CHAPITRE 67
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CHAPITRE 67
Anticipation – Derniers frissons, dernières tensions – Jalousies de la marquise.
Les températures ne cessaient de descendre, présageant un hiver rigoureux. Je ne pus m’empêcher de me demander comment les fées, créatures qui paraissaient si fragiles face au froid pouvaient avoir une Cour à son nom ? Cela était un mystère de plus entourant leur Reine que je frémissais d’impatience à l’idée de la rencontrer.
La neige tombait doucement, drapant les jardins d’un voile blanc. J’observais le délicat défilé des flocons s’amassant, je pouvais presque deviner les arabesques qu’ils formeraient une fois pris dans la glace, les dessins qui s’inscrirait dans les zébrures des craquelures. Devant ce paysage blanchi, il m’était difficile de croire que se tenait là un champ de bataille.
Les traîneaux se couvraient d’une fine pellicule de neige, les jardins paraissaient vides, et tous les préparatifs de la fête en suspens. Il faut dire que le théâtre du bal était situé dans un bosquet et les arbres sertissant cet écrin de verdure rendaient invisible l’inlassable labeur des danseurs s’entraînant, affinant leurs pas et leurs gestes. L’armée de serviteurs qui s’occupait du festin avait dû se replier au-dedans, afin de pouvoir préserver les mets du gel. De sorte que tout semblait figé par la glace.
Pourtant, sous ses dehors tranquilles, le palais bourdonnait d’activité ! Les cheminées avaient été mises en route et de la fumée s’en échappait, le doux parfum du feu de bois emplissait un palais qui tardait à se réchauffer. Même en mes appartements, observant depuis les fenêtres les jardins, je pouvais sentir toute l’activité autour de moi. En cet instant, je me sentais comme un général, sur le plus délicat des champs de bataille. La guerre n’était rien comparée à la diplomatie, je l’avais compris il y a longtemps déjà.
La marquise se glissa derrière moi. Ses étreintes m’avaient manqué, je ne pouvais le nier. Mais j’avais eu besoin de garder la tête froide et donc une certaine distance avec elle qui me donnait cette fièvre implacable. Ses mains s’enroulèrent autour de mes hanches, sa petite tête blonde s’enfonça au creux de ma nuque. Mes mains se posèrent sur les siennes, les serrant délicatement. Son soupir caressa ma nuque. J’avais songé lui demander comment accueillir la Reine des fées de l’hiver, d’avoir son opinion sur cette femme reléguée aux ténèbres et au silence, contrainte d’observer le palais doré des autres sans pouvoir y goûter.
Mais quelque chose m’avait retenu. Peut-être l’impression qu’elle pourrait la comprendre ? Il y avait quelque obscurité chez la marquise qui parfois m’effrayait. C’était la jalousie dont elle pouvait faire preuve, même envers la Reine qui pourtant avait la primeur en tout, c’était le ton mordant qu’elle pouvait avoir, sa manière de railler tout le monde quand elle estimait qu’on lui avait manqué de respect. Il y avait une certaine aigreur en elle qui, bien que compréhensible, m’était difficile à accepter.
Nous nous querellions parfois vivement et je détestais cela. Je supportais déjà mon colérique frère, je ne voulais avoir une amante qui le soit, et pourtant, mon cœur lui appartenait, elle était la mère de mes enfants. Passionnante, drôle et fine, j’aimais la manière dont elle me regardait, dont elle jalousait toutes les femmes, j’aimais également sa férocité, l’âpreté de son esprit. Elle était redoutable et j’aimais cela. Nos réconciliations étaient d’autant plus délicieuses.
— Je te retrouve encore prêt à l’affrontement, souffla-t-elle d’une voix douce.
— Il y aura toujours un ennemi, murmurai-je en la pressant contre moi.
— Il s’agit à nouveau des fées, n’est-ce pas ? Tu les as vaincues, mais tu dois négocier.
Décidément, sans rien lui dire, elle semblait déjà tout savoir. Je soupçonnais mon frère de lui avoir parlé, mais il était tout aussi plausible qu’elle eût deviné d’elle-même. Athénaïs était assez maligne pour qu’on puisse craindre qu’elle ne sache lire dans nos pensées quand elle parvenait à en deviner les méandres.
— Ma chère, tu sembles déjà tout savoir.
— Je te connais, Louis, j’aimerais apaiser tes craintes.
— Laisse-les-moi, je t’en prie, j’en aurais besoin.
Je serrais doucement ses mains avant de la repousser avec tout autant de douceur. Me tournant vers elle, je glissais ma main autour de sa nuque et l’embrassais délicatement puis fougueusement. Sa langue envahit ma bouche, ultime conquête. J’en souris, amusé. Il y avait toujours en elle ce jeu de pouvoir, il n’était nullement étonnant dès lors qu’elle fasse de l’ombre à la Reine, et qu’on la surnomme même ma seconde épouse.
— Je vais devoir négocier avec la Reine des fées de l’hiver, une créature redoutable, dangereuse, mais séductrice, fis-je. Promets-moi de ne point être jalouse, de toutes les femmes contre qui tu portes ton courroux, elle est la plus fatale de toutes. Je ne veux qu’il t’arrive malheur.
À son tour, elle se détacha, en secouant la tête, irritée.
— Pourquoi ai-je le sentiment qu’il y aura une part de séduction dans l’affaire ? Si c’est ton ennemie, pourquoi y aurait-il du charme entre vous ?
— Parce qu’il y en a toujours entre ennemis, et que l’art de la diplomatie se résume à cela, séduire l’ennemi, faire tomber ses barrières et réticences, lui faire croire qu’il sera comblé par l’offre qu’on lui fait, qu’il a une chance inouïe de l’entendre. Et que je crois que c’est également sa manière de procéder, séduire et tromper l’ennemi.
La marquise n’aimait ce que je lui disais, mais elle ne dit rien, se contentant de se raidir. Je la laissais partir sans dire un mot, son cœur en fut blessé, mais je ne pouvais la contenter en cet instant. Il me fallait négocier avec Arpia et mon instinct me soufflait qu’elle userait de toutes les armes qu’elle possédait et que je devrais en faire autant. Si j’avais pu, j’aurais éloigné la Reine et la marquise aussi loin que possible, j’aurais même éloigné mon frère, j’aurais aimé être seul avec elle, et ne risquer aucune vie autre que la mienne.
Au-dehors, la neige continuait à tomber sur le paysage de blancheur qui se dessinait, il me semblait voir tourbillonner les flocons sous l’effet d’une brise dont je ne comprenais le sens. Sous l’effet d’une impulsion, j’ouvrais la fenêtre laissant pénétrer le froid, et la brise avec. Je me demandais si ce pouvait être Arpia. Je m’avançais sur le balcon dominant la terrasse et les jardins vers le tourbillon blanc. La dentelle de neige y étant prisonnière, se défaisant et s’harmonisant sous l’effet du vent. Mes paupières durent se clore pour ne pas être agressées par le froid. Quand je les rouvris, les flocons virevoltants avaient disparu.