CHAPITRE 30
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CHAPITRE 30
La maladie du Prince – Crainte des fées l’enlevant – Parents royaux éplorés.
Philippe-Charles, second fils que m’avait donné Marie-Thérèse se mourrait d’une infection à la poitrine qui avait emporté sa sœur six ans auparavant. Il demeurait toujours cependant de l’espoir, n’avais-je point survécu à tant de maux qui d’ordinaire balayaient enfants comme adultes ? J’espérais que mon petit dernier aurait hérité de ma constitution, mais je craignais le pire.
En cet été à la chaleur éprouvante, je rejoignis mon épouse qui était déjà auprès de notre enfant. Le protocole voulait que je me tienne éloigné de toute personne malade afin de ne pas être touché à mon tour. Si je suivais le protocole en de nombreuses façons, je me refusais à laisser un de mes proches seuls face à la mort. Tout ce que je pus concéder aux médecins inquiets, ce fut de ne pas toucher le petit prince mourant.
La Reine était durement affectée. Lorsque je pris sa main, je sentis son soulagement, mais surtout, j’eus l’impression de tenir mon enfant à travers elle. Pourtant, ce n’était suffisant. Les médecins se succédèrent sans parvenir à vaincre le mal qui rongeait le pauvre petit corps. L’entendre respirer si difficilement me déchirait le cœur. Les larmes ne tardèrent à couler sur mes joues, elles baignaient déjà celles de ma Reine. Nous nous enlaçâmes un long moment, et lorsque je croisais le regard de Bontemps, j’y lus la même tristesse, le même déchirement.
Par mesure de précaution, nos autres enfants avaient été écartés, comme mon frère l’avait été quand la fièvre avait manqué de m’emporter. Je les savais affectés et passais les voir aussi régulièrement que possible pour les tenir informés de la situation. Cependant, n’ayant aucune amélioration à leur apporter, je me contentais de les embrasser tous les deux, en retenant mes larmes, ne souhaitant les inquiéter avec mon désarroi.
La nuit venue, je veillais sur mon fils, refusant de quitter son chevet. La Reine non plus ne voulait l’abandonner. De sorte que Bontemps de guerre lasse nous laissa dormir auprès du petit Prince, et ne désirant rompre à ses devoirs, il s’installa lui-même en cette chambre dont l’air pouvait être contaminé. Tous ces dangers insolents que nous prîmes, nous le fîmes par amour de notre enfant. Marie-Thérèse avait la coutume espagnole d’être familière avec nos enfants comme le fut ma mère, la Reine Anne. Et je confesse, l’avoir été tout autant, n’hésitant pas à leur montrer mon affection et même à jouer avec eux, ne souhaitant être le père distant que le mien avait été.
Mon père est mort bien trop tôt, je n’eus le loisir de le connaître. Quand la maladie l’emporta, j’avais quatre ans et demi, autant dire que la figure de mon père m’était inconnue. D’autant plus inconnue que mon père et ma mère ne s’étaient jamais entendus, il préférait aller chasser, visiter ses favoris ou faire la guerre plutôt que tenir compagnie à sa Reine, comme à ses enfants. Longtemps, j’ai vécu dans le souvenir de ce père qui m’avait effrayé, frustré de ne l’avoir connu. C’est sans doute pour cela que j’ai gardé près de moi ceux lui ayant été fidèles, l’ayant accompagné à la guerre comme en politique.
Désirant ne rien faire comme mon père sur le plan de l’intime, j’ai tenté d’aimer Marie-Thérèse comme je l’aurais voulu, j’essayais autant que possible de passer un peu de temps avec elle, et pas juste pour accomplir mon devoir. Je crains de n’avoir pas toujours été un époux aimant ni très attentionné, à mon grand regret. Néanmoins, en cet instant douloureux, je restais auprès d’elle.
Lorsque la nuit survenait, je dormais mal, gardant l’œil ouvert, je veillais sur le sommeil agité de mon enfant. Je redoutais que les fées ne viennent l’emporter. La discussion que nous avions eue avec Colbert avait enfoncé cette idée si profondément en moi qu’elle ne me quittait plus. Je craignais de m’éveiller et de trouver le lit vide. Cela me paraissait d’autant plus vraisemblable que le mal frappant mon fils rappelait celui qui m’avait touché enfant, durant lequel j’avais vu des créatures penchées sur mon lit.
Une nuit, je m’assoupis dans un rare instant de fatigue et je me mis à rêver des fées. Je vis une créature pareille à celle de mes souvenirs. Elle était en apparence fluette, d’une beauté étrange, sa peau diaphane comportait des entrelacs comme des tatouages de guerrier barbare et ses longs cheveux semblaient se refermer sur mon enfant malade. Ses mains étaient anormalement longues et ses doigts qui paraissaient avoir tous la même taille s’étendirent comme pour toucher mon fils.
Je m’éveillais alors en sursaut, hurlant :
— Laissez-le tranquille !
Bontemps avait été aussitôt éveillé par mon hurlement. Le pauvre était par trop habitué à mes agitations nocturnes qui raccourcissaient bien souvent ses nuits. Et il n’était pas le seul, mon cri avait également alarmé les gardes qui furent bientôt là.
— Sire ! Que se passe-t-il ? Vous êtes blessé ?
J’étais baigné de sueur, le corps et les muscles tendus, prêt à occire toute menace, mes doigts encore serrés comme si je tordais le cou à quelque créature. Seulement, il n’y avait rien ici, rien d’autre que mon enfant me regardant avec terreur, ne comprenant ce qu’il se passait. Bontemps se leva et mon épouse ouvrit doucement les yeux. Mon frère arrivant de Saint-Cloud entra dans la chambre et compléta ce triste tableau.
Je me sentis coupable de les avoir tous tirés de leur sommeil, et plus encore d’avoir terrifié mon fils que la maladie faisait bien assez souffrir. Ces créatures étaient-elles seulement réelles ? Avaient-elles été présentes pour s’évanouir à mon éveil ? À moins que je ne sois tout bonnement pas capable de les voir, que seuls les enfants le puissent ? Les enfants mourants ? Je repoussai l’idée. J’avais probablement projeté mes craintes dans mes songes.
— Louis, faut-il qu’on réveille les médecins ?
Mon frère s’approcha, inquiet à mon sujet, et plus encore au sujet de mon fils mourant. Pourtant, il n’était pas de ces hommes qui aimait la présence des enfants, je ne crois pas qu’il visitait souvent les siens, pourtant forts nombreux. Henriette lui en avait donné huit, preuve qu’ils se sont aimés malgré tout. La Reine, déjà penchée sur notre fils, caressant son front brûlant et sa poitrine gonflée secoua doucement la tête.
— Il est encore en vie, mais il souffre, murmura-t-elle.
Mon frère s’approcha alors de moi, me prenant à part.
— Louis, pourquoi as-tu hurlé ainsi ? Tu as vu quelqu’un ?
Je ne pus lui mentir à cet instant, et j’opinai tristement du chef, les larmes roulaient alors sur mes joues sans que j’arrive à les arrêter.
— Elles vont l’enlever et je ne pourrais rien y faire, murmurai-je alors, comme pris de folie en parlant à voix haute de mes craintes dont je n’avais aucune preuve.
Au jour, elles me paraissaient folie et chimères, mais cette nuit-là, dans la chambre de mon enfant se mourant, j’avais l’impression qu’elles complotaient contre moi, cherchant à me l’enlever. N’était-il pas dit que les fées prenaient les êtres que vous aimiez lorsque vous empiétiez sur leur territoire ? J’avais fait bénir le bassin, mais cela n’avait suffit, le mal était bien plus enraciné réalisais-je. J’aurais voulu connaître le moyen de les tuer, de les détruire, je refusais de laisser mon fils périr par leur faute !
Mon frère me voyant presque délirant pensa que j’avais été touché par le mal de mon fils. Les maladies se transmettaient si facilement, et j’étais si souvent affecté par celles-ci que je ne pouvais lui tenir rigueur d’être inquiet à ce sujet.
— Louis, vous êtes brûlant. Un médecin, vite !
Bontemps s’en alla en quérir un, et c’est une foule d’habits noirs qui envahit bientôt la pièce. Naturellement, je fus emporté dans la pièce voisine où une chambre fut installée, j’y insistais et Bontemps accomplit ce miracle. Les meubles bougeaient à la vitesse de ses ordres. Je refusais de m’éloigner de trop de mon enfant.
Bientôt tout le château fut éveillé et la Cour se demanda ce qu’il se passait. La mort d’un enfant royal était un sujet de ragot, l’héritage de la couronne avait toujours été un sujet passionnant pour les courtisans. Je ne pouvais le leur reprocher, ils m’avaient suivi à Saint-Germain dès que le mal s’était déclaré, comme ils l’avaient fait au nord pour constater des avancements des fortifications de Vauban. Ils bravaient la maladie et l’inconfort pour suivre leur roi et l’accompagner dans sa peine.
Les médecins ne trouvèrent rien susceptible d’agiter mes humeurs et je fus exempt de saignée. Ce qui me rassura, j’avais besoin de toutes mes forces pour veiller à ce que les fées n’emportent mon fils. Car cette idée fixe ne m’avait quitté. Bontemps comme mon frère refusa que j’entre à nouveau dans la chambre, mon frère se proposa pour veiller au côté de la Reine. J’eus beau menacer, flatter, rien n’y fit, je demeurais à la porte de la chambre.
La nuit suivante fut malheureusement la dernière que vécut mon fils. Je ne pus rien faire pour le sauver. La journée, je tournais comme un lion en cage, et tous les conseils de ministres que je pus tenir ne parvenaient à m’empêcher de songer à son pauvre petit corps secoué de frissons. J’avais réussi tout du long de son agonie à le veiller en continuant à exécuter mes devoirs, et j’étais persuadé de n’être tombé malade. Malheureusement, n’ayant convaincu ni mon frère ni mon valet je ne fus à ses côtés quand la faucheuse me l’arracha.
Philippe vint m’en avertir, il me serra dans ses bras, et dans ses longs et soyeux cheveux bruns, je versais des larmes que personne ne vit hormis lui et mon épouse qui en distingua les restes sur mes joues. Je pleurais en privé, contrairement à ce que l’on croit. Il est vrai qu’on dit que les rois ne pleurent pas, mais notre mère nous avait élevés différemment, à moins que ce ne soit un trait de caractère chez les Bourbons d’être capable de pleurer. Quoi qu’il en soit, nous restâmes enlacés un moment jusqu’à ce que les larmes ne finissent par ne plus couler.
Marie-Thérèse fut plus inconsolable, elle versa d’innombrables larmes cette nuit-là, et porta le deuil de notre enfant durant de longues semaines. Sachant que je n’aimais le port de ses habits noirs, elle décida de garder ses appartements. Ce n’était pas uniquement pour moi, elle n’aurait supporté d’entendre les plaisanteries et la musique dans les salons alors que notre fils ne pouvait plus danser ni rire. Les funérailles royales eurent lieu à Saint-Denis, où chacun de mes enfants, mais également de mes parents reposait désormais dans cette sinistre cité que je détestais et où il me semblait toujours y distinguer d’horribles spectres.
Nul doute que j’avais une relation peu aimable avec la mort. Elle avait emporté tant de personnes autour de moi, mes parents d’abord et pas d’une mort des plus douces, puis mes enfants. Dieu a voulu que je vive assez longtemps pour être éprouvé du chagrin de leur perte. J’avais déjà eu le chagrin d’enterrer cinq de mes enfants : deux princesses et trois petits garçons que m’avait donnés Louise. Elle les emportait si jeunes qu’on essayait de ne s’y attacher, pourtant la perte de chacun d’entre eux me fut douloureuse. Si j’eus de nombreux enfants, de mes maîtresses comme de mon épouse, cela ne diminua en rien mon amour et la douleur de leur survivre.