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 CHAPITRE 26 

 CHAPITRE 26 

Pubblicato 7 apr 2022 Aggiornato 7 apr 2022 Cultura
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 CHAPITRE 26 

La mort s’invite dans les jardins – découverte macabre – résolutions royales.

Hélas, au matin, un corps flottait dans les bassins. Le cri poussé par le jardinier faisant cette macabre découverte m’alerta. Nous échangeâmes un regard inquiet avec Bontemps. La fatigue se disputait à l’anxiété en ses traits, et nul doute qu’un semblable spectacle devait s’observer dans les miens. Je me levais pour gagner la fenêtre et l’ouvris pour voir ce qu’il se passait.

Mes appartements donnaient sur les jardins, naturellement, et j’avais une assez belle vue sur le bassin d’Apollon, le plus vaste et le plus ancien des bassins. Il existait déjà du temps du pavillon de chasse mon père. Je l’avais fait agrandir et orné d’une splendide sculpture représentant Apollon dansant et jouant avec de divines créatures. Ce dieu grec avait été mon symbole dans mes jeunes années. Mais à cet instant, je ne voyais que le corps boursouflé flottant à la surface et je n’étais pas le seul.

Le hurlement du jardinier avait attiré d’autres employés ainsi que les courtisans se trouvant dans les parages. Bientôt il y eut une vive agitation autour de la dépouille. Mon Valet donna des ordres aux gardes qui s'occupaient de tenir la foule éloignée pendant qu’on faisait venir l’Inspecteur général. Bontemps et moi eûmes le temps de nous interroger avant que La Reynie n’arrive.

— Pensez-vous que ce soit lié aux messes noires ? lui demandai-je.

Un haussement de sourcil de Bontemps m’avertit de l’agacement qu’il avait d’entendre cette supposition de ma part. Je sentais que l’inquiétude commençait à se muer en lassitude.

— Sire, il y avait du monde lors de la fête, et ces embarcations sur le bassin ne sont pas des plus stables. Il est fort probable que l’une d’elles ait vacillé ou que quelqu’un soit simplement tombé à l’eau. Avec l’agitation et les feux d’artifice, personne n'a dû entendre ce malheureux appeler à l'aide.

C’était en effet des plus plausibles. Voulais-je y voir autre chose qu'un banal et tragique accident ? Il est vrai qu’après l’avertissement de Henriette je m’étais attendu à quelque chose, surtout après ce que m’avait conté La Reynie et l’Abbé, mais rien n’était survenu, rien ne s’était passé. Mes rêves semblaient avoir repris leur normalité, je n’avais plus reçu de visite nocturne depuis mon escapade au Sanctuaire. J’avais peu dormi cette nuit, mais il fallait plutôt accuser la marquise et l’excitation des célébrations de la veille.

Les gardes tirèrent la dépouille hors de l’eau et l’amenèrent à la morgue. Le Lever devant avoir lieu, je ne pus assister aux suites des opérations, mais j’avais entièrement confiance en Bontemps pour s’en charger avec minutie. Accidentelle ou non, l’enquête devait être menée sur cette mort qui déjà déliait les langues. En effet, tous les courtisans ne parlaient que de la macabre découverte. Certains se mirent en tête de lister les décès ayant eu lieu durant des fêtes, à les écouter, la noyade était somme toute banale comme succomber d’épuisement. Je ne pus m’empêcher de me demander combien de ces trépas étaient véritablement accidentels. Les paroles de mon confesseur me revinrent, se pouvait-il que des empoisonnements soient à l’œuvre ?

À ma surprise, Molière ne parut au Lever, je savais qu’il ne ratait cela pour rien au monde, il adorait nos échanges matinaux où je n’hésitais pas à lui donner quelques conseils pour ses prochaines pièces ou à l’encourager quand il avait affaire à la censure ou à la critique qui pouvait parfois être cruelle. Me tournant vers Bontemps je lui demandais des nouvelles de l’artiste, il me répondit qu’il était souffrant, ne sachant rien de plus sur son état. Inquiet pour le père de mon filleul, j’envoyais un de mes médecins à son chevet.

Au déjeuner, je remarquais l’absence de mon frère également.

— Bontemps, que se passe-t-il ce matin ? Tout le monde est souffrant ? Où est Monsieur mon frère ?

Mon pauvre Valet qui n’était que le messager de mauvaises nouvelles s’attrista de m’annoncer :

— Sire, votre frère s’en est retourné à Saint-Cloud.

Quand l’avait-il fait telle était la question, je doutais qu’il se soit levé aux aurores, cela ne lui ressemblait guère.

— Quand est-il parti ?

— Je ne le sais, Sire, je vous transmets l’information qui m’a été donnée.

Je poussais un soupir d’agacement.

Comme si tout devait se liguer contre moi, au conseil il fut question de la dangerosité des routes. Au moment de regagner leurs demeures, des courtisans avaient été attaqués par des brigands qui, étant avisés qu’une fête aurait lieu, avaient soigneusement attendu que les invités repartent. Profitant de leur ivresse, ils les avaient dépouillés de leurs bijoux et de l’argent qu’ils avaient sur eux.

— Monsieur La Reynie doit venir au Palais, nous l’entretiendrons de cette question également.

La mort semblant s’inviter en cette journée, le sujet suivant fut les accidents sur le chantier, j’appris ainsi que plus de deux cents hommes avaient péri en tentant d’assécher les marécages afin de construire le canal. Comment de telles choses pouvaient être possible m’interrogeais-je en silence. La pensée que la mort me pourchassait ne me quittait plus, j’avais l’impression qu’elle se penchait sur mon épaule. Plus encore, la sensation que ces trépas puissent être liés, comme par un fil d’argent, me saisit. J’essayais de chasser cette pensée absurde !

— Faites paraître une lettre que je signerai afin de remercier leur travail qui évite aux gens vivant à Versailles de souffrir des maladies dues aux marécages. Qu’on fasse éloge de leur héroïsme sans qu’on s’appuie trop sur leur sacrifice. Et assurez-vous que les familles reçoivent également une large compensation financière.

Mieux valait que l’ensemble de la population ignore l’étendue du sacrifice en question. Le chantier de Versailles représentait déjà suffisamment de pertes humaines. En effet, leur ampleur exigeait des ouvriers qu’ils travaillent de jour comme de nuit, ce qui accentuait les risques d’accident. En me tournant vers Colbert, je lui donnais mes directives, je voulais que les ingénieurs trouvent le moyen d’améliorer leurs conditions de travail. Les accidents devaient être réduits et pour les malheureux estropiés incapables de continuer, une pension devait être attribuée.

Colbert haussa les sourcils, je le voyais compter déjà combien tout ceci allait nous coûter. Je lui tapotais l’épaule.

— Je suis convaincu que vous trouverez de quoi inspirer nos ingénieurs afin qu’ils sécurisent mieux le chantier. Moins d’accidents signifie moins de pensions à verser.

En disant cela, je lui adressais un sourire.

Une fois le conseil terminé, je demandais à Bontemps où en était l’enquête. Il m’avertit que le corps était examiné par le médecin, et que l’Inspecteur général serait présent après le dîner. Je hochais la tête aimant l’efficacité de Mon Valet qui parvenait à jongler avec l’emploi du temps afin qu’aucune de mes charges ne soit délaissée. Je lui en étais extrêmement reconnaissant, et je pris, cette fois-ci, le soin de le lui témoigner en laissant ma main s’attarder sur son épaule. Seul Molière comprenait, comme moi, l’importance d’un bon Valet. Il les jouait mieux que personne. Il faut dire qu’il avait sous les yeux le meilleur exemple qu’il soit.

— Qu’est-ce qui vous amuse, Sire ? me demanda Bontemps.

— Rien, je songeais à une réplique d’une pièce de Molière. Vous lui transmettrez mes attentions à son sujet.

Bontemps hocha la tête en signe que ce serait fait, à dire vrai, j’étais persuadé qu’il avait déjà envoyé un messager. Bontemps était prévenant et appréciait lui aussi le comédien.

 Kimberly Vardeman

Lisez la suite dans les chapitres suivants !

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