CHAPITRE 5
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CHAPITRE 5
Tendresse entre époux – Terreurs nocturnes – Inquiétude d’un Valet
Après avoir quitté la couche d’Athénaïs où nous avions éprouvé la ferveur de nos corps et de nos esprits, repus d’amour et de plaisir, je me dirigeais vers la chambre de mon épouse qui comme à son habitude ne dormait point encore. Le sommeil ne la gagnait jamais tant que je ne l’y rejoignais. Marie-Thérèse souffrait de terreur nocturne, la peur des fantômes, et sans nul doute des grincements que le bois produisait aiguisé par le mouvement des gardes se relayant à sa porte.
Ses petits yeux fatigués me regardèrent avec l’éclat de l’amour lorsque je vins me glisser dans les draps à ses côtés. À notre habitude, je l’entourais de mes bras. Sa peur des fantômes persistant avec les années, je me demandais si elle n’en jouait pas un peu. Il est vrai que les résidences royales sont pour la plupart hantées. Je n’ai aucun doute sur le sujet ayant moi-même constaté enfant que les ombres s’y glissaient la nuit venue, certaines allant jusqu’à se pencher sur votre lit quand vous étiez à demi assoupi. Mais à Versailles même, je n’en avais jamais aperçu.
Les torches étaient toujours allumées dans les jardins comme les candélabres dans les galeries qui éclairaient la vue des gardes veillant de jour comme de nuit. Toutes ces lumières ne suffisaient-elles à éloigner les fantômes ? Plus encore, il n’y avait guère eu de morts en ces lieux trop récents, si ce n’est peut-être ceux des ouvriers chargés des travaux. L’importance de ceux-ci expliquait en grande partie les pertes que je déplorais. Mais je doutais que les malheureux hantent les lieux pour nous tourmenter.
Naturellement, j’évitais le sujet avec elle. Je lui devais bien cette étreinte qui apaisait ses terreurs nocturnes puisqu’elle restait aveugle sur mes passions avec Mademoiselle de La Vallière comme avec Madame de Montespan.
J’attendis qu’elle s'endorme paisiblement dans mes bras. Elle me paraissait si douce et délicate alors, me rappelant la jeune princesse que j’avais épousée, enfant dont la timidité évidente m’avait touchée, et plus encore, l’amour qu’elle me portait. Un amour que je ne pourrais jamais dépasser, j’en avais conscience, mais qui m’entourait et m’encourageait. Je savais que quoi que je fasse, son amour resterait à jamais autour de moi. Cela était réconfortant, et parfois me poussait à être odieux avec elle juste pour éprouver cet amour dans son pardon. Je le regrettais toujours ensuite, trop tard sans doute.
Un baiser sur son front, et je me dégageais doucement, laissant son petit corps chaud reposer sur les draps. Je veillais à ce que la chandelle demeurée allumée puisse encore durer quelques heures. Assuré qu’elle puisse ouvrir l’œil sans crainte, je me glissai hors de la chambre pour gagner la mienne où mon valet m’attendait.
Quand je passais devant lui, je le vis m’ausculter rapidement, il savait parfaitement d’où je venais.
— Tout va bien, Bontemps.
Il avait remplacé Laporte, devenu trop âgé pour ces fonctions. Il était à mes yeux plus qu’un simple domestique serviable et utile. Nous avions dansé ensemble sur scène autrefois. Désormais, il était mes yeux et mes oreilles et sa loyauté était sans pareille. Toutes ces qualités le rendaient fort précieux. Nous avions une intimité et une confiance que je ne partageais avec personne d’autre, pas même mon épouse ou mon frère.
— Ravi de l’entendre. Bonne nuit, sire.
— Bonne nuit, Bontemps.
Mais ma nuit ne fut pas bonne. Mon sommeil fut agité, secoué par les fantômes du passé. Dès que Morphée m’eût emporté, je me retrouvai à nouveau dans les bois qui refermaient leurs bras verdoyants sur mon chemin. Le bruissement de la végétation se faisait si assourdissant qu’il était impossible de l’ignorer, pas plus que les battements effrénés de mon palpitant. L’impression que j’avais éprouvée enfant à Saint-Germain me revint, enserrant mon cœur jusqu’à l’en rompre.
La sensation d’être confronté à quelque chose d’à la fois terrible et fascinant, quelque chose qui avait toujours été là, caché et invisible à la fois, comme une ombre mouvante précédant le moindre de mes gestes. Cela confinait à la folie, à la terreur et aux cauchemars, mais ce n’était que cela, n’est-ce pas ? Un cauchemar venu de mon enfance. Tout mon être frémissait à l’idée que ce soit plus que cela.
Le corps enfoui dans la végétation, enlacé par les ronces, tout noirci par la pourriture se relevait, se redressait, et une fois sur son séant, tournait son horrible tête vers moi. Ses yeux jaunes et intenses m’observaient et me défiaient. Son effroyable main décharnée se tendit et se replia, son index pointé vers moi. J’en ressentis un immense choc, une profonde terreur, mon cœur battait plus vite encore. Le hurlement d’une chouette résonna au loin, les bruits de la végétation et de la nuit devenaient plus forts, formant une symphonie dissonante. J’avais envie de hurler, de me boucher les oreilles, mais j’en étais incapable.
Je ne pouvais détacher mes yeux de la créature qui se redressait, déployant ses longues jambes et de son corps décharné qui craquait comme des branchages se brisant sous les pas. Il y avait dans son apparence quelque chose évoquant l’arbre, l’écorce dans la noirceur de sa peau et dans les nœuds s’y faisant, et sa tête, son horrible tête était dotée des bois d’un cerf qui poussaient et s’étendaient sous mes yeux.
C’était la créature que j’avais vue enfant, pas exactement la même, mais de la même espèce. Ce mélange de beauté sauvage et de fantasmagorie étrange dont l’impossibilité me frappait le cœur. Quelque magie ancienne et obscure était à l’œuvre, j’en étais persuadé. Et dans ce songe cauchemardesque, le danger me paraissait effroyablement proche.
La créature resta imprimée sur ma rétine lorsque mes yeux s’ouvrirent sur la réalité de ma chambre. J’eus l’impression qu’elle était penchée sur mon lit, mais quand je me redressais je constatais que j’étais seul… non pas dans ma chambre, mais dans les jardins.
J’avais les pieds dans l’eau du bassin et ma chemise de nuit y trempait allègrement. Je frémis en songeant à ce qu’il se serait passé si je m’étais avancé plus encore… comme lorsque j’étais enfant. J’avais manqué de me noyer dans une fontaine, j’avais regardé… je regardais les jeux d’eau, mais il y avait quelque chose caché entre les gouttes, une créature mutine et adorable qui m’avait attiré par son rire cristallin. J’aurais pu en jurer à cet instant. C’était une ondine qui m’y avait hypnotisé alors.
La rêverie fut brisée par la voix de Bontemps, terriblement inquiet.
— Sire, sortez de là, je vous en prie, revenez, réveillez-vous.
Je le sentis derrière moi, ses mains posant ma robe de chambre lourde et épaisse sur mes épaules et me tirant en arrière pour me sortir du bassin. Hélas, ce n’était la première fois que mon sommeil agité provoquait une crise de somnambulisme. Bontemps était inquiet que quelqu’un ayant le désir de me nuire ne l’apprenne et n’en profite. Généralement il me rattrapait avant que je ne sois au dehors et visible de tous, peut-être s’était-il réellement assoupi ou qu’un sortilège l’avait endormi…