Tabou (Gohatto, Nagisa Ôshima, 1999)
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Tabou (Gohatto, Nagisa Ôshima, 1999)
Dernier film de Nagisa Oshima, « Tabou » se situe dans la continuité de « Furyo » en continuant d’explorer les ravages que le désir homosexuel suscite dans des communautés fermées de guerriers. Se déroulant au XIX° siècle contrairement à « Furyo » qui se déroulait pendant la seconde guerre mondiale, il met en scène la danse de désir et de mort qui se développe autour de Kano, un jeune samouraï androgyne dont la beauté envoûtante ne laisse personne indifférent. Même ceux qui semblent les plus imperméables sont déstabilisés, tels le commandant Isami Kondo et le capitaine Toshizo Hijikata. Je n’ai pas « ce penchant » disent-ils, comme pour se justifier avant de s’en aller patauger dans la brume ^^. Plusieurs moments humoristiques montrent qu’aucun samouraï n’est à l’abri de ce « penchant », y compris ceux qui revendiquent haut et fort leur hétérosexualité. Kano est d’autant plus mystérieux et fascinant qu’il ne se départit jamais de son masque d’impassibilité que ce soit face à Eros ou à Thanatos. Son visage est une page blanche sur lequel chacun peut projeter ses fantasmes. La continuité avec « Furyo » est également assurée par le retour de Ryuichi Sakamoto à la musique et de Takeshi Kitano dans le rôle du capitaine.
Dans « Tabou » comme dans « Furyo », Oshima montre le caractère profondément subversif du désir qui menace de détruire toute une communauté bâtie sur des règles strictes qui se veulent intangibles et immuables mais ne résistent ni au désir, ni au temps. Kano, le seul samouraï vêtu de blanc (symbole de mort au Japon) est un ange exterminateur annonciateur de la fin du Shogunat. L’histoire se déroule en effet en 1865 soit deux ans seulement avant la révolution Meiji qui abolira le système féodal japonais et sa caste de samouraïs. Cette « chute » est admirablement suggérée par un plan final d’anthologie quand le capitaine tranche d’un seul coup de sabre le tronc d’un cerisier en fleurs, le symbole même de l’impermanence au Japon.
« Tabou » est également un film superbe sur le plan esthétique que ce soit par la musique, le choix des couleurs, les chorégraphies ou la composition des cadres. Le film se déroule à plus de 90% dans le huis-clos très cadré du temple Nishi-Honganji de Kyoto mais la scène de fin très onirique se déroule dans un univers fantomatique nocturne et marécageux qui n’est pas sans rappeler le marigot sensuel et vénéneux des premières séquences de « l’Aurore » de Murnau.