dans le dos.
J’étais seule, au centre d’un complexe militaire, entourée de centaines de corps sans vie. Des soldats, avec tous la même expression de terreur. Les yeux ouverts, les lèvres bleues, du sang coagulé sortant de leurs narines et leurs oreilles. Le virus dont m’avait parlé cet inconnu ? Impossible. J’étais endormie depuis quelques heures. Pas plus…
Un mouvement dans le bâtiment en face attira mon intention. Un survivant ? Peut-être pourrait-il m’expliquer.
Malheureusement, le temps que je fasse le tour, il avait disparu. Aucune trace. Seuls des communiqués et des journaux éparpillés sur un bureau. J’avais dormi vingt-quatre heures ! Vingt-quatre heures durant lesquelles un virus avait anéanti le genre humain… Il avait d’abord frappé les grandes villes, puis s’était répandu un peu partout.
Je ne pouvais y croire. C’était impossible. Les yeux embués de larmes, je courrais le plus loin possible de cette forteresse morbide. Et, à bout de souffle, je m’écroulais dans l’herbe fraîche… Le ciel était splendide. Teinté de différentes nuances dorées. Les rayons du soleil jouant avec les nuages. Presque irréel…
30 minutes chrono, sans relecture.
Texte de L.S.Martins
Image par Gerd Altmann de Pixabay : Ciel Nuages Se Forment Les - Photo gratuite sur Pixabay