CHAPITRE 41
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CHAPITRE 41
Le conseil – Enquête sur les empoisonneurs – Inquiétudes de la Reine.
La Reynie avait été bien occupé en mon absence, durant toute la progression de notre armée, Colbert m’informait tout à la fois des avancées des travaux de Versailles, de l’enquête sur les empoisonnements et les messes noires, mais également sur les autres affaires du Royaume, dont l’assainissement de Paris qui était un sujet qui me tenait à cœur. La capitale qui s’enflammait et montait aux barricades à la moindre escarmouche m’avait toujours quelque peu effrayé, vestige de la Fronde de mon enfance, j’imagine.
L’inspecteur général parut épuisé quand il vint au conseil, je supposais que ses nuits étaient courtes au vu de toutes les affaires qu’il menait de front, d’autant qu’il avait pris l’affaire de la Brinvilliers à sa charge. L’importance de l’affaire, le titre de l’accusée, tout cela incitait La Reynie à faire preuve de délicatesse. Je lui en savais gré d’en faire autant, de le faire avec autant d’efficacité et d’assiduité.
— Pensez-vous que l’Angleterre nous la livrera ? demandais-je à mon ministre qui opina du chef.
— La Cour anglaise a souffert par le passé d’empoisonnement, ils n’ont aucun intérêt à prendre la défense de la marquise, répondit mon ministre.
Ce à quoi l’inspecteur général ajouta :
— La marquise a pleinement conscience de cela, l’Angleterre n’était qu’une étape. Il est possible qu’elle continue sa fuite vers la Suède, mais c’est un allié de la France… Le seul endroit où elle pourrait trouver refuge actuellement est la Hollande, mais c’est une catholique. Il lui faudrait répudier sa foi… Ce qui m’amène à penser qu’elle pourrait plutôt choisir de se retirer dans un couvent.
Si elle y parvenait, il sera très difficile à la justice de l’en arracher. Les couvents comme les églises sont des refuges où chacun y trouve asile, peu importe ses fautes. L’Église ne peut soutenir ses actions, bien sûr, mais ne peut lui refuser l’asile. Bien des figures traquées, royales ou non, l’avaient compris. Une histoire anglaise me revenait, d’un prince traqué durant la guerre des deux roses trouvant refuge dans un monastère. Je me souvenais surtout qu’ils avaient réussi à l’en sortir. Je me tournais vers Colbert.
— Si elle fait cela, ne pouvons-nous rien faire ?
À son expression, je devinais qu’il avait déjà un début de solution.
— Nous pourrions par la ruse la pousser à en sortir, il faudra avoir l’appui de l’Église naturellement.
Tous les regards se tournèrent vers Bossuet.
— Au vu de l’importance des crimes de cette dame, l’Église vous l’accordera. Il faudra néanmoins obtenir l’autorisation de l’abbesse du couvent où elle trouvera refuge.
La Reynie hocha la tête.
— J’ai l’homme qu’il nous faut pour cela, et je vais faire surveiller les routes de Calais, il y a de fortes chances pour qu’elle débarque là-bas. Il me faudrait des renseignements sur les couvents de la région, mais il y a peu de chances qu’elle nous échappe, Sire.
Nos regards revinrent à l’abbé.
— Vous aurez ces renseignements, assura-t-il.
— Je suis heureux de l’entendre, quant aux autres noms trouvés dans cette cassette, traitez- les avec la même discrétion que les empoisonneurs que vous a donné Monseigneur.
Nous devions à tout prix éviter une chasse aux sorcières et n’agir que lorsque les preuves seraient éclatantes et les témoignages vérifiés. J’avais pleinement confiance en La Reynie qui comme moi désirait une justice plus efficace et moins sujette aux erreurs.
— À ce sujet, quelles avancées avez-vous faites ?
La Reynie m’informa qu’il avait ordonné une vaste enquête, que de nombreux prétendus alchimistes avaient été arrêtés et leur commerce de poison interrompu, qu’ils remontaient ensuite s’ils le pouvaient aux autres clients. En croisant avec les confessions, ils avaient obtenu de bons résultats et quelques arrestations prometteuses, mais l’enquête devait être plus poussée. Pour le moment, seuls ceux dont les crimes étaient avérés avaient été mis aux fers.
— Le problème, Sire, est qu’il y a de nombreux poisons qui sont en vente libre. Il est aisé de se procurer du cyanure et personne ne vous suspectera d’aucune sorte si vous le faites.
Il était évident qu’il fallait faire quelque chose là-dessus. La Reine fut effarée d’entendre tout cela.
— Pardonnez-moi, messieurs, mais comment se fait-il qu’on puisse aussi facilement prendre la vie d’un autre, d’un membre de sa famille ! Tout cela m’effare et m’inquiète.
Je concevais que ce fut choquant, ça l’était également pour moi. Pourtant, en tant que Roi, je connaissais le danger encourus d’être empoisonné. membres d’un gouvernement sont souvent la cible de poisons, parfois même l’on se débarrassait ainsi d’ambassadeurs. Mais je peinais à croire qu’on puisse assassiner sa pauvre tante pour quelques pièces d’or. C’était là une terrible réalité dont nous prenions conscience.
— La vente de ces poisons ne sera plus libre, mais surveillée et limitée aux apothicaires, le nom des acheteurs devra être consigné, décidais-je. Quant aux alchimistes, s’ils veulent continuer leurs activités ils se limiteront à la transformation chimique des métaux et non plus à la confection de filtre et de potions, et plus encore de poisons. Qu’on laisse la médecine aux médecins.
Bien des paysans faisaient encore appel aux rebouteux, mais ceux-ci me posaient moins de problèmes que ces alchimistes qui avaient trouvé une manière très rentable de troquer l’or contre du vitriol.
— Et pour ce qui est des salons ? me demanda la Reine.
— Je crains qu’il ne faille les rouvrir ma chère, les courtisans ont besoin d’occupations. Nous surveillerons tous ceux qui sont en commerce avec des alchimistes et limiteront le vin aux célébrations. Il faudrait également encadrer les dettes de jeu, s’assurer qu’aucun endetté ne soit tenté d’assassiner pensant qu’ainsi il s’en sortira en toute tranquillité. Peut-être devrions-nous interdire de jeu ceux qui sont déjà fortement endettés ?
Lors des soirées d’appartement, des sommes folles pouvaient être engagées. La plupart des courtisans avaient les moyens de mener un tel train de vie, mais certains visiblement, ne s’arrêtaient pas à leur bourse et envisageaient celle des autres.
— Nous pourrions surveiller les successions, proposa mon ministre des finances.
— Que la gazette fasse mention de toutes ces décisions. Colbert, nous allons devoir en parler, et faire passer quelques décrets que ces messieurs pourront appliquer.
Sur ces mots, nous nous séparâmes. Je retins néanmoins Colbert et Bossuet, laissant Bontemps raccompagner la Reine. Celle-ci particulièrement secouée par ce qu’elle venait d’entendre avait besoin d’être rassurée. Pourtant, en mon absence elle avait assuré la régence et mis au monde un petit garçon, mais elle doutait encore d’elle-même et demeurait fortement impressionnable, surtout lorsque j’étais là, j’ignorais pourquoi.
— Messieurs, j’ai besoin de vous. Monseigneur, votre ami est-il à Versailles ? J’aurais besoin de m’entretenir avec lui.
— Sire, il n’attend qu’un mot de vous pour venir, me répondit Bossuet.
— Alors, dites-lui que sa présence est requise.
Une fois que Bossuet disparu, je me tournais vers Colbert.
— Il me faudrait cette sorcière dont je vous ai parlé, et un paysan ou une nourrice du coin de Versailles, si possible dont la famille est ici depuis plusieurs générations. J’ai mené la guerre aux Hollandais, à présent, je suis prêt à la faire à notre ennemi occulte.