Persistance d’une mélodie : Redoutable.
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Persistance d’une mélodie : Redoutable.
Après quelques essais peu concluants, Véronique Sanson publie son premier album, Amoureuse, produit par Michel Berger, son compagnon d’alors. Nous sommes en 1972. le second album, De l’autre côté de mon rêve, est déjà presque prêt, il sortira la même année. Mais la jeune chanteuse décide de s’échapper. Elle sort acheter des cigarettes, le coup classique, presque trop cliché pour être vrai, et saute dans un avion qui l’emporte de l’autre côté de l’Atlantique, à la rencontre de David Stills (de Crosby, Stills and Nash) avec qui elle aura bientôt un fils, Christopher.
Elle ne revient plus en France qu’épisodiquement pour quelques concerts. Avant de s’en aller, c’était une jeune chanteuse un peu mal-à-l’aise sur scène, qui passait en première partie d’autres musiciens, le temps de quelques chansons. Ces quelques années à côtoyer les grands studios américains, petite bonne femme au milieu des requins, l’ont transfigurée. Elle s’est épanouie et affirmée. Elle peut dorénavant remplir une salle entière à elle seule, comme si les contours de son corps avaient débordé. Au cours de ces années, elle fait paraître trois albums studios : Le Maudit (1974), Vancouver (1976) et Hollywood (1977) ainsi qu’un Live At The Olympia (1976). Chaque titre évoque sa propre errance, entre chaos et cohésion.
En réalité, ce concert de 1976 à l’Olympia n’est pas son coup d’essai. En 1975, elle s’était déjà produite sur la scène mythique. La performance avait été enregistrée mais n’était jamais parue. Le live n’a été édité que récemment, sous le titre Olympia 75. Pendant le concert, Véronique Sanson présente un nouveau morceau :
« Cette chanson que je vais vous chanter, je l’ai fait (sic) il y a trois jours dans la nuit (re-sic) et je voulais vous la chanter. C’est triste. (petit rire gêné) ». Il s’agit de Redoutable, morceau à paraître sur le prochain album (Vancouver), ce sera même la face B du 45 tours en France. Sans être à l’état de brouillon, le morceau joué ce soir-là est encore imprécis au niveau des paroles, la chanteuse teste, mais la mélodie au piano est bien là, et ne bougera plus, épaisse, intense, mouvante et immuable dans le même temps, égrenée sur toute la hauteur du clavier. Entre la version live et la version définitive, certains mots vont changer, certains pluriels (« mes sourires ») se transforment en singulier (« mon sourire »), « mon enfer est insupportable » devient juste « l’enfer est insupportable ». Certaines phrases vont tout simplement disparaître : « la douleur est ineffable », par exemple. Il faut dire que le mot « ineffable » n’est pas évident à placer dans une chanson pop, même de la part de Véronique Sanson, pourtant capable d’écrire et de chanter par ailleurs :
« Si seulement je fais une chanson gaie
Juste une seule fois dans ma vie » (Un peu plus de noir).
Rien que de très joyeux en somme :
« Si tu me sens
Avoir des idées de mort
Tu sais très bien que mon cœur est mort »
« Tu m’as rendue redoutable »
« Si je me donne
C’est pour leur voler leur âme »
C’est assez beau comme toujours.
Véronique Sanson a récemment repris ce titre en duo avec Hubert-Félix Thiefaine. Le chanteur au ton traînant et vénéneux donne tout ce qu’il faut d’inquiétante étrangeté à ce morceau Redoutable.