Hana-Bi (Takeshi Kitano, 1997)
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Hana-Bi (Takeshi Kitano, 1997)
Les japonais ont eu beaucoup de mal à admettre que leur Hanouna local cachait un immense cinéaste. Il a fallu pour cela la reconnaissance internationale d'Hana-Bi qui a récolté notamment le Lion d'or à Venise. Hana-Bi réussit l'exploit de combiner harmonieusement toutes les facettes si contradictoires de ce réalisateur hors-norme. Comme l'ont dit les Inrocks, "A la fois Beat Takeshi le bouffon et Takeshi Kitano le cinéaste de génie, il trouve ici la voie étroite qui lui permet de concilier les contraires, de féconder sa schizophrénie structurelle et d'inventer le lyrisme grinçant."
A l'image de Kitano, Hana-Bi est un film profondément déconcertant de par son mélange des genres. C'est avant tout un poème visuel contemplatif d'une bouleversante beauté où Kitano se réincarne en Horibe (joué par Ren Osugi), ex-flic devenu paraplégique à la suite d'une fusillade et qui se réfugie dans la peinture. Des peintures dont Kitano est en réalité l'auteur. En 1994, il a a été victime d'un terrible accident qui lui a laissé des séquelles irréversibles, notamment une paralysie faciale partielle. Son visage impassible secoué de temps à autre par des tics nerveux hante le film. De même, les scènes contemplatives sont brusquement déchirées par des éclairs de violence secs et tranchants comme des haïkus. Des explosions qui jaillissent à la surface dont le calme et la sérénité apparentent nous trompent. Comme cette énorme tache sanglante signifiant "suicide" s'étalant au milieu des idéogrammes blancs et jaunes signifiant "neige" et "lumière". Kitano a avoué que son accident était en fait une tentative de suicide.
Il ne faut pas s'y tromper en effet, Nishi, autre facette de Kitano, joué cette fois par Kitano lui-même, Nishi a la rage. Une rage froide qui lui fait décharger son arme sur un cadavre, crever un œil à l'aide de baguettes ou braquer une banque avec un calme olympien. Nishi est une sorte de Robin des bois qui règle ses comptes à la société japonaise, sa corruption, son hypocrisie, sa brutalité vis à vis des plus faibles. Les plus faibles justement, il les prend sous son aile: Horibe à qui il offre le matériel de peinture, la veuve de son collègue assassiné à qui il offre une partie du butin pris à la banque et enfin sa propre épouse condamnée par la maladie à qui il offre un beau voyage à la montagne et à la mer. Un voyage ponctué de petites séquences burlesques et enfantines qui montrent que Takeshi le clown n'est jamais très loin. Mais un voyage profondément mélancolique aussi: les peintures qui l'accompagnent en contrepoint font ressurgir le fantôme de l'enfant du couple, trop tôt disparu. C'est pourquoi l'amour (dont le symbole est la fleur "Hana" en japonais) cohabite avec la mort ("bi" le feu, symbole de la mort "Hana bi" les fleurs de feu signifiant "feu d'artifice") jusque dans la scène finale où la sublime musique lyrique de Joe Hisaishi (le compositeur des films de Miyazaki) est interrompue brusquement par des coups de feu.