Les Bas-fonds (Jean Renoir, 1936)
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Les Bas-fonds (Jean Renoir, 1936)
Quand j'étais étudiante, je fréquentais un cinéma art et essai (fermé depuis) qui faisait des cycles de cinq films sur les grands cinéastes. Et dans celui qui était consacré à Jean RENOIR, il y avait "Les Bas-fonds" (1936) qui est d'ailleurs le seul des cinq que je n'ai pas vu à l'époque. Mais le titre m'est resté en mémoire.
Le film est assez fascinant, de par son mélange assez détonnant de convention et de naturel. Les idées politiques de gauche de Jean RENOIR y transparaissent. Le film se déroule en effet dans le Paris du Front Populaire mais tous les personnages portent des noms russes (le film est financé par les producteurs d'origine russe de la société Albatros qui ont refusé toute francisation des noms des personnages de la pièce de Maxime Gorki et les communistes français ont également fait pression en ce sens), vivent dans un dortoir collectif et payent en roubles. La déchéance de l'aristocratie et l'émancipation des classes populaires avec un très beau plan final qui cite directement "Les Temps modernes" (1934) de Charles CHAPLIN célèbre la fraternité de la société sans classes.
Pourtant, le naturel parvient à surpasser la convention. Pas seulement parce qu'on y célèbre le bonheur de la sieste sur l'herbe et que les échappées bucoliques chez Jean RENOIR ont un relief saisissant. Mais parce que jamais Jean GABIN n'a paru aussi vrai que dans ce film. A deux reprises, lorsqu'il exprime ses aspirations, devant le commissaire puis devant Natacha, cela sort comme un cri du coeur, un cri du coeur sur lequel le temps n'a pas de prise. Son duo avec un Louis JOUVET impérial est savoureux (outre l'interprétation, les qualités d'écriture du film, co-scénarisé et dialogué par Charles SPAAK ont été justement soulignées). Et puis le film est porté par un tel élan d'espoir qu'il triomphe de tout ce que l'histoire originale pouvait porter de sordide.