37°2 le matin (Jean-Jacques Beineix, 1986)
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37°2 le matin (Jean-Jacques Beineix, 1986)
J'étais curieuse de revoir "37°2 le matin" découvert en salle durant mon adolescence et qui avait été un marqueur de cette période (comme pour beaucoup de gens de ma génération) en raison de son succès immédiat puis de son statut de "film culte" et aussi parce que la bande originale était devenue "virale" alors même que internet n'existait pas. Si je l'ai beaucoup écoutée, je n'ai jamais fait partie des afficionados du film et J'avoue qu'après ce nouveau visionnage mes impressions sont plus que jamais mitigées. Je n'ai pas fait un rejet total mais certains aspects du film m'ont fortement déplu.
Du côté du positif, on ne peut pas continuer comme certains le font avec mépris à caricaturer Jean-Jacques Beineix en simple "faiseur de publicités". Comme "Diva", "37°2 le matin" est doté d'une âme qui s'exprime dans une soif d'absolu*, soif qui ne peut s'étancher que dans l'art (lyrique dans "Diva", littéraire dans "37°2 le matin") et dans la passion amoureuse fiévreuse et tragique (même si dans "Diva" elle se consume sur les planches et non dans les coulisses). De plus, l'esthétique du film conserve un réel potentiel de séduction: la bande originale composée par Gabriel Yared est toujours aussi envoûtante et le jeu des couleurs à dominante jaune et bleu (ou rose et bleu pour le ravalement des façades des chalets de Gruissan), pas très éloigné des filtres utilisés par Jean-Pierre Jeunet ou de Percy Aldon est agréable à l'oeil (et puis le bicolore était à la mode à l'époque, Jeanne Mas chantait "En rouge et noir" ^^). Enfin les acteurs sont charismatiques, en particulier la tornade Béatrice Dalle qui crevait l'écran en emportant tout sur son passage. Ce film plus que d'autres m'a d'ailleurs fait réaliser le travail que le temps a effectué sur les visages et sur les voix (pas seulement de Béatrice Dalle ou de Jean-Hugues Anglade mais aussi de Vincent Lindon qui avait déjà du flair pour les films décalés à gros potentiel).
Néanmoins "37°2 le matin" outre son scénario que l'on peut trouver erratique voire absurde (mais pas plus que dans certains films de la nouvelle vague ou de Bertrand Blier!) donne une représentation de l'amour "made in années 80" purement physique où chacun se tirait la bourre à qui irait le plus loin dans la monstration frontale des scènes de sexe et de nudité en titillant la fibre voyeuriste du spectateur sans pour autant tomber dans le porno. La scène inaugurale est donc bien longuette et alors qu'elle se voulait provocante en 1986, elle est juste ringarde en 2022. Alors qu'on cherche aujourd'hui à davantage représenter la diversité en matière de sexualité et d'une manière plus originale, on y voit ce qu'il y a de plus plat et formaté dans la chose: un homme qui s'agite sur une femme qui bien sûr en redemande avec orgasme simultané en prime. Tout ça en guise de présentation des personnages, on peut dire que le ton est donné. Plus encore que Béatrice Dalle, Jean-Hugues Anglade, visiblement fou de son corps se montre à poil toutes les 5 minutes et on se demande ce que ce zizi fièrement exhibé apporte à l'histoire. Mais ce que je trouve le plus pénible dans le film, c'est la confusion entre amour et hystérie. Entre le personnage de Clémentine Célarié qui est nymphomane et saute sur tout ce qui bouge et celui de Béatrice Dalle dont les accès de sauvagerie se muent en folie furieuse, les femmes sont dépeintes comme des furies dangereuses et incontrôlables. Betty est d'ailleurs un étrange collage fantasmatique entre une apparence extérieure de pin-up ou de poupée gonflable et un âge mental d'environ deux ans, l'âge où l'intolérance à la frustration provoque des crises de colère envoyant les objets à terre, provoquant griffures et morsures. Pas très progressiste tout ça pour un film qui se voulait tendance voire avant-gardiste et paraît aujourd'hui bien daté.
* Elle ne doit pas être étrangère au caractère excessif du film.