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Les Horizons perdus (Lost Horizon, Frank Capra, 1937)

Les Horizons perdus (Lost Horizon, Frank Capra, 1937)

Pubblicato 17 gen 2020 Aggiornato 17 gen 2020 Cultura
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Les Horizons perdus (Lost Horizon, Frank Capra, 1937)

"Horizons perdus" c'est L'Utopie de Thomas More revue et corrigée par James Hilton (auteur du roman), Frank CAPRA (réalisateur du film adapté du livre) et indissociable du contexte historique très sombre des années 30 et 40 dans lequel le cinéaste a forgé ses plus grands chefs d'oeuvre humanistes (le roman date quant à lui de 1933 soit l'année de l'arrivée de Hitler au pouvoir). S'y ajoute une dimension mystique lié au lieu où le romancier a décidé d'implanter sa cité idéale: non sur une île mais au beau milieu d'une vallée perdue quelque part aux confins de la chaîne de l'Himalaya. Shangri-La est d'ailleurs un surprenant mélange entre une lamaserie tibétaine et un palais art déco occidental (à l'image de sa population). Inspiré du mythe bouddhiste de Shambhala ("lieu du bonheur paisible") il se situe hors du temps et hors de l'histoire dans un lieu secret à l'abri des tempêtes qui agitent le reste du monde. Un lieu qui est d'ailleurs plus spirituel que matériel puisqu'il suffit d'y croire pour le retrouver (en soi) et qu'à l'inverse ceux qui ne sont pas en paix avec eux-mêmes sont incapables d'y rester comme l'illustre l'itinéraire tragique du frère de Robert Cornway*.

La première scène de "Horizons perdus" est une plongée saisissante dans l'enfer des années précédent l'éclatement de la seconde guerre mondiale vu à travers le prisme d'une petite colonie britannique chinoise sur le point de basculer sous la domination japonaise. On assiste à une scène chaotique d'évacuation des blancs par avion alors que les chinois sont impitoyablement refoulés. Expression du racisme occidental décomplexé, cette évacuation sélective est aussi une manifestation de la vision nazie du monde "la lutte pour la vie", un darwinisme social dont ne peuvent se sortir que "les plus forts" c'est à dire "les races supérieures"**.

Cependant l'organisateur de cette évacuation, le diplomate Robert Cornway (Ronald COLMAN) se pose des questions. Sa curiosité et ses interrogations vont l'entraîner dans la direction opposée à celle qu'il avait (consciemment) voulu prendre, entraînant avec lui ses quatre compagnons pour le meilleur ou pour le pire. Car ce que souligne également Frank CAPRA c'est le peu d'appétence de l'homme occidental pour le bonheur qui implique une frugalité, une simplicité et une modestie dont il est dépourvu. Son "logiciel idéologique" est celui du conquérant et du compétiteur agressif et perpétuellement insatisfait, pas celui du sage qui rayonne de sérénité. D'ailleurs on découvre que la raison d'être de Shangri-La est de mettre hors de portée de cet homme prétendûment seul civilisé mais en réalité enclin à la destructivité tous les trésors accumulés au cours des siècles (James Hilton et Frank Capra en se focalisant sur les livres avaient sans doute en tête les autodafés nazis mais les menaces récentes de Donald Trump sur le patrimoine culturel iranien ou les bombardements et pillages des œuvres d'art irakiennes en 2003 montrent que les occidentaux ne se sont pas vraiment amendés de ce côté en dépit des actions de l'UNESCO en faveur de la protection du patrimoine mondial de l'humanité).

Bref il y a de quoi réfléchir avec ce film très riche et remarquablement construit pour peu qu'on le replace dans son contexte et que l'on comprenne que Frank CAPRA n'avait rien de naïf mais bien au contraire érigeait ses fables humanistes en rempart contre le désespoir (un désespoir qui conduira par exemple l'écrivain Stefan Zweig au suicide en 1942). Ayant été au fil du temps amputé de 25 minutes (il en faisait 132 à l'origine), il a bénéficié d'un travail de recherche qui a permis de le restaurer en majeure partie: la bande-son a été entièrement retrouvée et quant aux images, il en manque environ sept minutes. Elles sont remplacées par des photos de tournage.

* Dans "Brazil" (1985) de Terry GILLIAM qui dépeint un terrifiant monde totalitaire dont on ne peut s'échapper qu'en esprit, la cité où vit Jill, la femme idéale que Sam retrouve (en rêve) dans les cieux se nomme justement "Shangri-La".

** Jusqu'à la bataille d'Angleterre, les nazis ont espéré trouver un terrain d'entente avec les anglais qu'ils considéraient comme des cousins "naturels" situés dans la partie haute de leur hiérarchie raciale.

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