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 CHAPITRE 46 

 CHAPITRE 46 

Pubblicato 15 apr 2022 Aggiornato 15 apr 2022 Cultura
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 CHAPITRE 46 

L’interrogatoire d’un brownie – L’importance des macarons.

 

D’Artagnan et ses mousquetaires avaient emmené la créature en mes appartements, la cloisonnant dans le salon où je tenais mon cabinet ministériel. Il y avait encore sur la table les cartes de Hollande où étaient disposés des soldats de plomb figurant nos troupes. Nous n’avions cessé de parler de la guerre avec Louvois tentant d’appréhender la reprise du combat.

Il n’était pas question de signer un traité de paix, pas après la déconvenue de la rupture des digues. Cet acte montrait que le peuple hollandais et plus encore Amsterdam n’étaient pas encore prêts à une réelle reddition, pas à nos termes du moins. Ce qui nous embêtait n’était pas tant Amsterdam et le cœur fier des Hollandais, mais le fait que Léopold envoie des troupes à Guillaume. Notre ennemi n’était plus si isolé et le nombre de ses alliés ne cessait d’augmenter. Ces annonces étaient des plus contrariantes.

Il me fallait une victoire et si c’était sur les fées qu’il en fut ainsi. La capture de cette créature valait bien celle d’un espion hollandais, non ? Ceux-ci étaient pires que des anguilles me glissant entre les doigts malgré les efforts conjugués de Colbert et Louvois. Lorsque nous mettions la main sur un message secret et le décodions, le code était aussitôt changé.

Indéniablement, Guillaume n’avait certes pas la puissance de mon armée ni des généraux aussi bons, mais en revanche, il avait de la roublardise à revendre. Cela faisait de lui un ennemi redoutable, et peut-être bien qu’en fin de compte, Colbert avait raison, peut-être que c’est Guillaume que je souhaitais affronter et que c’est pour cela que je m’étais lancé dans cette guerre.

Flanqué de Colbert et du prêtre normand, je pénétrai dans le salon. La créature me parut plus frêle encore, elle avait toujours ce regard effrayé d’autant que les mousquetaires pointaient leurs épées en sa direction. Un peu plus grande qu’un homme, elle ne ressemblait pourtant pas vraiment à un mortel, sa peau diaphane, ses yeux aux couleurs fauves reflétant les lumières des bougies à la manière d’un chat, et ses oreilles en pointes ne laissaient aucun doute sur sa nature.

Je ne savais ce qui l’effrayait le plus, tous ces regards braqués sur elle ou la pointe de ces épées la cernant. D’après les dires du prêtre, les armes ne contenant de fer ne pouvaient leur faire de mal, mais la fée ne le savait peut-être pas. En vérité, elle n’avait l’air de comprendre aucun mot jaillissant de nos bouches. J’avais récupéré d’autres morceaux de mie de pain, espérant que cela suffise à lui conférer la capacité de parler notre langue.

M’approchant doucement, j’essayais d’être le moins menaçant possible. La terreur ne déliait pas les langues avais-je appris, la compassion fonctionnait infiniment mieux. J’avais encore mon habit de lumière et je pouvais voir que cela attirait son regard. Je lui tendis une mie de pain mais il l’observa avec méfiance. Alors je lui fis signe que s’il la prenait, il aurait un macaron au chocolat, récente invention de notre pâtissier. La créature accepta le marché et avala la mie de pain avant de saliver sur le macaron comme si c’était la chose la plus délicieuse au monde. Peut-être l’était-ce pour elle.

— Vous ne risquez rien ici, aucun mal ne vous sera fait.

La rassurer d’abord, par les douceurs que je lui offrais, le regard bienveillant, les gestes lents et calculés, puis peu à peu, glisser mes demandes, mes exigences, rappeler avec une fermeté appuyée que j’étais le maître des lieux.

— Toutefois, nous aurions quelques questions à vous poser. Comprenez-vous ce que je vous dis ?

Sa tête dodelina un bref instant, nous fixant tour à tour, moi, les mousquetaires, le prêtre et Colbert qui bien sûr ne perdaient rien à l’échange que nous avions.

— Êtes-vous capable de parler ?

La créature m’observa avec une telle intensité, la frayeur l’enchaînait encore au silence, j’essayais autant que possible de paraître avenant, mais elle persévéra dans son mutisme. Je me tournais vers le prêtre, ce dernier s’avança et les mousquetaires s’écartèrent d’un geste de ma main. Arrivé à ma hauteur, il chuchota :

— Les créatures peuvent parler, mais nous ne sommes pas toujours capables de les entendre.

L’homme de foi hésita un instant, de la même manière que la plupart des gens, ministres compris, avaient peur de me dire quelque chose qui pourrait me contrarier.

— Sire, vous avez été capable de les voir dans des états de fièvre, de rêverie, d’agitation mentale. Vous êtes peut-être trop calme et rationnel pour pouvoir l’entendre. Nous le sommes peut-être trop tout autant que nous sommes.

Comprenant où se situait le problème je donnais l’ordre à l’un des mousquetaires d’aller nous chercher du vin et suffisamment de verres pour chacun de nous. L’idée de rendre ivres mes gardes me contrariait quelque peu. Je n’avais jamais apprécié l’ivresse lors du travail, spécialement dans l’armée. Cette habitude de donner du courage avec de l’alcool me semblait une erreur grossière qui transformait le plus valeureux des soldats en idiot et parfois même en menace pour les populations qui subissaient déjà bien trop la guerre. Hélas nous n’avions d’autre choix.

Les gardes et Bontemps qui nous avait rejoints se contentèrent d’une gorgée, mais le curé et moi bûmes deux verres de vin. La créature nous observa faire avec curiosité, mais lorsque je lui posais à nouveau la question, sa langue se délia enfin à mon grand soulagement.

— Que voulez-vous au pauvre Donnie ? demanda-t-il d’une petite voix haute perchée.

— D’où viens-tu ?

Il fit un signe désignant les bois visibles depuis les fenêtres de mes appartements donnant sur les jardins.

— Ton peuple m’en veut particulièrement ?

Il secoua la tête en haussant les épaules.

— Ai-je causé du tort à ton peuple ? insistais-je.

À nouveau, il ne parut comprendre.

— Est-ce que les fées vivant ici sont contrariées par l’existence de ce palais ?

La petite créature chétive se replia sur elle-même. J’ignorais si c’était l’incompréhension ou si elle ne souhaitait en parler. Il est vrai que les messagers porteurs de mauvaises nouvelles sont toujours mal accueillis.

— Je ne te ferais aucun mal, je veux seulement savoir si je dois redouter les attaques de ton peuple. Vois-tu des hommes sont morts et je crois que ton peuple en est responsable. Ai-je raison ?

La créature se mordilla les lèvres, tripotant l’habit sombre qu’elle portait.

— Fées pas contentes, forêt détruite.

Je soupirais.

— Avez-vous tué ces hommes sciemment ?

La créature secoua la tête, semblant à nouveau apeurée.

— Donnie a rien fait, messire. Donnie a faim. Musique douce, musique attirante. Les lumières…

Sa main se tendit en ma direction. D’Artagnan méfiant sortit son épée, mais d’un geste, je l’intimai à ne rien faire. La créature finit par toucher le fil d’or de ma veste. Je lui souris.

— Je ne t’en veux pas Donnie. Je veux juste savoir si les tiens sont une menace pour mes sujets. Me comprends-tu ?

Il secoua négativement la tête. Même en ayant l’ivresse pour nous et le ventre rempli de pain pour lui, nous avions une communication trop rudimentaire pour la complexité du sujet abordé. Mais peut-être craignait-il aussi mes réactions s’il évoquait une armée de fées vengeresses.

— Donnie veut voir lumières et écouter musique. Donnie veut pas faire mal.

Je lui souris doucement, l’encourageant à continuer.

— Et tu es le bienvenu, Donnie. En revanche, si les tiens veulent faire la guerre, ils seront mal reçus. Peux-tu leur transmettre ce message, Donnie ?

Je ne sus s’il comprit vraiment, il en eut l’air en dodelinant sa tête légèrement. Ouvrant ma main pour lui tendre un macaron, je lui souriais à nouveau, la partie la plus délicate survenait à présent.

— J’aimerais voir la Reine des fées, Donnie, pourrais-tu me dire où la trouver ?

Sa main s’avança pour prendre le gâteau puis hésita. Son regard chercha le mien puis s’accrocha à celui du prêtre avant de revenir sur moi.

— Donnie sait pas, Donnie connaît que le Seigneur des marais.

— Pourrais-tu me dire comment le rencontrer ?

La créature secoua la tête, l’air terrifié.

— Vous pas comprendre, Seigneur des marais terrible, Seigneur des marais en colère, Seigneur pas aimer le château et ses lumières, Seigneur dire qu’il n’y a pas assez de sacrifices, que la foi se perd. Les mortels ne paient plus le tribut, dit-il.

Je n’aimais guère ce qu’il me révélait, du moins, ce que j'en comprenais. Je fis un signe à Colbert qui lui donna un panier garni de gâteaux, chocolats et autres douceurs.

— Ne t’inquiète pas Donnie, nous allons arranger cela. Emporte ces gâteaux avec toi, et dis au seigneur des marais que je suis prêt à parlementer avec lui. Si tu me ramènes sa réponse, je t’offrais plus de macarons.

John Bauer

Donnie a-t-il délivré tous ses secrets ? Vous le saurez dans le chapitre suivant !

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