Le Groupe (The Group, Sidney Lumet, 1966)
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Le Groupe (The Group, Sidney Lumet, 1966)
"Le Groupe" c'est le "8 Femmes" (2002) de Sidney LUMET mais dans un état d'esprit totalement différent de François OZON. Il ne s'agit pas de s'amuser avec les mythes du cinéma à la façon d'une partie musicale de Cluedo mais de dépeindre l'état d'une société à une époque critique de son histoire (les années 30 et le début des années 40) au travers d'un panel de jeunes femmes que l'on découvre dans les premières images fraîchement diplômées d'une prestigieuse université prêtes à conquérir le monde mais que l'on retrouve près d'une décennie plus tard dans un cortège funéraire à l'occasion de l'inhumation de l'une d'entre elles. Autrement dit "Le Groupe" aurait pu s'intituler "Les grandes espérances déçues" tant le désenchantement y est palpable. Un désenchantement individuel et collectif qui raconte d'ailleurs mieux les années 60 (celles de la réalisation du film) que les années 30 (époque à laquelle celui-ci est censé se dérouler). Le talent de Sidney LUMET à mettre en scène des films choraux (ici au féminin) se vérifie dans l'analyse sans concession qu'il fait des relations entre les jeunes femmes du groupe. Il met bien en évidence par exemple la contradiction entre une solidarité affichée et la profonde solitude qui est réalité le lot de chacune des filles, aucune ne se montrant aux autres son vrai visage, d'autant que la bienveillance affichée dissimule son lot d'hypocrisies et de commérages. Si au début on a du mal à distinguer qui est qui d'autant que certains des membres du groupe portent des surnoms à consonance proche (Lakey/Libby, Pokey/Polly), la façon dont il agence l'individuel et le collectif ainsi que des analyses de caractère assez poussées fait qu'on a une idée assez précise de chacune d'elle à la fin. Pour ne prendre qu'un exemple*, il met subtilement en relation deux des filles du groupe, Kay et Lakey (encore deux prénoms/surnoms aux consonances proches). La première (Joanna PETTET) est mise en avant dès les premières images (qui montrent son mariage avec Harald) alors que la seconde (Candice BERGEN) au contraire est laissée dans l'ombre avant de disparaître en Europe une bonne partie du film. Il faut attendre la fin et l'explication orageuse entre Lakey et JR (ou plutôt Harald mais comment ne pas penser au personnage de la série "Dallas" (1978) en voyant Larry HAGMAN dans un rôle de mari volage et violent, alcoolique de surcroît) pour comprendre qu'il existait une alternative à l'enfer conjugal vécu par Kay mais qu'il ne pouvait se vivre que hors du champ de la caméra. Est-ce d'ailleurs un hasard si dans le cortège funéraire, Lakey qui ferme la marche est la seule à conduire sa propre voiture qui est de plus découverte et d'un rouge éclatant (alors que les autres sont noires évidemment)?
*La richesse du film (qui dure 2h30) se mesure justement à celui de ses portraits. Il y aurait également de quoi dire sur Priss (Elizabeth HARTMAN) qui espère promouvoir les idées progressistes des démocrates et se retrouve comme elle le dit elle-même "objet d'expérience" d'un homme républicain qui s'approprie son corps en lui faisant des gosses à la chaîne et en l'obligeant à nourrir au sein alors qu'elle ne le peut pas ou encore sur Polly (Shirley KNIGHT) qui se retrouve à jouer l'infirmière et la confidente de son père maniaco-dépressif et d'un homme marié qui utilise la psychanalyse pour s'exonérer de ses responsabilités ou encore sur Libby (Jessica WALTER) la cancanière du groupe qui se la joue vamp mais ne supporte pas d'être touchée par un homme.