CHAPITRE 16
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CHAPITRE 16
Résolution royale – Missions données – Requêtes faites
Ma volonté de faire la lumière sur ce qu’il se cachait dans les ténèbres en mon royaume s’était retrouvée renforcée par les conseils de ma Reine. Je donnais dès le soir avant le souper des instructions à Bontemps en ce sens.
— La Reynie a eu amplement le temps d’enquêter sur le pendu, faites-le venir afin qu’il m’informe de ses avancées.
Je ne laissais le temps ni le soin à mon Premier Valet de Chambre de répondre à cela en usant d’un ton autoritaire et sans appel, le même que j’avais utilisé naguère avec ma mère et les princes de sang afin de les exclure de la gouvernance de l'État. Non que je ne souhaitais avoir ses conseils, mais je devais agir, et ne pouvais laisser les doutes de Bontemps m’en empêcher.
— Je veux qu’il me rejoigne dans les sous-bois où j’ai trouvé la dépouille, ce n’est pas ici que l’affaire sera résolue, mais sur place !
L’idée m’était apparue en marchant dans les jardins, ce n’était pas au sein du Palais que des corps exsangues étaient retrouvés, mais au Sanctuaire. C’était là-bas que l’enquête devait être menée, et que je me devais d’y retourner. Bien sûr, une telle annonce effraya d’autant plus Bontemps. Son regard m’implorait, mais d’un geste je le fis taire, c’était peu aimable j’en conviens, mais l’affaire se devait d’être résolue et je ne pouvais plus laisser les doutes m’affecter.
— Bontemps, je connais votre avis sur la question, je l’ai écouté, mais de nouveaux éléments sont survenus et je ne peux les ignorer. Veuillez, je vous prie, faire ma volonté.
— Sire, je n’ai voulu que votre bien.
Je lui souris doucement, presque chagriné d’avoir usé avec lui d’un ton aussi dur.
— Je sais, Bontemps, je sais.
Pour le reste, j’avais l’intention de faire appel à Colbert afin de ne pas trop charger Bontemps, mais également parce que mon ministre des finances était moins regardant sur ce que je lui demandais de faire. Sa discrétion et sa précision m’allaient être précieuses comme toujours. Il m’avait déjà aidé pour des affaires délicates comme les premiers enfants que me donna Louise de La Vallière, à l’époque où n’aurait supporté que je les reconnaisse. Madame Colbert avait veillé sur eux et permis que je les voie grandir avant que la mort ne me les arrache.
Je trouvais mon ministre encore en train de travailler. Éclairé de deux bougies uniquement, il griffonnait du papier entouré d’immenses piles de dossiers tous plus importants que les autres. Je savais pourquoi il s’abîmait les yeux à la faible lueur de malheureuses chandelles quand tant de candélabres auraient pu lui être amenés. Mon économe ministre des Finances. Je souriais en le contemplant ainsi, il n’avait changé depuis le temps où il était l’homme consciencieux que mon parrain me confia sur son lit de mort.
— Sire, que me vaut le plaisir de votre visite tardive ? demanda mon loyal serviteur en relevant la tête.
Quelques cheveux gris s’insinuaient dans sa chevelure brune tombant en boucles domptées sur ses épaules. Il était l’un des rares hommes à la Cour n’ayant recours aux perruques. Tous m’avaient suivi, mais Colbert n’avait jamais été un courtisan. Il avait tout de l’homme de l’ombre, utile et affûté comme la plus fine des lames. À l’exception qu’il œuvrait à des travaux infiniment plus précieux que la mort, il œuvrait pour la postérité.
— J’aurais une mission à vous confier et elle est des plus délicates.
— Je suis à votre entier service, sire.
Un sourire sur mes lèvres fut chassé d’un geste impérieux.
— J’ai appris qu’une sorcière avait été brûlée en Écosse, pourriez-vous m’apporter tous les éléments que vous trouverez sur le sujet ?
Je doutais que cette fois-ci il puisse faire appel à l’un de ses cousins éloignés, tantes ou oncles. Nous n’avions d’espion en Écosse, mais quelques alliés historiques. Lionne aurait pu répondre à ma requête plus aisément, mais la question que je posais n’avait rien à voir avec la guerre. Et elle exigeait de la discrétion.
— Lionne doit pouvoir vous donner quelques contacts de Lords écossais. Surtout ne sous-entendez point qu’on souhaiterait lancer pareille chasse en France ! Je veux seulement récupérer les témoignages et la mise en accusation.
Colbert me demanda avec étonnement.
— Vous ne voulez les aveux ?
— Si, mais nous savons fort bien que la question fait dire ce qu’elle veut aux pauvres hères y étant soumis.
Ce n’était cependant pas la seule requête que j’avais à lui faire. La voyante de ma maîtresse ne m’avait rien appris, mais mon épouse m’avait mentionné le fait qu’il existait des sorcières partout dans le monde, y compris en France. Je devais être prudent, mais l’enquête devait être menée. Et n’ayant de professeurs ni de savants sur le sujet, il me fallait faire appel aux praticiens.
— Je vais également avoir besoin que vous me trouviez une sorcière, de par chez nous. Je crois qu’elles sont répandues en Bretagne et en Pays Berrichon. Qu’elle soit payée pour sa peine et faites-lui comprendre qu’il ne s’agit nullement d’une mise en accusation.
Ce qui était agréable avec Colbert c’est qu’il ne posait jamais de questions indiscrètes, qu’il ne semblait jamais vous juger sur les demandes même les plus absurdes que vous puissiez lui faire. Tant qu’elles n’exigeaient des coûts exorbitants, bien sûr !
— Ne l’amenez pas cependant au palais, je la verrais aux écuries.
Là-dessus, je rejoignais la prudence de Bontemps.