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Comment la liberté de la presse est assassinée (Cinquième partie)

Comment la liberté de la presse est assassinée (Cinquième partie)

Publié le 13 juil. 2021 Mis à jour le 13 juil. 2021 Politique
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Comment la liberté de la presse est assassinée (Cinquième partie)

Choisir ou subir la médiatisation

La diversité des alertes, des personnalités des lanceurs d’alerte fait que certaines affaires sont ultra-médiatisées, d’autres à peine, quand d’autres sont ignorées. De manière paradoxale, les rescapés parmi les lanceurs d’alerte sont ceux qui n’ont pas été médiatisés et ont pu continuer à vivre grâce à un équilibre professionnel ; à l’opposé, des lanceurs d’alerte surmédiatisés ont fait de leur combat leur métier, comme le démontrent au quotidien les actions de Snowden, membre du conseil d'administration de la Fondation Freedom of the Press. Ce dernier avait choisi de révéler en juin 2013 les agissements de la NSA américaine via le journal britannique The Guardian en déclarant notamment :

Je n’ai pas l’intention de cacher qui je suis, parce que je sais que je n’ai rien fait de mal.

Edward Snowden

 

Mais tous les cas sont possibles. Pour ma part, depuis 2012, j’ai été sur-médiatisée alors que j’avais tiré la sonnette d’alarme en interne chez mon ex-employeur et à l’extérieur de la banque notamment à l’inspection du travail, qui m’avait demandé de porter plainte contre UBS. La médiatisation m’a assassinée professionnellement puisqu’elle me colle à la peau plus que n’importe quel qualificatif. Avant d’être une femme, je suis lanceuse d’alerte. Avant d’être une mère de famille, je suis lanceuse d’alerte. Avant d’être une cadre, je suis lanceuse d’alerte. Je suis considérée comme étant un individu attaché à un dossier. Chacun semble avoir oublié que j’ai eu une carrière, j’ai travaillé pendant plus de vingt-cinq années pour des entreprises et des administrations très différentes, j’étais reconnue dans mes fonctions, j’avais des compétences, des atouts, une expérience, un réseau. La médiatisation que j’ai vécue permet à chaque journaliste, association, étudiant de la planète de me contacter, de l’Argentine à la Russie ; mais elle a irrémédiablement stoppé ma carrière - l'éthique n'intéressant pas les entreprises, pas plus qu'elle n'intéresse nos administrations à ce stade. Je n'ai pourtant fait que préconiser des solutions pérennes. Plus surprenant encore, la médiatisation que je vis en tant que lanceuse d’alerte est un véritable boomerang puisqu'à la fois le Ministère des Finances et UBS s’accordaient pour communiquer dans les médias jusque fin 2018 que j’usurpais cette appellation de « lanceuse d’alerte » et que je ne serais qu’un témoin dans le dossier. Ils étaient de connivence pour m'enlever jusqu'à ma propre histoire. Hélas pour eux, la justice m’a donné raison il y a un peu plus de deux années, reconnaissant mon statut de collaboratrice du service public.

Par ailleurs, la médiatisation est un exercice complexe et très risqué, exposant le lanceur d’alerte puisque son employeur (ou ex-employeur) demande des droits de réponse dans les médias et n’hésite pas à porter atteinte à la dignité et à l’honneur du diseur de vérité. J’ai connu ce type de droit de réponse de la part d’UBS avant le prononcé du jugement prud’homal de mars 2015, notamment dans L’Obs (Réponse à l’interview publiée le 5 février 2015 – L’Obs n° 2622). Les informations sont écartées par l’entreprise qui ne communique que sur la personnalité de l’émetteur. Elle évite ainsi de parler du fond du dossier, préférant des insinuations liées à la personnalité de celui/celle qui dénonce le dysfonctionnement.

Cette sur-médiatisation de ma personne en tant que lanceuse d’alerte aidera-t-elle, au moins, à faire que les futurs lanceurs d’alerte soient mieux protégés, soient soutenus ?

 

A suivre : Comment la liberté de la presse est assassinée (Sixième partie)

 

Photo de couverture : Mme Monique Dits, Comité Free Assange Belgium

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