Le miroir noir
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Le miroir noir
Le miroir noir, objet du monde occulte utilisé lors de rituels magiques... Certains prétendent qu’il est une fenêtre vers l’au-delà permettant aux sorcières d’apercevoir les morts. D’autres soutiennent qu’il s’agit d’un artefact puissant servant à piéger les âmes. J’ai même entendu dire que ce miroir pouvait être un outil utile aux diseuses de bonne aventure pour percer les mystères de l’avenir. Foutaises auxquelles je ne peux consentir à croire. Mon esprit cartésien ne peut accepter de telles choses. Sorcellerie, divination, astrologie…, autant de mots pour nommer ces supercheries. Et pourtant…
Voilà plusieurs jours, je suis entré dans une boutique d’ésotérisme. Moi le pragmatique au beau milieu de tous ces objets qui ne sont autres que des attrape-nigaud, quel tableau étrange ! Pourquoi avoir pénétré ce temple de l’absurde ? Pour glaner des informations sur les mythes et légendes liés à Halloween. Cette année, j’étais bien décidé à ne pas passer pour un inculte auprès de mes amis lors de cette fête païenne ridicule.
Mais une fois à l’intérieur, j’eus une curieuse sensation. Celle de ne plus être réellement maître de mes pensées. Un objet m’appelait. M’envoûtait. Un splendide miroir noir de style baroque. Il m’était parfaitement impossible d’en détacher le regard. J’étais comme hypnotisé par ses courbes magnifiques.
- Il semble avoir enfin désigné son nouveau propriétaire.
Le vendeur s’était approché de moi sans un bruit. Le regard sombre, les traits tirés, un sourire pervers dessiné sur le visage. Il faisait presque peur.
– Comment ? Euh… Quoi ?
Je n’étais pas certain de comprendre ce qu’il sous-entendait. Son nouveau propriétaire ? Moi ?
– Le miroir. Il vous a choisi. Il est à vous, désormais.
Sans me laisser le temps de répondre, il le décrocha du mur et me le tendit. Je le pris sans hésitation. J’avais étrangement besoin de le toucher.
– Non… bredouillai-je. Non, merci. Je n’ai pas l’intention de l’acheter…
Malgré mes paroles qui se voulaient convaincantes, je ne pouvais me résoudre à le lâcher ni à le quitter des yeux.
– Oh, mais il n’est pas à vendre. Ce genre d’objet magique ne se monnaie pas. Lorsqu’il a choisi son maître, inutile de lutter. Ce serait trop dangereux. Il est extrêmement puissant…
Après de longues heures, je me trouvais sur le trottoir en face de ce mystérieux magasin. Les minutes avaient défilé sans même que je ne m’en aperçoive. Mon trésor sous le bras, précautionneusement emmailloté dans un fin tissu de soie noire, je n’avais qu’une hâte : m’asseoir pour mieux le contempler.
De retour chez moi, je le mis à la place de l’un de mes tableaux de maître. Celui posé sur le manteau de ma cheminée. Face à mon fauteuil favori dans lequel j’aimai me délasser un verre de Brandy à la main. Un chef d’œuvre parfaitement mis en valeur… Je m’installai confortablement pour admirer cette merveille.
Une fumée blanche délicate se mit à danser rien que pour moi. Un spectacle hypnotisant. Le visage d’une magnifique adolescente se dessina peu à peu. Quelle créature envoûtante ! Elle me sourit et le temps se mit à défiler à toute allure. Son joli minois prit les traits sévères d’une femme mature, puis ceux d’une vieille dame acariâtre. Elle me regarda droit dans les yeux, d’un regard glacial. Puis, dans un cri effroyable, elle s’évapora en une silhouette fantomatique…
Une angoisse épouvantable me saisit. Mon cœur battait la chamade. Je me sentais soudainement très faible, comme si toute mon énergie, toute ma vie…, avait été aspirée. J’aperçus alors un reflet…, celui d’un homme âgé. Les yeux las et tristes. Le teint terne. Des rides profondes creusant son visage. Un visage qui ne m’était pas inconnu… Mon visage. Que s’était-il passé ? Que m’était-il arrivé ?
J’essayai de me redresser, en vain. Mes jambes tremblaient, comme tout le reste de mon corps. Une douleur effroyable me serra la poitrine. Je m’écroulai sur le sol froid et poussiéreux, le regard vide perdu dans le noir onyx de cet obscur miroir. Sans vie…
Aujourd’hui, je suis son prisonnier. À jamais condamné à vous observer nuit et jour derrière cet écran sombre. Vous qui me regardez fixement sans réellement me voir. Vous qui bientôt me rejoindrez…
Texte de L.S.Martins (30 minutes chrono, sans relecture).
Image par Simon Giesl de Pixabay : Crâne Miroiter Horreur - Photo gratuite sur Pixabay