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CHAPITRE 17

CHAPITRE 17

Pubblicato 4 apr 2022 Aggiornato 4 apr 2022 Cultura
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CHAPITRE 17

Reconstitution d’un sacrifice dans les bois – Exsangue – Messes noires.

Revenir dans les sous-bois où j’avais trouvé le corps semblait pure folie. Bontemps s’y opposa fermement, et après d’âpres négociations j’obtiens de lui une garde restreinte. Mon Valet insista également pour nous accompagner, délaissant ses prérogatives d’organiser le souper avec monsieur mon frère qui n’avait toujours pas reparu devant moi.

La Marquise de Montespan, amie d’enfance de mon frère, devait le convaincre d’accepter de se remarier. Philippe connaissait ses devoirs et ce n’était pas son genre de s’y soustraire, mais si l’annonce venait de moi, il aurait été capable d’aller s’enfermer dans un château fortifié comme il l’avait déjà fait lors de nos précédentes disputes. Athénaïs était une figure amicale, et après tout, c’est elle qui m’avait donné l’idée du remariage qui chasserait les pensées noires du cœur de mon frère.

De sorte que, si Athénaïs avait bien œuvré, je pourrais même avoir l’immense plaisir d’avoir mon frère à ma table. Sachant cela, je cavalais le cœur léger dans les bois de Versailles. Les travaux avançaient bien et les jardins étaient de plus en plus somptueux. Je regrettais qu’Henriette ne voie jamais le grand lac achevé. Quel contraste il pouvait y avoir entre les jardins dessinés par Le Nôtre et ces terres marécageuses qu’on n’avait encore totalement asséchés.

Une partie de moi aurait voulu conserver les marécages et la forêt intacte, j’aimais le contraste entre ces splendides jardins structurés et cette faune indomptée, j’aimais cet écrin de verdure boisée autour de mon palais. Hélas, la noblesse venant s’installer aux alentours avait besoin de place et les marais donnaient une fièvre mortelle. Il était nécessaire de les faire assécher à mon grand dam. Lorsque la ville ceinturera totalement le palais et ses jardins, alors les dernières traces de mon enfance sauvage auront disparu.

Nous rejoignîmes ces messieurs de la police. La Reynie était des nôtres, c’était une sordide affaire qui ne l’aurait occupé en temps normal, mais j’avais estimé sa présence indispensable. Comme l’avancée des travaux le prouvait, si l’on voulait que les choses soient bien faites, il fallait y mettre la forme. Paris devrait attendre.

Son œuvre pour assainir la ville avait tous mes encouragements. Les ruelles parisiennes étaient encore bien trop gorgées de gredins prêts à vous égorger pour une bourse, de prostituées, et de mendiants. Nous avions imaginé avec Colbert l’existence d’une police afin de protéger le peuple parisien de ces brigands. La Reynie était l’homme parfait pour mettre en œuvre ce grand projet de réforme de la justice.

C’était d’une justice moderne dont nous avions besoin, servie par des inspecteurs capables de mener des enquêtes et non d’anciens soldats qui appliqueraient les méthodes apprises à la guerre. Bien sûr, ces derniers nous protégeaient et je ne voulais déprécier leur travail, mais nous devrions cesser d’opposer la violence à la violence, autrement nous ne sortirons jamais de ce cercle vicieux.

— Messieurs, allons-y, lança D’Artagnan présent pour assurer ma sécurité.

Nous descendîmes de cheval et nous avancèrent dans les sous-bois. Je n’eus à écarter les branches ni à me méfier des ronces cette fois-ci, car j’avais avec moi mes mousquetaires qui traitaient cette végétation sauvage comme si c’était des ennemis.

Enfin, nous atteignîmes le Sanctuaire. Soudainement la présence de tous ces hommes piétinant les feuillages de leurs bottes et pénétrant ces lieux sans gêne, brisant le sacré de l’endroit me dérangeait et je dus réprimer l’envie de les chasser tous. Bontemps ne m’aurait laissé faire.

— Vous avez trouvé l’homme ici, Sire, déclara le Premier Lieutenant en s’avançant vers le Sanctuaire jusqu’à en frôler les pierres.

Je dus me pincer les lèvres tant la proximité de cette main impure avec ces pierres antiques m’arrachait un vif sentiment d’indignation. L’impression que nous étions en un lieu sacré que nous bafouions me saisit d’autant plus fortement. J’avais insisté pour que tout le monde vienne ici et à présent, je le regrettais. S’il existait encore d’anciens dieux, nos présences allaient les courroucer j’en étais certain.

— Nous pensons qu’il a été suspendu ici, ajouta-t-il en s’avançant vers un arbre majestueux dont sa taille imposante suggérait qu’il était très âgé.

Je levais les yeux en observant sa ramure et son feuillage.

— C’est un frêne, murmurais-je.

Je m’intéressais aux arbres comme aux plantes et pour l’élaboration des jardins j’avais dû compléter une instruction somme toute basique. Je ne connaissais l’histoire précise de cet arbre, mais compte tenu de son âge que je pouvais estimer à sa largeur et du fait qu’il se trouvait dans un lieu païen, il me paraissait vraisemblable de supposer que…

— C’était un sacrifice aux Dieux, murmurais-je.

La Reynie m’observait sans oser dire un mot, il avait jeté un œil à Bontemps comme s’il l’appelait à l’aide, ce dernier fit un signe de tête encourageant le Premier Lieutenant à parler comme il le voulait. J’ignorais leurs échanges de regards. J’aimais qu’on me parle franchement, mais j’aimais également la crainte que j’inspirais, mal nécessaire après les excès de la Fronde.

— Votre Majesté, vous semblez vous y connaître en arbre, pensez-vous que cet arbre est… sacré ?

J’entendais le doute dans sa voix. Comment pourrais-je lui en vouloir ? Les anciens rites étaient oubliés, et mes paroles tenaient presque du blasphème. Mère aurait détesté cela. Lentement, je me tournai vers La Reynie.

— Cet arbre est sacré, l’était, disons. Il l’était pour les païens, nos ancêtres. Si cet homme a été vidé de son sang à cet endroit, alors le sang était sans doute une offrande, il a dû ruisseler au pied de l’arbre. Le nourrir.

Le Premier Lieutenant se pencha pour vérifier, il n’eut besoin de creuser, les racines portaient encore les couleurs carmins.

— Sire, vous feriez un excellent lieutenant.

— J’en doute fort. Relevez-vous monsieur.

Lentement, il se redressa et parut hésiter.

— Dites-moi ce qui vous tracasse, je vois bien qu’il y a quelque chose dont vous vous retenez de me faire part.

L’homme hocha gravement la tête, jeta un dernier coup d’œil à Bontemps qui approuva à nouveau, puis finit par m’avertir.

— C’est que, Sire, ce n’est pas le premier corps qu’on retrouve égorgé dans ces bois. Il y a souvent des trépassés ici, comme vous le savez entre les marécages et les bandits… Mais depuis votre découverte, nous avons examiné tous les cadavres retrouvés dans les parages et certains sont…

— Égorgés ? Suspendus comme cet homme ?

La Reynie élargit ses bras et haussa ses épaules, geste malpoli en présence de son roi, mais je lui pardonnai bien volontiers.

— Sur les corps trop anciens, c’est difficile à percevoir, mais il semblerait que certains l’aient été.

Je regardais D’Artagnan puis Bontemps.

— Vous soupçonnez des messes noires ? demandais-je.

Comme pour accompagner mes paroles, un nuage obstrua le soleil et une masse noire parue nous tomber dessus. Je sentis presque le frisson glacé secouer certains des hommes avec nous, pourtant de valeureux soldats.

— Nous n’excluons pas la possibilité, il y a après tout des assemblées d’apostats et de sorcières en ces lieux considérés comme sacrés comme vous le dites, Majesté.

— Menez une enquête approfondie, interrogez les villageois, promettez une coquette somme pour toute information.

— Si je puis me permettre, Sire, les récompenses donnent bien souvent lieu à des vagues de témoignages qui n’ont ni queue ni tête.

— N’en faites part qu’une fois que vous êtes devant leur porte. Pas d’affiche sur la place du marché ni aucune annonce officielle. Mais j’ai peur que sans récompense, personne ne veuille rien dire.

Pour connaitre la suite, lisez les chapitres suivants !

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