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JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 11 juin 

JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 11 juin 

Publié le 11 juin 2020 Mis à jour le 11 juin 2020 Culture
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JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 11 juin 

11 juin

Il commençait à faire un peu trop chaud, comme d’habitude dans cette ville où tout ce qui n’est pas excessif ne présente aucun intérêt. Cela aussi dut agir sur les nerfs, car un grand nombre d’accidents furent signalés, un chiffre bien trop important pour n’être pas suspect, de là à parler d’une poussée d’actes criminels, je n’ai pas à entrer dans les détails. Ou si peu.

La trottinette a toujours été un danger, elle le fut plus que jamais, je ne peux croire aux lamentations publiques des responsables – hommes mûrs et de bonne condition – quand, sautés de l’engin de mort, ils s’agenouillaient devant leur victime, lui auscultaient le pouls et relevaient vers nous un regard embué de larmes, je savais, je savais reconnaître leur excitation secrète, la lueur de satisfaction ténébreuse au fond de leurs yeux, et leurs mains qui tremblaient étaient les mains du plaisir coupable.

Mais de cela, je parlerai à part.

J’abomine le sentimentalisme. Nombre d’entre nous furent submergés par le retour du mal, et particuliè­rement les plus vieux, qui ne possédaient pas suffisamment de défenses immunitaires, ainsi que nous l’expliqua la Faculté, très au courant. Comme s’ils n’avaient pas déjà suffisamment de soucis avec leur pauvre corps si fragile, il leur était demandé d’avoir en plus des anticorps, on n’en cesse­ra jamais avec les injustices de l’ingénierie. Ils moururent dans leur mai­son de vie ou dans une autre solitude bien pire, celle de leur lit où ils avaient tant aimé, quoique mal, mais com­ment leur en vouloir ? on ne leur avait pas appris, il aurait dû y avoir des écoles pour enseigner les bonnes manières des sentiments aux gens qui ne savent pas s’y prendre ou qui n’osent pas, les câlins qui rassurent, les gestes doux qui apaisent, les chuchotis tendres qui endorment la dou­leur, mais je n’insisterai pas, j’y reviendrai après m’être mouché. Je parle d’hystérie quand l’émotion déborde la raison, ce pourquoi j’ai en abomination le sentimenta­lisme, je viens de le dire.

De toute façon, je m’avoue vaincu d’avance, jamais je ne saurai rendre compte de toute l’horreur des évènements. À nouveau les rues se désertifièrent, le clignotement des ambulances bleuit à nouveau les vitrines sombres des magasins, la fosse commune se vida de son eau de pluie, et se remplit en conséquence d’une innommable tristesse. Il est probable, au vu de la vitesse de cette évacuation d’évier, qu’elle avait des racines et radicelles jusqu’au fond du Styx – ou peut-être communiquait-elle en circuit fermé avec la source pure des Jardins.

à suivre dans :

http://impeccablemichelcastanier.over-blog.com

[l’image est de Claude Serre]

 

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