CHAPITRE 43
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CHAPITRE 43
Les conseils d’une sorcière – La reine des fées – Comment capturer une fée.
Le prêtre ne pût m’apprendre rien de plus. D’après lui, chaque colline avait un roi et une reine qui répondaient à l’autorité du grand roi de l’antique race des fées et des dieux païens, mais il ignorait où se trouvait sa Cour. En revanche, quelqu’un prétendait avoir mangé à la table de la Reine des fées. Le nom d’Isobel Gowdie, la sorcière écossaise dont Colbert m’avait rapporté ses aveux fut évoqué. Malheureusement l’abbé n’en savait pas plus que ce qui avait été inscrit dans le rapport du procès.
En parlant de sorcière, celle que Colbert avait fait venir m’attendait au village. Mon dévoué ministre avait même trouvé des paysans qui, contre quelques louis d’or, parleraient bien volontiers à Sa Majesté. Je lui demandais de m’y emmener. Connaissant Colbert, il avait dû la cacher en quelque bâtisse louée au nom d’un de ses lointains cousins. Ce qui convenait sans doute à un tel rendez-vous qu’il valait mieux garder secret.
C’était une petite maisonnée à l’orée des bois tout en pierre, dont la forme biscornue ne la rendait pas vraiment charmante, mais plutôt étrange. En pénétrant à l’intérieur, nous fûmes frappés par l’odeur âcre qui s’accrochait à nos vêtements ainsi qu’à nos cheveux. Plus tard, l’explication fut donnée : la vieille femme avait brûlé de la sauge afin d’assainir l’atmosphère pour se prémunir des maladies liées aux marais.
— Votre Majesté, Augusta est la sorcière que vous désiriez voir, présenta Colbert en s’effaçant dans l’ombre.
La vieille femme s’avança, elle portait une longue cape noire en laine épaisse, une capuche, et en dessous diverses couches de tissus, elle paraissait âgée, la peau burinée par le travail dans les champs et elle parlait lentement avec une voix grave et épaisse.
— Votre Majesté, que me vaut le plaisir ?
Sa voix chevrotait et son accent breton était très imposant, mais au moins faisait-elle l’effort de parler français et non le patois.
— Je voudrais que vous me parliez du petit peuple et de sa royauté.
La sorcière me regarda en se signant. Le geste me surprit, je devais apprendre plus tard qu’en Bretagne comme ailleurs, être sorcier ne voulait pas forcément dire être païen, qu’ils pratiquaient la magie, mais croyaient en Dieu, ce qui ne les empêchait nullement de commercer avec le diable ou le petit peuple.
— Vous ne devriez échanger avec eux, ce sont des gens retors qui ne cherchent que leur bon plaisir. S’ils sont de bons travailleurs, ils sont trop enclins à jouer de mauvais tours pour qu’on puisse leur faire confiance.
— Je n’ai pas l’intention d’entamer la moindre relation avec eux, j’aimerais les chasser de ma Cour, expliquais-je.
La sorcière me scruta longuement, sous l’œil inquiet de Colbert qui se méfiait de ce regard sombre jeté sur son Roi.
— Votre Majesté, si le petit peuple se trouve en votre Cour, c’est qu’il doit s’y plaire, j’ai ouï dire que vous faisiez les plus belles fêtes du royaume, qu’il y a des bals merveilleux et qu’on y entend de somptueuses musiques, tout ceci doit les attirer. Les fées adorent faire la fête et danser.
Les avais-je contrariées ou attirées ? Étaient-elles là pour profiter des festivités et les morts étaient accidentelles ou bien venaient-elles pour nuire à cette Cour s’étant installée sur leurs terres ? Le prêtre m’avait quelque peu effrayé avec ses paroles.
— Mais je ne peux cesser de donner des bals…
La sorcière secoua la tête.
— Donnez des bals, Sire, donnez le plus merveilleux et le plus étincelant des bals, parez ces dames et ces messieurs magnifiquement de pierres précieuses et de soie, attirez les fées en votre Cour et une fois qu’elles y seront, capturez-les ! Il n’y a rien de plus simple, il suffit de leur donner du pain ou de les menacer avec du fer. Mais la méthode la plus sûre reste de renverser du sel, alors les fées ne peuvent résister et doivent compter les grains de sel.
Les yeux de la vieille femme brillaient d’une étrange lueur alors qu’elle disait cela, comme si l’idée d'en attraper avait quelque chose d’excitant, et peut-être l’était-ce après tout. Ce n’était sans doute pas la manœuvre la plus sûre, mais cela ressemblait à un plan. Je doutais de parvenir à attirer la Reine des Fées, mais capturer une simple fée et l’interroger m’apporterait toutes les informations que je souhaitais. De plus, je comptais donner un bal pour fêter nos victoires et nos batailles éclatantes, tout cela tombait parfaitement.
— Madame vous m’avez aidé, mais j’aurais sans doute encore besoin de vos services aussi je vous prie de rester ici. Vous serez nourrie convenablement, blanchie et rémunérée pour vos services naturellement.
À ces mots, la vieille dame se précipita pour embrasser mes pieds. Le geste me surprit, mais après tout, bien des malades que je visitais en demandant à Dieu de les soigner avaient le même comportement. Je souris donc en lui disant au revoir. Colbert me suivit à l’extérieur, je m'adressai à lui.
— Assurez-vous qu’elle y soit à son aise.