Quelques mots du Roi Soleil.

Ces mots ne sont destinés à être lus de tous, je crains que beaucoup ne comprennent l’importance ni le sens de ce qu’il s’est réellement passé. Saint-Simon trouvera une habile manière de transformer le récit de ces terribles évènements en quelque façon qui sied à tous. Son talent pour arranger la vérité à sa convenance sera utile afin d’apaiser les esprits. Il est important que le calme revienne sur la Cour après toute l’agitation qui nous a tracassés.

Il faudra du temps pour panser les blessures, du temps et beaucoup d’énergie afin d’effacer le mal qui a été fait à notre grande nation. Mais je sais que la France se relèvera, qu’elle le fait déjà. Nous sommes un peuple fier et invincible comme nous l’avons prouvé sur le champ de bataille, face au reste de l’Europe. Je suis heureux que nous soyons parvenus à vaincre cet ennemi obscur qui, pendant des années, a œuvré dans l’ombre pour nous détruire.

Je destine ces mots à mes enfants, petits-enfants, aux futurs rois de France, afin qu’ils sachent quel danger nous avons affronté, qu’ils sachent de quoi est capable cet ennemi et comment nous avons réussi à nous en défaire. J’espère qu’à l’avenir, nous parviendrons à une sorte de paix, que ces batailles et ces pertes n’auront été vaines. Je crains néanmoins que l’ennemi trouve encore des forces dans l’avenir et que l’histoire puisse se répéter.

Connaissant la nature humaine et son inclination naturelle pour oublier les heures sombres de son passé, ce récit paraîtra sans doute absurde aux générations futures. D’autant qu’à présent, je réalise pourquoi tout ceci s’est produit maintenant, et que le risque pour le futur est moindre. Pourtant, pareil à l’animal blessé, plus les forces de l’ennemi diminuent plus il est dangereux. Je crains qu’il parvienne à rassembler ses dernières forces pour un ultime assaut. C’est pour cela qu’il m’est nécessaire d’écrire ces mots, et que j’espère qu’ils suffiront à prévenir de nouveaux dangers.

Mais peut-être qu’aucune autre bataille n’aura lieu, peut-être que l’ennemi va s’éteindre comme il disait le faire, peut-être que tout ceci n’a été que le chant de son agonie et qu’en somme, ce récit paraîtra étrange, fabuleux et inconcevable. Dès lors, peut-être doutera-t-on de sa véracité. Je préférais que ce soit le cas, mais je vous demande à vous, mes descendants, mes chers enfants, de ne pas détruire ce récit, de le conserver précieusement.

Conservez-le tel que je l’ai écrit, n’en trahissez le contenu, gardez-le comme un trésor qu’il ne faut partager et dont la lumière pourrait blesser les yeux. Il est des batailles qu’il faut taire, des ennemis dont il faut conserver l’anonymat, je doute que le peuple soit prêt à entendre de pareilles histoires. Les contes de fées les amusent lorsqu’il s’agit de récits au coin du feu, mais je crois qu’il vaut mieux taire les infamies dont sont capables ces créatures. Nous, le peuple français, refusons de nous laisser guider par la tyrannie, quelle qu’en soit sa forme et plus encore par la terreur. Je refuse qu’en ce Grand Siècle nous laissions l’obscurité gagner nos cœurs.

Et si l’ennemi choisit de ne point reparaître, alors, que cette histoire demeure ce qu’elle est : le récit de la dernière bataille de l’homme contre les créatures de la féérie.

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