CHAPITRE 59
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CHAPITRE 59
Des nouvelles du royaume – la marquise se décide à agir – une question de volonté.
Mon humeur était bien sombre en ce mois de novembre 1672. La mort semblait m’entourer plus que jamais. Notre dernier-né s’était éteint sans qu’on ne puisse rien faire, la Reine en fut profondément touchée. Moi-même, je restais plusieurs jours sans appétit sans pouvoir tenir en place, rageant comme un lion en cage, pestant envers et contre tous. À raison, ils fuyaient tous ma compagnie à l’exception de Bontemps et Colbert que rien ni les tempêtes ni les malheurs empêchaient de faire leur labeur. Bien sûr, la marquise supporta mes mouvements d’humeurs et le peu d’élégance que j’eus alors.
La mort de notre second fils nous avait rapprochés, la mort du troisième nous éloigna. La Reine demeura enfermée dans ses appartements, rien ne semblait la consoler, ni même lui donner envie de sortir. Elle dévorait des chocolats, y cherchant du réconfort, pleurait beaucoup, et ne quittait plus la présence de ses petits chiens. Pour ma part, c’était l’inverse, je mangeais peu, je partais chevaucher toute la journée, rentrais gelé et tremblant, mes nuits étaient affreuses. Seule la présence de mes chiennes m’était tolérable alors, toute autre personne se serait frottée à ma fureur.
Je trahissais ma réputation de charmeur, évitant la compagnie des femmes, car je me savais d’une humeur massacrante. Devant l’insistance de la marquise, je finis par lui laisser l’accès à ma chambre, mais je lui fis payer chèrement son obstination en demeurant glacial et distant, finissant invariablement par bondir hors du lit furibond et agité, ne parvenant à me calmer qu’en marchant dans les galeries.
Versailles était encore sous l’empire de la fièvre et de la peste, j’ignorais quand nous pourrions y revenir, si un jour cela était même possible. L’espoir semblait s’être éteint. Les créatures avaient emporté la partie, elles avaient rompu les digues comme les Hollandais l’avaient fait. L’idée d’être vaincu aussi aisément me remplissait d’autant plus de rage. En Hollande, la propagande contre ma personne et ma politique allait bon train. Ce pays n’avait cessé d’imprimer des feuillets fustigeant le pouvoir français. Par le passé, ma mère et le Cardinal en avaient fait les frais, à présent, c’était moi.
Rien ne semblait être en capacité de me rendre le sourire et d’alléger ce fardeau pesant sur mes épaules. J’écartais la marquise de mon chemin et trouvai Colbert pour lui parler des idées qui m’étaient venues durant cette énième nuit blanche. Je travaillais d’autant plus aux affaires du royaume que je n’avais plus goût à rien d’autre. Faire les comptes de l’Etat m’avait toujours apaisé. Colbert sachant cela me soumit toutes les difficultés financières posées par la guerre et ensemble, nous trouvâmes comment renflouer les caisses en passant de nouveaux accords faisant fi de nos amis européens s’étant alliés contre nous.
À la fin d’une après-midi de dur labeur, je demandais à Colbert s’il pouvait me trouver une autre sorcière bretonne.
— Sire, ne croyez-vous pas qu’il vous faut renoncer à cette folie ? Versailles est perdu…
Je fus choqué par sa réponse, je savais qu’il avait toujours jugé ce projet comme des dépenses inutiles, qu’il aurait préféré que je rénove le Louvre et m’attelle à changer le visage de Paris.
— Savez-vous combien d’hommes ont péri pour ce palais ? Combien d’autres encore en asséchant les marais ? Au nom de leur sacrifice, nous ne pouvons abandonner ni le palais ni la ville.
Colbert ouvrit des yeux surpris.
— La ville ? Ce n’est qu’un hameau, Sire, durement frappé par la maladie et ce régulièrement.
Je secouais la tête et sortis un début de plan que j’avais tracé durant une nuit blanche particulièrement agitée. Dessiner des plans de jardin, d’architecture m’avait toujours apaisé également.
— Ce sera une ville, les nobles ont déjà commencé à prendre des terres et souhaitent faire construire leurs hôtels particuliers. Il leur faudra toute la modernité et l’accessibilité d’une ville. Le hameau ne sera plus, Colbert, et les maladies seront chassées, car nous allons assainir tout cela.
Ma décision était prise, et en dépit de ses divers contre-arguments, Colbert ne pourrait rien y faire. Le sentant, il plia, non sans quelques marques d’humeur.
À Bontemps je demandais des nouvelles des traités que mes ancêtres avaient passés avec les fées. Je m’étais laissé engloutir par la tristesse et la colère, mais je ne me laissais pas abattre pour autant. Lorsqu’on est au plus bas, il faut songer au coup suivant, profiter de cet instant de faiblesse pour étudier là où l’on a fauté, pallier nos erreurs, combler nos faiblesses et s’atteler à un plan plus solide afin de se redresser au plus vite. C’est ce que je m’escrimais à faire.
Mon valet qui s’inquiétait de mon humeur fut soulagé que je lui donne des instructions. Il n’avait oublié ni les fées ni les traités, ces derniers étaient encore à Paris. Il était temps que je retourne à la Capitale.
— Nous irons au Louvre alors ! Je dois également voir La Reynie. Préparez le déplacement de la Cour, Bontemps.
Il était de coutume que nous y passions l’hiver. Les odeurs de la vie parisienne étaient pénibles avec la chaleur de l’été, mais elles devenaient supportables avec le froid. Il arrivait que la Seine soit prise par le gel comme pouvait l’être la Tamise lors de ces grands hivers où le gel frappait durement.
Versailles serait soumise aux mêmes froidures et le marais allait geler, pensais-je. Je ne pouvais oublier la campagne qui allait reprendre en Hollande, mais il m’était impossible de ne point songer également à Versailles. Combattre sur les deux fronts en même temps serait délicat, mais indispensable. Je ne pouvais laisser un seul de mes ennemis profiter du fait que j’attaquais l’autre !
J’étais tout accaparé par ces pensées quand la marquise me surprit, se glissant dans mes appartements sans s’être fait annoncer.
— Tu ne me laisses plus t’approcher, Louis, se plaignit-elle alors que je la repoussais doucement.
Ses adorables mains que j’avais tant embrassées s’accrochèrent à moi. Elle me fit tourner sur moi-même, et tint tête à mon regard dur qui n’avait pour autre but que de la faire choisir une autre compagnie que la mienne. Elle n’eut même pas l’air froissée ou blessée, elle se contenta de m’observer avec une lueur de défi dans les yeux.
— Je ne te laisserais pas t’échapper à nouveau. Je connais ton cœur, laisse-moi le réchauffer.
Toute tentative pour lui échapper fut vaine. La marquise avait une volonté telle que peu de choses pouvaient la faire renoncer. Je la suivis, elle ne m’emmena pas dans les appartements, mais dans les jardins des tuileries. Comme il y faisait froid, nous enfilâmes des fourrures. J’aimais l’air frais du dehors, je préférais me retrouver perdu dans les bois qu’enfermé de longues journées dans des palais aux vitres fermées sans un seul courant d’air pour respirer. Évidemment, la marquise le savait et espérait ainsi me changer les idées.
— Louis, dis-moi ce qui assombrit tes pensées et ton humeur, affirma-t-elle une fois que nous fûmes dans les jardins.
Il était certain qu’elle l’avait deviné, la connaissant, mais elle voulait l’entendre de ma bouche, me pousser à la confidence. Comme je gardais le silence, elle enchaina.
— Très bien, puisque tu refuses de me le dire, je vais le faire pour toi. C’est cette maladie qui ronge tes sujets de Versailles jusqu’à Saint-Cloud, ce mal qui a emporté ton fils, tu penses que tout cela est dû aux créatures. Et tu songes à présent que nous avons perdu, qu’elles ont fait trop de mal. Mais Louis, en te persuadant de cela, tu leur offres la victoire !
Je fronçai les sourcils, je pensais comprendre son propos, mais le trouvai quelque peu hasardeux.
— Louis, la magie tire sa puissance sur la croyance qu’en ont les mortels. C’est pour cela qu’emmener quelqu’un de sceptique consulter une voyance n’a pas de sens et est parfaitement inutile.
Je devais avoir encore l’air soupçonneux, car elle posa sa main sur la mienne.
— Louis, tu dois te persuader de ta capacité à les vaincre ! Tu es le Roi Soleil ! Ils règnent peut-être sur les ténèbres, mais tu règnes sur la terre, sur la France. Tu es le plus grand Roi du monde, tu ne les laisseras gagner !
Ses mots savaient effectivement toucher mon cœur, elle connaissait mes élans, mes faiblesses également, mes convictions, mais elle n’avait vu ce que j’avais vu. Je finis par lui parler de la peste au hameau, des soldats malades, des prêtres devenus fous par la fièvre, des survivants errant comme des pestiférés, et des empoisonnements à Paris.
— La France entière est malade et son Roi avec ! m'exclamai-je avec désespoir.
Car j’avais eu quelques accès de fièvre que mes médecins imputaient à mes chevauchées sauvages.
— N’oublie pas Louis que si ces créatures t’attaquent, c’est que tu les menaces. Avant même que tu n’aies conscience de leur présence, ils t’ont considéré comme la plus grande menace sur leur royaume. Et cette vile créature des marais, n’est que cela, qu’une créature. Tu es Roi alors qu’elle n’est qu’un Seigneur régnant sur des marais ! Ce n’est pas avec elle que tu dois traiter, mais avec le Roi des fées, ou leur Reine. Tu as toujours su parler aux femmes.
Les conseils de la marquise étaient avisés. Bien sûr, je savais déjà tout cela. C’était le plan que je voulais suivre avant que la sorcière bretonne ne succombe. Tous ceux que j’avais amenés à Versailles se mouraient du mal qui rongeait les terres où j’avais choisi de bâtir mon palais. Ce qui me rendait d’autant plus furieux c’est de devoir renoncer à cet édifice somptueux qui représentait à lui seul toute la modernité de la France, toute sa beauté.
En observant les jardins gelés je songeais à la Hollande, nous irions bientôt la conquérir à nouveau, la faire ployer sous notre volonté, pourquoi en serait-il autrement des créatures ? La marquise avait raison, je devais traiter avec la Reine des fées directement, mais pas en position de faiblesse. Jamais en position de faiblesse. Il ne sortirait rien de bon d’un traité passé alors qu’on est exsangue et menacé de toute part. Prenant les mains de la marquise dans les miennes, je les embrassais.
— Merci, ma douce, tu m’as redonné la force d’agir.