CHAPITRE 60
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CHAPITRE 60
La Reine en deuil – Colère justifiée – Quelques idées jetées.
Bontemps reçut de nouvelles consignes : les traités devaient être rassemblés dans mon cabinet où nous allions les examiner. Pas seulement moi, mes ministres et mon frère seraient également présents. Je n’étais pas seul, je ne l’avais jamais été, et j’avais parfois tendance à l’oublier. La mort de mon fils m’avait profondément affecté, je ne devais perdre de vue la bataille suivante. Bontemps se mit en œuvre tandis que je pris la route des appartements de la Reine.
Celle-ci demeurait enfermée dans la quasi-obscurité. Ses petits chiens tentaient de la cajoler en vain, ses dames de compagnie gisaient prostrées ayant renoncé à raviver le cœur de leur Reine. Je chassai dames et chiens, ouvris grand les fenêtres afin d’y faire entrer l’air pur et froid du dehors, mais également la lumière. La Reine gémit en se réfugiant sous les draps. Je doutais qu’elle eût vu le soleil depuis un moment au vu de sa réaction. Je la pourchassai, l’attrapai et l’obligeai à me regarder. Elle se débattit, vainement, avant de céder.
— Que me voulez-vous ? fit-elle dans un mouvement d’humeur.
— Nous n’allons pas bien, vous et moi. Depuis la mort de notre fils, nous ne nous parlons à peine, nous sommes d’humeur terrible et de compagnie plus terrible encore ! Il suffit de voir comment sont nos chiens. Moroses. Cela ne se peut. Nous avons perdu trop d’enfants pour que nos cœurs n’en soient pas totalement brisés, mais je ne supporterais pas de vous savoir enfermée ainsi. Vous ne pouvez pas vous emmurer vivante.
Elle secoua la tête, ses boucles brunes tombèrent devant ses joues humides, et ses yeux rougis.
— Pourquoi vous en soucier ? Cela vous arrange que je reste prostrée ici, je ne réclame plus votre présence dans mon lit et vous avez tout le loisir d’être avec la marquise qui vous consolera bien mieux que moi !
Je ne l’avais jamais vue aussi en colère ni parfaitement cruelle, autant envers elle qu’envers moi. Car si j’aimais la marquise et passais effectivement du temps avec elle, je ne l’avais pourtant négligée. J’essayais autant que je le pouvais de la choyer. Ce n’était pas suffisant, j’en étais conscient, mais je ne méritais pas ce ton, pensais-je. Peut-être me trompai-je alors. Je n’ai pas été le meilleur époux.
— Vous êtes ma Reine ! m’exclamai-je. Bien sûr que j’ai besoin de vous !
Elle éclata d’un rire aigre, en essayant à nouveau de m’échapper.
— Vous avez une autre Reine, elle n’en porte le titre, mais a tous les autres atouts de la fonction : votre cœur, votre lit, vos faveurs et votre compagnie en public à la Cour ! Vous n’avez besoin de moi, si je mourais, cela vous arrangerait.
Mes mains serraient ses bras, je la retenais encore, lui faisant mal sans doute, j’étais stupéfait de l’élan de sa colère et de la profondeur de sa rancœur.
— Je m’excuse de vous donner ce sentiment. Vous êtes ma femme, et si je n’ai pour vous les sentiments que vous avez pour moi, je vous considère néanmoins. Vous avez été ma régente durant mon absence en Hollande, vous m’avez soutenu lorsque je vous ai parlé des fées…
Ma voix s’éteint un bref instant, le simple souvenir, la seule évocation de cette race qui m’avait tant pris brisa ma voix comme des vagues contre les rochers. La Reine m’observa et cette fois-ci je vis la tristesse l’emporter sur la colère.
— Je t’en prie, j’ai besoin de toi, ajoutai-je.
Sa colère retomba devant ma mine déconfite, elle me regarda avec tendresse.
— Dis-moi tout, je suis ta première alliée.
Mes doigts glissèrent contre sa joue, effaçant les traces laissées par les larmes.
— Je le sais.
Je lui racontais alors tout, la créature que nous avions capturée, le portrait du Seigneur des marais, mon plan et enfin l’échec de celui-ci. Comme la marquise, elle fut convaincue que je ne pouvais échouer, que j’étais le Roi, et que ce Seigneur si redoutable soit-il ne pouvait me vaincre.
— Tu as eu une bonne idée en bénissant les bassins, mais cela me paraît insuffisant. Les fées ont besoin qu’on croie en elles, n’est-ce pas ? Et toutes sortes de sorciers et de médiums vivent à Versailles si je m’abuse ? Chasse-les ! Que la foi triomphe sur l’obscurantisme ! Le Seigneur des Marais n’aura plus d’appui chez les mortels si tu fais cela.
L’idée me paraissait bonne, excellente même. Je l’embrassais pour la remercier, elle captura mes lèvres et les garda enfermées avec les siennes. Je soupirais d’aise en caressant ses boucles, ma main descendant le long de son échine. Qu’elle était belle ma Reine quand elle agissait comme telle. Ses lèvres roses s’ouvrirent alors que je la serrais contre moi. Je la débarrassais de sa robe noire et j’espérais en faire autant avec sa tristesse. Les choses ne seraient pas aussi faciles, mais avec de la volonté et du temps.
— Tu m’aides toujours, tu m’es si précieuse.
Marie-Thérèse soupira en rosissant à mes compliments.
— Et tu es un vil flatteur.
Il est vrai que je l’étais, mais elle aimait ces compliments que je lui faisais, plus encore, elle en avait besoin. J’avais peur pour elle en la voyant dépérir. J’avais été frappé par sa colère. J’étais rassuré de la voir ramenée à une meilleure humeur, acceptant les caresses que je lui donnais.
— Je vais devoir faire venir le Roi et la Reine des fées, fis-je pensif.
Son menton calé contre mon épaule, tout aussi pensive que moi, grignotant un raisin, elle répliqua.
— N’oublie pas que tu es le Roi chrétien de France. Ces créatures te doivent le respect.
J’oubliais parfois qu’elle pouvait avoir autant de fermeté. Quand elle agissait ou parlait ainsi, elle me rappelait ma mère. Souriant, je l’embrassais à nouveau.
— Merci ma mie.