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JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 14 avril

JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 14 avril

Publié le 14 avr. 2020 Mis à jour le 14 avr. 2020 Culture
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JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 14 avril

14 avril

Être seul dans un immeuble était prendre beaucoup de place. Je me forçais à culpabiliser, mais pas au point d’appeler par mes fenêtres des inconnus à venir s’y instal­ler. La philanthropie a ses limites : la circonspection et le confort personnel.

Je ne disais pas toujours tout dans ma chronique du mal. Se tenir éperdument distancié n’épargne pas tant que ça, je le constatais cruellement. Il arrivait tout de même dans tant de solitude que le cœur me manque au souvenir d’une ré­cente sortie. Le temps d’incubation du mal étant de quelques jours, j’avais largement de quoi de me la repro­cher comme une imprudence, même si elle était néces­saire, comme d’acheter mes yaourts à la fraise des bois, et à nouveau je nettoyais mes gants, mes souliers, tous les emplacements que j’avais pu toucher, grand ti­mide effaçant éperdument toutes les traces de son passage sur terre ou sorte de maniaque de la propreté pris au piège d’un crime sanglant, mais Lady Macbeth ne nettoierait jamais as­sez ses mains.

Mes réserves avaient étrangement fondu et j’en aurais volontiers accusé un gros rat de ma cave, si je n’avais su qu’il n’était d’autre rat que mon ennui. Par moments j’avais si peu le courage de sortir me réapprovisionner, que je me contentais de biscuits de mer et de tasses de thé à la bergamote plu­sieurs jours du­rant, ce qui me rendrait idéalement mince et en bonne forme quand le mal se présenterait.

Quand je ne grignotais pas des biscuits ou mes ongles, j’occupais mes loisirs à prendre ces notes où tenir à jour ce qui m’arrivait ou bien, par bonheur, ne m’arrivait pas à l’extérieur comme chez moi. C’était peu mais j’en tirais la plus grande partie de ces mémoires du mal, depuis mon séjour dans la fosse réaménageant au cours de mes loisirs ce qui avait été écrit dans mon blog, précisant un trait, en effaçant un autre sans pertinence, per­dant peu à peu toute trace d’un présent qui ne passait plus – ainsi revenant sur les brisées de ma vie dans l’après-fosse et la réécrivant sans cesse, conformément au nouveau tempo qui immobi­lisait la ville. Cela occupait. Quand j’y songe, s’il n’y avait rien eu d’autre à faire qu’écrire ou peindre, on aurait peut-être atteint un certain degré de civilisa­tion ou la méditation des cime­tières.

Nous en étions encore loin, ce point de vue n’était pas très partagé par des trompe-la-mort que je voyais déambuler par mes fenêtres à la nuit tombée. Je savais très bien ce qu’ils cherchaient, la mort ou une femme. Ce qui pouvait revenir au même. En somme ils allaient aux champignons par temps de pluie. Ils étaient amateurs de sols humides et des entonnoirs des Trompettes de la mort. Parfois c’étaient des girolles et par­fois l’amanite phalloïde. S’ils mouraient c’était avec pa­nache, à la française, et non pas racornis comme moi dans un coin de cuisine, suçotant les biscuits Têtes de mort de grises Halloweens.

 

à suivre dans :

http://impeccablemichelcastanier.over-blog.com

[Caravage]

 

 

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